Elle devait bien l'avouer, Solweig n'avait rien fait de transcendant durant son trimestre à Rio. En fait, elle n'avait même rien fait, se contentant de regarder Stan avec son cheval et de faire un peu mieux connaissance avec lui, peaufinant peu à peu leur relation et leur histoire commune. Aux yeux de tous, ils devaient passer pour des frère et sœur. Ce qui n'était pas désagréable finalement, même si la jeune femme préférait travailler seule. Il ne lui avait pas fallu très longtemps pour apprécier le petit brun...

Contrairement à lui cependant, elle n'avait pas cherché de cheval à prendre en demi-pension, ni même poser ses fesses sur un cheval du Haras. Elle avait reconnu les environs et avait fait bronzette et surveillance du site, en attendant d'éventuels ordres qui viendraient plus tard dans le trimestre. Malgré la foule de malfrats qui pullulait dans les environs de Rio et dont le monde entier se passerait avec un grand plaisir, ils n'avaient eu qu'une petite mission facile. Elle était un peu déçue mais en même temps elle n'était pas un super-héro et encore moins la justice. Ce n'était pas à elle de décider qui allait mourir. Elle ne voulait pas de cela sur la conscience. Non, elle, elle ne faisait qu'exécuter les ordres qu'on lui donnait et laissait les cas de conscience à ceux qui prenaient les décisions. Elle n'était pas là pour cela de toute façon...

En attendant, en arrivant à Singapour, une annonce de la part du directeur du Haras lui avait sauté au yeux : il fallait prendre soins de poneys, tout droit sorti d'un container abandonné sur le port. La jeune femme s'était dit que se serait un bon moyen de passer le temps et elle avait été voir lesdits poneys. Un, ou plutôt une, lui avait tapé dans l’œil : Mystique. C'était d'elle qu'elle voulait s'occuper, et d'aucun autre. Elle s'était donc inscrite, ajoutant Stan par acquis de conscience et avait commencé à réfléchir à sa première approche. En effet, la ponette choisie était plutôt du genre farouche apparemment. Et non débourrée. Elle n'avait pas choisie la facilité, mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait. En fait, rien ne l'inquiétait avec cette petite jument. Ce qui était déjà une bonne chose en soit à vrai dire...

Ce matin là, comme tout les matins depuis son plus jeune âge, elle s'étira, et vérifia que son corps entier répondait bien et de façon normale. Elle passait une bonne vingtaine de minutes à passer son corps au peigne fin chaque matin. Le seul moyen pour elle de vérifier qu'elle n'avait rien de cassé ou anormal. Quand on ne ressent pas la douleur, il y a certaines précautions à prendre, et celle-ci était essentielle. Échauffer le moindre de ses muscles aussi, chaque matin, pour éviter le claquage ou pire. Elle rejoignait ensuite Stan pour une séance de jogging et sport avant d'entamer sa journée. Quand elle revint au Manoir après leur séance sportive, il y avait un coursier à l'accueil. La standardiste du Haras la stoppa avec un sourire.

- Mademoiselle Porter ?
- Oui ?

Elle s'avança vers le coursier et le bureau d'accueil avec un regard un peu méfiant. Mais le coursier sourit et la salua d'un bref hochement de tête, lui tendant une grosse enveloppe craft.

- Un paquet pour vous par coursier. Il a refusé que je signe pour vous, préférant vous attendre.
- Oh ! D'accord. Et bien, merci.

Elle prit le paquet et signa le reçu. Le coursier la remercia, les salua et disparu au dehors. La demoiselle discuta quelques minutes avec la standardiste pour la remercier et remonta doucement dans sa chambre, le paquet à la main. Elle en profita pour envoyer un message à Stan. Ils avaient un mission, les choses sérieuses commençaient...

