La demoiselle avait déposé ses valises au Haras deux jours plus tôt. Great Cachemire était arrivé la veille et en attendant que l'étalon ne sorte de quarantaine et se fasse au Haras, elle avait décidé de visiter celui-ci. Même si elle ne passerait que quelques semaines ici, autant faire les choses bien. Et puis, elle n'avait connu que Montréal comme grande ville... Alors se retrouver à Los Angeles, c'était en quelque sorte un rêve éveillé. Elle ne cessait de s'émerveiller à tout ce qu'elle voyait. C'était comme avoir atterrit au Paradis et y rester toute une vie...
Assise dans le club-house, elle regardait le cavalier de l'autre côté du miroir sans tain. La délicatesse de ses mains, la subtilité de ses jambes. Il se mordait la lèvre inférieure, concentré sur ce qu'il faisait. Parfois, il grimaçait. Il laissait son regard aller du miroir à la nuque de son cheval. Bien droit, veillant à l'alignement parfait de tout le corps de sa monture. Ce dernier, concentré aussi, les oreilles couchées sur sa nuque, piaffait avec application. Mordant son mors à chaque fois que son cavalier le reprenait à cause d'une erreur, reculant de lui même s'il avait trop avancer. Une écume blanchâtre se déposait parfois sur son poitrail ou à ses pieds. Ils étaient beaux tout les deux. Ils donnaient l'impression de ne faire qu'un. Une parfaite entente... Un niveau exceptionnel aussi. Comment pouvait-on en arriver là avec son cheval sans y passer un nombre d'année extraordinaire ? Elle ne le savait pas. Elle doutait d'ailleurs de pouvoir faire ça avec son cheval. Elle savait qu'elle n'avait pas le niveau pour. « Il me le faut comme prof... ». Encore fallait-il qu'il accepte. Elle ne savait même pas comment il s’appelait.
« Stop ! »
La voix féminine était venu des gradins du manège. Le cavalier avait alors tout lâché, le cheval avait stoppé net et restait immobile, à soufflé fortement. Le cavalier avait tourné la tête vers les gradins, étonné.
« Quoi ? »
Un bruit sourd. Lou avait relever la tête de ses mains, reposant jusque là sur le dossier de sa chaise.
« Il saigne Liam. »
Le cavalier avait prit un air étonné et s'était penché sur l'encolure de son cheval. Invisible, de l'autre côté du miroir, la demoiselle avait aussi avancé la tête en fronçant des sourcils. Elle n'avait rien vu, mais effectivement, l'écume aux commissures était un peu rosé. Une jeune femme était arrivée et avait défait la gourmette et la muserolle de bride pour ouvrir la bouche du cheval. Le cavalier s'était redressé et flattait doucement l'encolure de son cheval, le regard vide vers le miroir. Il avait l'air fatigué.
« C'est pas grand chose... »
Le cavalier soupira et se laissa glisser finalement au sol. Il ne tergiversa pas plus. D'un coup, il enleva la bride, laissant les rênes autour de l'encolure et vérifia les lèvres de son compagnon.
« C'est suffisant pour aujourd'hui de toute façon. Je vais le rentrer. Merci Louna, on se retrouve ce soir. » « Bien chef ! »
La blondinette avait sourit, flatté l'étalon et avait prit le chemin des gradins, pour repartir on ne sait trop où. Le cavalier quand à lui avait dessanglé, il avait enlever la bride et l'avait passé sur son épaule. Il avait empoigné une grosse mèche de crins et emmenait ainsi son cheval vers la sortie. L'étalon suivait tranquillement, en mâchonnant le mors qu'il n'avait plus. Lou ne perdit pas de temps. Elle ne voulait pas prendre le risque de le perdre dans le Haras. Elle sauta de sa chaise et prit la sortie en version marche rapide.
Lou était quelqu'un de très franc. Qui ne connaissait pas la timidité. Elle ne l'avait jamais vécu de toute façon. Et même si elle avait pour habitude de se débrouiller seule, elle avait vite vue, en deux jours, qu'elle était largement en dessous du niveau de la majorité des cavaliers du Haras. Même si elle savait tenir sur un cheval et qu'elle connaissait les aides de bases, elle avait énormément de lacunes. Et elle s'était vite rendue compte que pour avancer et évoluer, il lui faudrait les précieux conseils de quelqu'un. Elle avait vu les professeurs du Haras sur une liste. Même certains qui avait des disciplines qu'elle ne connaissait même pas. Mais elle voulait un professeur particulier. Quelqu'un ayant un niveau palpable et qui lui plairait. Elle avait vu en ce Liam le prof parfait pour elle. Maintenant, il ne restait plus qu'à le convaincre parce qu'à priori, il n'était pas prof de dressage...