*** *** *** ***

Le paquet contenait deux petites armes avec silencieux et un dossier sur une jeune femme. La mission était simple : elle avait été enlevée, ses agresseurs demandaient une grosse rançon. Il fallait aller la chercher avant qu'elle n'entre dans le circuit du commerce humain, qui, il ne fallait pas se le cacher, était bien vivace à Singapour et dans toute l'Asie du sud-est. Stan était assit au bord de son lit et lisait avec une certaine concentration le dossier de la demoiselle. Solweig l'observa un instant, appréciant les courbes de son visage. Plus elle travaillait avec lui et plus il lui faisait envie. Mais il fallait qu'elle refrène ses pulsions pour l'instant. Elle se contenta donc de s'éclaircir la gorge et s'adresser à lui d'une voix douce.  

- Alors, tu as une idée de où on pourrait commencer ? Pour l'instant on ne sait rien sur ses ravisseurs ni de l'endroit où ils la détiennent.
- Ok, la tête pensante c'est surement ce type -indiquant un dossier- l'homme de main sur le coup c'est lui. Il faut en apprendre plus sur eux.
- C'est ce que je pensais aussi. Tu veux prendre la filature cette fois ? Je vais contacter nos indics sur place pour savoir s'ils n'auraient pas des infos... On ne sait jamais, il pourrait y en avoir un avec l'envie de se rendre utile !

Elle sourit et Stan le lui rendit, acquiesçant dans le même temps à sa proposition. D'un pas souple elle se releva de son lit pour aller jusqu'à son armoire et y dénicher la clé usb qui y était cachée. La clé, cryptée, contenait les listes de tout ceux qui pourraient leur être utile dans tous les pays du monde. Elle n'avait qu'à la connecté au serveur sécurisé pour la mettre à jour. Pendant que Stan poursuivait son étude du dossier, elle brancha donc la clé et retint les noms de ceux qu'il faudrait qu'elle aille voir, ainsi que les conditions dans lesquelles elle devrait les contacter. Certains pouvaient être infiltrés et il n'était pas question de leur faire du tord... Ils avaient passer une bonne heure à réfléchir à une stratégie quand la jeune femme mit fin à la séance. Elle avait une ponette à aller voir et un travail à commencer. Autant s'y mettre vite pour qu'ils soient débarrasser plus vite !

*** *** *** ***

Mystique était collée à la barrière du paddock, tout au fond, isolée des autres. Elle avait été mise dans un paddock seule parce que les autres la rejetait et qu'elle n'avait jamais sa part de grains. Elle pouvait tout de même voir et interagir avec ses congénères à travers les barrières, ce qui ne la rendait pas complètement isolée. Solweig était debout devant la porte, à l'intérieur du paddock, avec un seau de granulé à la main. Elle regardait la jument d'un air distrait. Elles sont resté à se faire face ainsi une bonne vingtaine de minutes avant que la jeune femme ne soupire et ne pose le seau à côté de l'abreuvoir, avant de partir. Elle n'avait pas choisi la facilité avec cette petite ponette et elle se rendait compte que les choses seraient loin d'être faciles. En tout cas, plus difficile encore que ce qu'elle avait imaginé.

En attendant, elle avait un rendez-vous sur le feu et elle ne voulait pas perdre trop de temps. Elle avait deux indics différents à voir dans l'après-midi avant de rejoindre Stan à la planque et de prendre son tour de garde. Il avait trouvé le domicile de l'homme de main dans ses papiers et avait loué une camionnette pour la placer devant ledit logement. Pendant qu'elle allait voir les indics, il devait équipé la camionnette et aller prendre place, informant la demoiselle de l'avancée des choses par téléphone.

Elle n'eut aucun mal à trouver ses deux indics et eu de précieuses informations de leur part. C'était déjà une bonne nouvelle. C'est avec le baume au cœur qu'elle rejoignit donc Stan dans la camionnette, l’œil vissé sur un écran de contrôle et le casque en travers de la tête relié à la parabole d'écoute.

- Salut ! Je t'ai ramené des chips ! Alors, ça marche bien tout ton bordel ?

Le jeune homme tourna vers elle un regard désespéré et soupira. Il ôta le casque pour le mettre sur sa nuque et attrapa le paquet de chips pour l'ouvrir et piquer dedans.