Elle l'avait suivit de loin et l'avait vu rentrer dans un élevage. Sans doute le sien. Elle ne connaissait pas trop cette partie du Haras car son cheval n'y était pas. Et puis en tant que cavalière élève, elle n'avait sans doute rien à faire là... Quoi que. Elle était palefrenière aussi, pour financer ses études au Haras. Mais elle n'était pas là pour ça aujourd'hui. Elle s'arrêta à quelques mètres de l'élevage et attendit. Elle n'avait même pas réfléchi à ce qu'elle allait lui dire. Bien que ça n'ait pas vraiment une grande importance pour elle. Elle tournicota un moment sous les arbres devant les paddocks et finalement, elle se dirigea vers l'élevage. « Qui ne tente rien n'a rien ! ». De toute façon, elle n'avait rien à perdre...
L'allée était calme. L'étalon du manège était attaché dans face à la porte et regardait au dehors avec calme et sagesse. Son cavalier lui appliquait une crème sur ses lèvres meurtries. Il lui avait jeté un oeil quand elle était apparu dans l'encadrement de la grande double porte sans lui adressé la parole pour autant. Lou ne disait rien, observant la scène. C'est après quelques minutes de silence que le brun se décida.
« Bonjour. » « Bonjour. »
Il s'était finalement arrêté et s'était tourné vers la demoiselle, rebouchant son tube de crème avant de le jeté dans une malle à pharmacie.
« C'est pour quoi ? »
La rousse planta son regard acier dans le sien. Autant ne pas y aller par quatre chemins.
« Je vous ai vu dans le manège. »
Elle laissa un temps d'arrêt, durant lequel il glissa ses mains sur ses hanches, dans l'attente de la suite.
« Je veux que vous soyez mon professeur. »
Le dénommé Liam émit un rire moqueur et se tourna vers sa monture pour détacher les longes.
« Et en quel honneur ? On ne se connaît même pas. »
Il attrapa l'anneau du licol d'un doigt et entraîna le cheval dans son box. Même s'il fixait la jeune femme, le cheval se laissa faire sagement.
« Je vous ai vu dans le manège et j'ai simplement su qu'il me fallait vous comme professeur. »
Il détacha le licol de la tête du cheval et sortit du box, accrochant le cuir à la porte du box.
« Il y a de très bons profs ici. » « Je m'en fiche. »
Il s'était planté devant elle. De plus près, elle pouvait voir ses yeux cernés. Il avait un petit quelque chose qui lui faisait penser à son père. Il soupira, les mains toujours sur ses hanches.
« Comment tu t'appelle ? » « Lou-Khyan. » « Quel niveau tu as ? »
Elle resta un instant sans voix.
« Un niveau ? C'est à dire ? »
Cette fois c'est lui qui resta surprit. Il croisa les bras sur son torse en la détaillant étrangement.
« Tu n'as pas de galop ? » « Je n'ai jamais fait de cheval en institution. J'ai appris à monté seule. »
Il cacha sa bouche d'une main et eu un nouveau rire moqueur. Il se tourna à demi, reposant ses mains sur ses hanches et en levant les yeux au ciel. Il se mordit la lèvre, ce qui devait sans doute dire qu'il réfléchissait.
« Ça vous fait rire quelqu'un qui monte à cheval seul ? Ça ne veut pas dire que je ne sais pas monté à cheval. »
Il lui lança un regard mi amusé mi dur, se remettant face à elle d'un coup.
« Tu crois que je ne le sais pas ? Tu n'es pas la seule ici à avoir apprit à monter sur un cheval seule. »
La demoiselle se tut, laissant l'éleveur réfléchir. Il avait l'air sincère. Finalement, il lui fit de nouveau face.
« Tu as ton propre cheval ? » « Oui. Et je travaille comme palefrenière pour payer sa pension. » « Ça ce n'est pas mon problème. Vas seller ton cheval et retrouves moi dans la carrière derrière ce bâtiment. »
Il la fixa mais elle ne bougea pas pour autant.
« Non. Mon cheval est arrivé hier, il est encore au centre de soins. »
L'éleveur soupira. Il attrapa le téléphone qui était dans sa poche et appuya sur une touche d'appel rapide. Au bout de quelques secondes, quelqu'un sembla décrocher.
« Louna ? C'est moi... J'aurais besoin d'un petit service... »
La demoiselle était perchée sur le dos d'une jolie jument tricolore. Louna, la cavalière qui avait arrêté Liam dans le manège était appuyée contre la lice de bois de la carrière, à l'ombre d'un chêne californien. Lou avait rapidement apprit qu'elle était une éleveuse du Haras, amie de Liam et propriétaire de la jument qu'elle montait à l'instant même. Le brun lui avait expliquer qu'il voulait évaluer son niveau avant de prendre une décision et pour ça, il devait la voir à cheval. Et puisque le sien n'était pas disponible, et que lui n'en avait pas de disponible non plus, ils allaient en prendre un de chez Louna. En une demi heure, Liam lui faisait la courte pour se mettre en selle sans même qu'elle ne puisse rétorquer quoi que se soit ou aller chercher une bombe. Cela ne la gênait aucunement. Déjà, elle aimait la rapidité d'exécution et la franchise des deux éleveurs. Ensuite, elle avait toujours monté la tête libre. Elle marchait sur la piste, les rênes ajustées, tenant son dos, les talons vers le bas, comme elle l'avait tant lu dans les bouquins qu'elle avait emprunté. Sa mère les lui ramenait de la bibliothèque chaque week-end et elle avait quinze jours pour les lire et les appliquer. Liam se tenait au centre de la carrière, les bras croisés sur son torse. Il l'observait.
« Baisse tes mains un peu et détend tes doigts. Elle ne partira pas pour autant. »
Lou lui jeta un regard en biais et s'exécuta. Il était sérieux et sévère. Ce n'était pas la première remarque qu'il lui faisait. Mais elle avait l'habitude de ne pas recevoir de compliments. Et c'est aussi ce pourquoi elle lui avait demandé son aide. Elle voulait un prof, pas un bisounours.
« Trot ! Alterne trot enlevé et assit. »
Elle pressa les talons avant même qu'il ne termine sa consigne et fit ce qu'il demandait au fil de ses tours, en faisant attention à être sur le bon diagonal. Maintenant, il se grattait le menton.
« Changes de main à la prochaine diagonale et galop à gauche. »
Elle s'exécuta. A peine avait-elle placé ses aides pour le départ au galop que la jument était parti. Ça la changeait pas mal de son étalon bai un peu dur d'oreille. Mais si elle serrait un peu trop les doigts ou reculait trop ses épaules, la jument le sentait et ralentissait. Elle n'avait jamais eu de cheval aussi sensible mais malgré tout, elle adorait cela. Elle voulait que Cash devienne comme ça.
« Au pas ! Départ au galop à faux au pas sur la ligne droite. »
Lou fut un peu surprise mais elle fit ce qu'il demandait. Elle fit seulement quelques foulées puis la prochaine consigne tomba.
« Trot ! Appuyé sur la prochaine diagonale. »
La demoiselle repassa au trot et le regarda, interdite.
« Je ne sais pas faire d'appuyé. » « Cession à la jambe ? »
Elle secoua négativement de la tête.
« Ton cheval sait le faire ? » « Je ne sais pas. »
Le brun soupira et tourna la tête vers Louna qui haussa des épaules.
« C'est quoi comme cheval ? » « Un étalon lusitanien. » « C'est toi qui l'as débourré ? » « Non, il avait cinq ans quand mon père me l'a offert. » « Il vient d'où ? » « D'un élevage portugais. » « Alors il sait sans doute le faire. Bon, repasse au pas et viens là. »
La demoiselle s'approcha, rênes longues, alors que Liam rejoignait Louna et échangeait quelques mots avec elle. La demoiselle blonde sourit en la regardant et haussa les épaules plusieurs fois. Nara quand à elle était sage. Elle étendit son encolure en arrivant près de sa maîtresse alors que Liam lui faisait face. Il soupira en la regardant, les mains sur les hanches avant de finalement prendre la parole.
« C'est osé ce que tu as fait... Surtout que j'ai beaucoup de choses à faire en ce moment et que tu n'as pas un niveau très élevé, ce qui veut dire qu'il y a beaucoup de travail à abattre. Je ne connais pas ton cheval et je ne sais pas ce qu'il sait. Mais... Mais je veux bien te prendre comme élève et ... essayer. Mais avant il faudra que je monte ton cheval. »
Un sourire se dessina sur les lèvres de la rousse.
« Dès qu'il sera prêt. » « Tu es arrivé hier c'est ça ? »
Hochement de tête positif.
« Et bien... Du caractère en plus de ça... »
Le brun se tourna vers Louna qui souriait de plus belle.
« Je m'occuperais du dressage. Louna que voilà, de l'obstacle et du cross. Si tu veux faire de l'attelage, se sera avec moi. Et si tu veux travailler ton cheval en éthologie, on te présentera Izikel, qui fait parti de mon élevage. D'ici... jeudi, ton cheval devrait être installé. On se retrouvera jeudi soir à cette même carrière pour l'essai... En attendant, bienvenue en Californie ! »
Il la salua de la main et passa entre les lices pour repartir vers son élevage. Intérieurement, Lou bouillonnait. Louna s'approcha et caressa sa jument d'une main douce, toujours avec un sourire aux lèvres.
« C'est moi qui te ramène ! »
Lou lui rendit son sourire et suivit la jeune femme vers son élevage après avoir mit pied à terre, la jument derrière elle. Elle avait l'impression d'être sur un petit nuage...