- C'est le bordel ce truc... On entend rien on est trop loin. Mais impossible de se garer plus près. J'entends aussi les voisins, c'est dur de faire la différence. Ils parlent tous avec un accent de chiotte...

La jeune femme sourit et s'approcha, prenant le casque sans demander la permission du garçon et l'enfila sur ses oreilles. Elle devait bien avoué qu'il avait raison, on n'entendait presque rien dans ce casque. Mais elle réussi à différencier deux hommes parlant d'un sujet et une femme d'un autre. Les hommes parlaient mandarin, la seconde langue officielle du pays, alors que la femme parlait anglais. Elle sourit pour elle même : Stan exagérait un peu, il était facile de faire la différence. Mais sur plusieurs heures, elle comprenait que cela devienne lassant. D'autant plus que les deux hommes ne parlaient pas de grand chose qui ai de l'intérêt. Après quelques minutes d'écoute, la demoiselle s'adressa à son partenaire d'une voix douce.

- Sinon on peut toujours entrer et les faire parler.
- Notre réussite est dans la discrétion.
- Tu crois vraiment qu'ils sont discret eux ?

La jeune femme lui adressa un regard et un sourire lascif et le garçon y répondit sans trop de conviction. Il devait la trouver un peu trop casse-cou sur certaines choses mais qu'importe... Elle n'était pas connu des services pour sa légendaire discrétion... Mais plutôt pour sa froide efficacité. Peu importait s'il lui arrivait de faire un peu de bruit médiatique de temps à autre... Elle était trop redoutable pour que cela inquiète. En attendant, elle prit ainsi le relais de Stan qui en profita pour dormir un peu. Solweig resta concentré et au prix de longues heures de concentration, elle toucha enfin au but. Elle réveilla Stan et nota l'enregistrement qui les intéressait. Ils apprirent que leur cible était encore à Singapour, dans un bateau. Elle était prête à être vendue. La vente se faisait par correspondance à en jugé par leurs termes et l'homme qu'ils avaient pour cible était le livreur. Se serait désormais une surveillance de tous les instants pour intercepté le véhicule... Cela changeait un peu leurs plans mais ce n'était pas plus mal !

*** *** *** ***

Ils étaient prêts. Stan était assez bel homme et portait assez bien le costume pour passer pour un acheteur occidental au service d'un grand prince d'orient ou un richissime américain. Après diverses recherches auprès de leurs indics, ils avaient trouvé le lieu où se déroulerait la vente. Moyennant un ticket d'entrée conséquent, Stan s'était inscrit à la vente. Il serait donc parmi les acheteurs. Le tout était qu'il remporte la vente de leur cible pour qu'il puisse la ramener chez elle saine et sauve. Solweig quand à elle était son soutien logistique. Elle avait enfilé une livrée et était son chauffeur, mais elle serait aussi celle qui ferait les virements d'argent et interviendrait en force si quelque chose se déroulait mal. C'était un rôle qui ne lui plaisait qu'à moitié, mais elle s'y faisait. Stan devait rentrer dans le bâtiment sans armes et sans communicateur, pour être le plus crédible possible. Il aurait son téléphone portable certes, mais rien d'autre. Une fois dedans, ils ne pourraient plus communiquer.

Ils étaient dans la voiture, une berline noire que la demoiselle avait été loué pour l'occasion, et silencieux. Stan à l'arrière, côté passager et Solweig au volant. Ils faisaient la queue devant l'entrée d'une grosse boîte de nuit, la vente se déroulant dans les sous-sol. Ils avaient étudié les plans du bâtiment avant de tenter quoi que se soit. Alors qu'il ne restait plus qu'une voiture devant eux, la demoiselle croisa le regard de son partenaire dans le rétroviseur.  

- Soit prudent quand même.
- Ne t'en fais pas, je ferais attention. Et puis, il n'y a aucune raison pour qu'ils comprennent ce qui se passe. Je suis un acheteur comme les autres.