« Il faut l'excuser, il est un peu plus aimable d'habitude. Mais on revient tout les deux d'une difficile semaine à New York... » « Ce n'est pas grave. Et puis je suis arrivé n'importe comment moi aussi. »
Les deux jeunes femmes brossaient Nara, chacune d'un côté de la jument pie, dans l'allée de l'élevage de Louna cette fois.
« En tout cas, tu as quand même un bon niveau ! » « Merci. »
Elle sourit timidement à la blondinette. C'est qu'on lui faisait rarement des compliments quand même.
« On est en train de monté une équipe de compétition. Enfin... C'est une idée qui nous trotte dans la tête avec Liam. On est un petit groupe d'ami et on voudrait monté ce projet là. Liam serait notre coach... Si ça marche, et que le projet t'emballe, tu pourrais faire partit de l'équipe ! »
Lou eut un temps d'arrêt. Elle qui avait toujours été très solitaire, voilà qu'on lui proposait de faire parti d'une équipe. Elle n'en revenait pas. Elle haussa des épaules et sourit timidement encore une fois.
« Pourquoi pas oui... »
Louna lui sourit. Cette femme l'impressionnait. Si elle l'avait vu à la place de Liam, sans nul doute qu'elle se serait dirigé vers elle pour avoir des cours... En attendant, elle était bien contente de sa journée. Elle avait le sentiment que son séjour à Full Horse commençait bien. Et elle espérait que les choses durent ainsi.
« Bon... Il faut que j'aille chercher les chevaux au pré. Je peux te laisser finir avec Nara et la remettre au box ? » « Oui bien sûr. » « Super ! A jeudi ! »
Elles échangèrent un sourire alors que la blondinette sortait avec des longes à la main. Oui... Son séjour commençait bien...
J'ai 243 Lignes Box de Nara Merci pour la correction !
La journée de la veille avait été pour le moins éprouvante. En compagnie de Kwaïgon, elle avait rejoint Ezra et Izikel chez Myriam pour consoler la jeune femme, en attendant que Louna retrouve Liam. Lou n'avait pas vraiment d'affinité avec Myriam mais la voir dans un tel état de détresse lui avait serré le cœur. En attendant, d'un commun accord, ils avaient tous décider de prendre une journée de repos le lendemain. Louna devait de toute façon préparer son voyage à Chicago. Ezra et Kwaïgon avait décidé d'une virée en bateau mais Izikel et Lou restaient les deux irréductibles. Enfin, surtout Izikel, qui avait proposer à Lou de l'accompagner pour ne pas se sentir trop seul, étant donner que tout le monde ensuite était occupé.
Ainsi, la rouquine avait accepté de bon cœur d'aller s'occuper des deux juments gestantes en cette belle journée de mercredi. Un frais soleil brillait dans le ciel de Normandie et l'air été agréable. Sur les coups de dix heures, la voiture de Kwaïgon déposa Izikel, apparemment de bonne humeur pour cette journée qui commençait. Après un échange de banalité avec Louna, le jeune homme embraqua Lou, sa guitare et Ome et ils prirent la direction des écuries de Peter. Le chemin se fit dans le calme. La demoiselle regardait le paysage et savourait cette ambiance légère qu'il y avait entre elle et Walig. A vrai dire, l'ambiance avait été un peu pesante avec cette dispute entre Myriam et Liam et elle n'était pas mécontente de retrouver un peu de légèreté d'âme. Ils échangèrent quelques banalités, mais le jeune homme restait un peu timide face à elle, sans qu'elle ne sache pourquoi. Ezra lui avait confié qu'elle l'avait impressionné, peut-être était-ce aussi le cas avec l'irlandais ? Elle ne saurait le dire mais en attendant, tant que les choses se passaient bien, elle ne pousserait pas la petite bête.
Arrivé aux écuries, ils déchargèrent la voiture et se dirigèrent vers les box des juments. Ils auraient chacun la sienne et selon le jeune éthologue, les choses iraient beaucoup plus vite ainsi. Ils se contenteraient de mettre les autres chevaux au pré, mais les deux éleveurs tenaient à ce que les juments reçoivent un pansage quotidien. Non seulement pour leur moral, pour qu'elles ne se sentent pas abandonnée par leur cavalier, mais aussi pour s'assurer qu'elles étaient en parfaite santé et prêtes à accueillir les poulains en toute sérénité. Ils se répartissaient régulièrement la tâche, tous appréciant autant Nara qu'Orcanta. Ça ne gênait donc personne d'aller panser les juments et les mener au pré une fois ou deux par jour. Ils retrouvèrent avec plaisir les deux juments dans des box côte à côte, en pleine forme. Nara les accueilli même avec un petit hennissement de bienvenue.
« Oh qu'elle est mignonne ! Tu veux Nara ou Orcanta ? » « Pourquoi pas Nara ? Je la connais mieux. » « Pas de problème ! »
Ils échangèrent un sourire alors que chacun se dirigeait vers la porte de « sa » jument. Nara se laissa faire avec calme. A vrai dire, elle n'était pas très farouche. Dans le box d'à côté, Izikel n'avait pas non plus beaucoup de mal avec Orcanta. Il murmurait en anglais à la palomino, lui racontant avec douceur ce qu'il lui faisait, ce qu'il allait se passer, les petits potins en somme. Lou sourit, en poursuivant son pansage de la pie tricolore. Elle ne dit rien, se laissant bercer par les sons des chevaux et les murmures de l'irlandais. Il avait une voix douce et apaisante. La jeune femme n'avait pas de mal à croire, en l'écoutant ainsi, que les chevaux se laissaient bercer et guider par cette voix. Elle aussi ferait n'importe quoi si un homme lui parlait avec autant de douceur et de passion. Même Ome, couché dans un coin de l'allée, ne disait rien. Il gardait la tête entre ses pattes et somnolait.
Le pansage ne prit pas beaucoup de temps à chacun et ils finirent par passer leurs licols aux juments.
« T'es prête ? »
La demoiselle tourna la tête vers lui alors qu'elle terminait de bouclé le licol en corde de la jument. Un grand sourire illuminait son visage et il avait le regard rieur. Lou répondit par ce même sourire à la fois enfantin mais aussi trahissant une grande joie. Elle attacha la longe à l'anneau du licol et poussa la porte.
« Prête ! »
Au passage, elle attrapa sa guitare et siffla Ome puis suivit Izikel et Orcanta jusqu'au pré. Il n'y avait aucun cheval dedans, et c'était tout de même une aubaine. Sans aucune hésitations, ils lâchèrent les deux juments dans le même pré. Orcanta parti dans un petit galop et même si Nara ne semblait pas partante au départ, elle suivit sa congénère de bon coeur. L'irlandais les regardait en souriant. Lou l'observa un moment en silence et à la dérobée. Un doux rayon de soleil éclairait son visage. Le chaud soleil californien avait laisser dans ses cheveux de légères mèches blondes. Ses cheveux avaient bien poussés et lui tombait sans mal devant le regard au gré de la brise. Ses yeux bleus acier étaient empli d'une passion et d'un amour sans faille pour les juments qu'il regardait. Et la demoiselle n'avait pas de mal à imaginer que c'était le cas pour tous les chevaux sur lesquels il posait le regard. Il avait un certain charme. Enfin, la demoiselle lui trouvait un certain charme. Surtout dans le visage.
Elle détourna le regard pour le poser de nouveau sur les juments avec un sourire malicieux, alors que lui tournait la tête sur elle. Il la considéra quelques secondes et brisa finalement le silence, obligeant ainsi la rouquine à plonger son regard dans le sien.
« Ça te dis qu'on reste un peu là ? On a rien à faire... Et puis tu pourrais jouer un morceau ou deux comme ça ! » « Oui pourquoi pas ! Histoire que je n'ai pas prit ma guitare pour rien ! » « Exactement ! »
Ils s'installèrent tranquillement à l'ombre d'un grand chêne, les juments restant non loin d'eux. Ome se coucha le long des jambes étendues d'Izikel, alors que Lou sortait la guitare de son étui pour l'accorder en douceur. L'irlandais la regardait avec un fin sourire sur les lèvres. La journée était agréable et il avait toujours aimé écouter les joueurs de musique. A peu près quel que soit l'instrument, il n'était pas très compliqué là-dessus. La demoiselle commença à doucement pincer les cordes. Un morceau lent et doux, comme une berceuse. Izikel regardait ses doigts fins courir le long des cordes en métal de la guitare folk, richement décorée. Elle portait un empiècement de bois mi patchwork et mi sculpté. Un décor floral avec un oiseau dessus. Le bois sombre de la guitare lui donnait un aspect noble. Les reflets du soleil pâle le faisait brillé avec parcimonie. Lou restait concentré sur sa guitare mais elle fredonnait doucement les paroles de la chanson. L'irlandais laissait son regard courir sur le manche de la guitare avec délice, fermant les yeux de temps à autre pour mieux apprécier le son de l'instrument.
Le moment était magique, et la demoiselle enchaîna sur un autre morceau tout aussi long et profond. Une autre sorte de berceuse qui avait tout de même plus des allures de chant de retour de guerre. De toute façon, il en était question dans le chant. Elle avait fait la transition entre les deux chants sans accro, alliant la dernière note du premier chant avec la première du second. Une parfaite maitrise de la chose qui ne pouvait que faire envie au jeune homme. Sauf qu'il ne savait pas en jouer. Lorsque la demoiselle releva les yeux après avoir joué la dernière note de sa chanson, elle souriait et Izikel aussi.