Ils échangèrent un sourire, et le garçon sorti du véhicule, disparaissant vite dans la foule, passant devant la longue file d'attente qui le regardait avec envie. La jeune femme se mordit la lèvre. C'est qu'il était vraiment pas mal comme garçon... Elle fit un signe amical au portier et démarra. Elle devait rejoindre au plus vite leur planque, à deux pas de là et se préparer à intervenir au cas où.

Elle détestait cela, ne rien pouvoir faire. Mais elle devait bien l'accepter. Elle avait enlever sa livrée et s'était mise en tenue de combat moulante noire. Armée jusqu'aux dents, son téléphone devant elle, elle patientait avec une certaine anxiété. Au bout d'une trentaine de minutes, Stan lui envoya un premier sms, qu'elle consulta avec soulagement.

Message de Stan
aujourd'hui 21:26

On entre dans la salle ! Te tiens au courant des enchères asap. (:

La jeune femme sourit et se releva, se postant devant la fenêtre. De là, elle avait une vue imprenable sur la ville... Attentive aux lumières de cette dernière, elle attendait, impassible et immobile, son téléphone à la main. Elle du attendre une heure de plus avant que Stan ne lui donne d'autres nouvelles. Il y avait une pause dans les enchères. Il avait enchérit sur une fille qu'il avait fait exprès de perdre, attendant celle qui était leur cible. En bas, il n'y avait pas de réseau. Il devait donc se contenter d'attendre avec patience en jouant le jeu. Solweig comprenait. Elle aurait fait la même chose à la place du jeune homme. Elle y serait bien aller d'ailleurs, mais elle était moins crédible dans le rôle. En attendant, il lui fallu deux bonnes heures de plus pour recevoir enfin des nouvelles du jeune homme. Un appel cette fois.

- Allô ?
- Ah Solweig ! Vous pouvez venir me chercher s'il vous plait ? J'aimerais rentrer il se fait tard. Nous aurons juste une course à aller chercher et je vous libérerais pour le reste de la nuit.
- J'arrive monsieur.

Elle raccrocha avec le sourire. Il devait être avec d'autres gens pour parler de cette façon, mais une chose était sûre : il avait remporté l'enchère convoité. La jeune femme débloqua les fonds sur son compte bancaire, afin que Stan ne perde pas toute crédibilité en ne parvenant pas à effectuer le paiement de la fille, enfila vite sa livrée et reprit la voiture. En moins de cinq minutes elle était de nouveau devant la boîte de nuit, qui semblait ne pas désemplir. Stan n'était pas seul. La jeune femme laissa les deux hommes monté à l'arrière et elle se laissa guider à travers le dédale de rues jusqu'au port. A l'arrière, Stan jouait parfaitement le jeu. Comme prévu, le trajet en voiture permettait d'effectuer le paiement. Certes ils finançaient le crime, mais ce n'était pas à eux de faire tomber ce réseau. Ils avaient récolté des informations cruciales dessus, avaient pu s'y infiltré et désormais, se serait à d'autres de le faire tomber et disparaître. La jeune femme avait eu du mal avec ça au début : se concentrer seulement sur sa cible, alors qu'il y avait souvent tellement à faire. Mais elle avait vite comprit une chose essentielle : elle n'était pas une super-héroïne et elle ne pouvait pas sauver le monde. Pas à elle toute seule en tout cas.

Rapidement ils arrivèrent sur le port de plaisance. Stan et l'homme sortirent et une demi heure plus tard, Stan revenait tranquillement avec une jeune femme en pleurs. Par précautions, ils ne lui dirent rien jusqu'à ce qu'ils soient hors de porté du port. Et une fois que la situation fut expliqué à la demoiselle et qu'elle pu passer un coup de fil à sa famille, c'était des larmes de joie qui s'échappaient de ses yeux. Ils restèrent avec la jeune femme toute la nuit avant de la mettre dans un avion le lendemain, avec un autre agent venu spécialement la chercher. Pour leur part, ils n'avaient plus qu'une chose à faire : rentrer au Haras et attendre de nouveaux ordres, en vivant une vie cavalière aussi normale que possible !