« Tu veux jouer ? » « Oh là ! Je ne sais pas jouer d'un instrument... »
La demoiselle éclata d'un rire cristallin. Elle était comme ça. Et puis, elle aimait bien le jeune homme. Elle ne pourrait jamais en faire son amant, mais un excellent ami, c'était certain.
« Tu veux que je t'apprenne ? » « Tu pourrais ? » « Ben... Je ne suis pas aussi pédagogue que toi mais je pourrais essayer oui... » « Alors pourquoi pas ! » « Alors allons-y ! »
Ils échangèrent un dernier sourire avant que la demoiselle ne se mette à expliquer au jeune homme les différentes parties de la guitare. Elle passa ensuite à l'ordre des notes, et lui mit l'instrument entre les doigts. Ome s'était roulé un boule un peu plus loin et regardait d'un oeil hagard les chevaux devant lui. Izikel était resté très concentré durant toute l'explication de la demoiselle et il suivit sagement ses conseils et directives.
« Ce qui est bien avec la guitare, c'est que tu peux apprendre à en jouer facilement et tu peux directement apprendre un morceau. Tu n'es pas obligé de passer par la case solfège et gamme... » « C'est pas mal ça ! Ce sera peut être plus facile comme ça. » « Tout à fait. Maintenant, fais moi un do comme je t'ai montré et gratte les cordes. Il faut que tu enchaine par un mi... » « Ouh là... C'est plus dur ça... »
La demoiselle rit doucement. Il n'avait pas non plus choisi la facilité en commençant avec une guitare folk, plus agressive pour les doigts à cause de ses cordes en métal, les guitares classiques étant pourvues de cordes en plastique, plus douce. Mais il se débrouillait pas trop mal. Après qu'il ai joué toutes les notes de la mélodie une à une, la demoiselle attrapa une tablature dans l'étui de la guitare et apprit au jeune homme à la lire. La leçon prit fin quand le portable de l'éthologue vibra dans l'herbe.
« C'est Ezra. » « Ben répond. » « Allô ? »
Le jeune homme se releva, laissant la guitare à Lou pour prendre la conversation. En attendant, la demoiselle chercha des yeux les deux juments. Elles étaient encore là, pas très loin d'eux, à brouter sagement. Elles avaient fait un léger arc de cercle autour d'eux. Lou sourit. La journée était belle et mine de rien, le jeune homme était de bonne compagnie. Il revint après un court temps d'absence.
« Ils nous proposent de les rejoindre en ville pour dîner. On prend Louna au passage. » « Cool ! On rentre les juments alors ? » « Ouep. Et après on y va. » « Super ! » « On reprendra la guitare un autre jour ? » « Quand tu veux ! »
Ils échangèrent un sourire alors que la demoiselle rangeait l'instrument. Ils ne mirent pas longtemps pour reprendre les juments et les remettre au box. La journée avait tout de même bien avancée et la soirée promettait d'être sympa. Que demander de plus ?
Petite note pour le correcteur et lecteur bien sûr : ce résumé se déroule en Alaska lors du trimestre précédent. Tout comme le début du chapitre 3 du journal "One Team, One Goal". Voilà voilà =) Merci beaucoup pour la correction en tout cas !! =)
J'ai 212 Lignes Box de Sinok - Box de Chouchou - Box de Prisme Merci pour la correction ! =)
Avec Lou-Khyan & Izikel & Kwaïgon & Ezra & Alejandro
L'hiver était interminable. Et lorsque la demoiselle ouvrit les yeux, elle su que le ciel était couvert. Une pâle lueur grise passait sous les rideaux et tombait sur le mur d'en face sans laisser l'ombre du battant de la fenêtre. La demoiselle soupira et se retourna dans sa couette. Le réveil annonçait huit heures. Elle s'assit doucement dans son lit et constata que la plupart de ses colocataires n'étaient plus là. Et les dernières qui restaient étaient déjà réveillées. Avec un nouveau soupir, la demoiselle se leva et parti chercher ses affaires. Il était grand temps de se lever !
La demoiselle attacha ses cheveux en queue de cheval haute et se fit un clin d'oeil dans la glace. Elle portait un pull très large, bleu marine, qui laissait découvrir son épaule gauche, sur laquelle on pouvait voir la bretelle d'un débardeur blanc. Elle avait ensuite un pantalon d'équitation gris et son ensemble de chaps et de boots noires en cuir. Elle attrapa un gros sweat doublé de polaire, ses clés et son vieux téléphone, avant de quitter la chambre. Elle dévala rapidement l'escalier et entra en coup de vent dans la cuisine. Un rapide coup d'oeil dans la salle lui apprit qu'il n'y avait aucun de ses compagnons habituels. Mais cela ne l'étonnait pas ; elle avait un peu tardé. Sans attendre plus, elle enfila son sweat et se dirigea vers l'élevage de Liam à petites foulées, leur habituel point de ralliement.
Elle fit coulisser la lourde porte sur son rail et pénétra dans l'élevage, refermant prestement derrière elle. À peine retourné qu'elle eu un sursaut. Ezra s'était glissé sans bruit juste derrière elle.
- “ Bouh ! ”
La demoiselle asséna un coup de poing dans le bras du jeune homme avant de se hisser sur le pointe de ses pieds pour déposer une bise sur sa joue. Ezra lui, rigolait et Kwaïgon, pas très loin derrière, souriait.
- “ Heyyy ! Sale bête ! ” - “ C'est toi qui le dit ! ”
La demoiselle sourit et alla faire la bise à Kwaïgon. Le coréen se leva pour saluer la demoiselle avant de se laisser retomber sur la botte de foin.
- “ On t'as pas vu au petit dej' ce matin ! ” - “ J'ai loupé le réveil... ”
Ezra secoua la tête comme s'il la réprimandait alors que le coréen souriait de plus belle dans son dos. Le jeune femme s'essaya à faire les yeux doux, mais Ezra n'y était plus sensible depuis le temps qu'elle lui faisait le coup. La rouquine décida de changer de sujet.
- “ Et c'est quoi le programme du jour ? ” - “ Et bien nous deux, on va commencer par une séance de dressage. Liam m'a chargé de te donner ce cours. Et après, on rejoint Izikel et Kwaï pour s'occuper des poulains. ” - “ Ok... Et toi Kwaï ? T'es tombé du lit ce matin ? ”
Lou fit un grand sourire moqueur alors que le coréen relevait les yeux de son téléphone. Il lui servit un petit sourire hypocrite avant de répondre d'une voix douce.
- “ Non, je vais avec Liam chercher mon cheval. ”
La canadienne fit les gros yeux. Elle avait presque oublié que le jeune homme avait fait l'acquisition d'un poulain quand le Haras était à Londres. Le poulain devait sans doute être sevré désormais et maintenant que la tempête était passé, il devait être expédié en Alaska. Ils auraient désormais quatre poulains à débourrer ! Mais celui de Kwaïgon avait déjà les bases à priori. Il était donc plus avancé que les autres...
- “ C'est génial ! T'es content j'espère !? ”
Le jeune homme, assez avare en sentiment et souvent impassible quoi qu'il arrive, ne sautait pas au plafond comme elle elle l'aurait sans doute fait. Mais elle commençait à bien le connaître et elle savait qu'au fond de lui, il avait des papillons dans le ventre. Le fait qu'il soit debout aussi tôt en témoignait. Le coréen sourit, plus franchement.
- “ Oui très ! ”
Elle sourit en se mordant la lèvre. Il avait les yeux qui pétillait. Mais malgré tout, Ezra fit vite descendre tout ce petit monde de son nuage.
- “ Bon, Lou, tu vas devoir prendre un cheval des stalles. ”
La rouquine ne cacha pas sa déception et soupira. Elle en avait assez de ne pas monter son propre cheval, duquel Liam avait changer le planning. Depuis qu'il était tombé, il n'avait pas reposer les fesses dessus et le longeait beaucoup. Ce qui ne convenait pas vraiment au bai. Mais Izikel avait apparemment décidé de prendre les choses en main et de travailler le bai éthologiquement, mais sans proposer à Lou de suivre les séances comme elle l'aurait espéré. Le déception était donc de plus en plus grande...
- “ Lequel ? ”
Le ton était un peu sec et Ezra eut une moue compatissante.
- “ Titus. Et moi je monterais aussi pendant la séance. ” - “ Qui ça ? ” - “ Mériador, le cheval que je dois former. ” - “ Ah oui... ”
Depuis que le jeune homme avait fini son cycle d'apprentissage, il était désormais cavalier pro. Et ce nouveau statut l'obligeait à travailler des chevaux et en ce moment, il devait en former un au spectacle, un superbe Lusitanien gris pearl. La jeune femme allait se renseigner sur le contenu de leur séance quand la porte grinça dans son dos, roulant sur son rail. Un courant d'air froid passa rapidement dans l'allée avant de s'évanouir aussi vite. Tous tournèrent la tête vers la porte pour découvrir ... un inconnu.
Le jeune homme, dans une parka grise et un jean, les dévisagea lentement avant de leur servir un sourire confiant mais un peu timide. Ses yeux bleu clairs les regardait avec une certaine hésitation. Lou posa les mains sur ses hanches en le dévisageant sans aucune gêne, se mordant la lèvre. C'est qu'il était plutôt très joli garçon... De quoi en faire un bon quatre heures ! Mais Ezra et Kwaïgon n'avaient pas vraiment l'air de cet avis. Kwaïgon le regardait d'une façon aussi impassible que d'habitude, mais Ezra s'était tendu. La sensation était imperceptible, et pour un inconnu, le métisse avait seulement l'air déterminé et sévère. Mais Lou le savait, il était passer en mode "chasseur" et n'attendait qu'un rien pour sauter au cou de l'individu...
- “ Euh... Bonjour... Je... Je cherche Izikel. Est-ce qu'il est ici ? ”
Lou allait répondre gentiment mais Ezra prit les devant d'une voix dure et froide, qui ne laissait aucune place à l'hésitation.
- “ Qui le demande ? ” - “ Je m'appelle Alejandro... J'ai rencontré un certain Liam il y a quelques jours et il m'a dit que je pourrais trouver Izikel ici... ” - “ Pourquoi voulez-vous le voir ? ” - “ J'ai des soucis avec mon cheval... ” - “ Alors vous le trouverez plus facilement au club-house, dans le bureau des moniteurs. Laissez lui un mot si vous voulez un cours. ”
La froideur d'Ezra avait un peu déconcerté le jeune Alejandro. Mais il ne le montra guère et sourit timidement à Ezra.
- “ Euh... Ok... Merci beaucoup. Bonne journée. ”
Il leur adressa un signe avant de sortir de l'allée, comme il en était entré. Ezra serra la mâchoire, et soupira alors que Lou lui lançait un regard colérique.
- “ Tu as été odieux avec lui Ezra. ”
Le métisse se retourna vivement vers elle et lui servit le même regard dur qu'au nouvel arrivant.
- “ Il ne m'inspire pas. On se retrouve chez Louna dans quinze minutes. ”
Sur ce, le jeune homme tourna les talons pour aller au fond de l'allée, et sortir de l'autre côté pour rejoindre l'écurie des chevaux de missions. Lou jeta un regard à Kwaïgon qui haussa des épaules. Il ne pouvait rien faire. Lou soupira en levant les yeux au ciel. Elle se devait quand même de rattraper le coup. Elle partie au dehors et repéra vite le dénommé Alejandro. Elle le rejoignit à petites foulées, le hélant. Il ne mit pas longtemps à se retourner et lui sourire, s'arrêtant pour l'attendre.
- “ Hey ! ” - “ Hey... ? ”
La demoiselle s'arrêta devant lui et sourit le plus gentiment possible.
- “ Je voulais m'excuser. ”
Le jeune homme paru étonner. De plus près, il était encore plus mignon.
- “ Pourquoi ? ” - “ Pour Ezra tout à l'heure... Il a été... ” - “ Sec ? ” - “ Ouai un peu... ”
Un sourire attendri passa sur le visage du garçon.
- “ C'est pas grave... Et toi tu es ... ? ” - “ Lou-Khyan. Mais tout le monde m'appelle Lou. ” - “ Enchanté. Tu peux m'appeler Ale. ” - “ Ok ! Enchantée aussi ! ”
Ils échangèrent un sourire dans lequel Lou ne cacha pas son début d'attirance pour lui. Elle en aurait presque oublié sa séance mais le Ale brisa cet instant de flottement.
- “ Peut-être à bientôt ? ” - “ Oui ! Avec plaisir ! Bonne journée ! ”
Ils se saluèrent gentiment et chacun reprit le chemin de sa destination première. Oui, ce petit minois là lui plaisait bien...
***
Izikel et Ezra entrèrent dans l'allée une bonne vingtaine de minutes après le départ d'Ale. Izikel menait Nara, qui était suivit des deux poulains de l'élevage. L'éthologue avait l'air en colère tandis que le métisse avait le visage fermé, comme si quelque chose le contrariait sans qu'il ne puisse vraiment le pointé du doigt. En attendant, ils gardaient tout deux le silence et s'ils avaient discuté de quelque chose avant d'arriver, ils n'avaient pas l'air du même avis sur la question. En tout cas, les chevaux avaient l'air d'avoir ressenti la tension car aucun des poulains ne bronchaient, suivant sagement une Nara exemplaire. Kwaïgon et Lou se turent en les voyant entrer et après un soupir pour se calmer, Walig prit la parole.
La demoiselle lui lança un regard interrogatif mais l'éthologue n'avait pas l'air de vouloir aller plus avant. Il éluda d'un simple regard la question qui lui effleurait l'esprit et enchaîna sur le programme du jour.
- “ Bon... Alors tous les poulains ne sont pas au même stade... Mais on va quand même travailler la même chose avec les trois, quitte à mettre un peu plus de temps avec Prisme et Chuwbaka. ” - “ Et c'est quoi le but de la séance ? ” - “ Leur mettre un licol et les faire marcher à côté de nous. Et si en plus ils se laissent tripoter et donne un pied, c'est encore mieux ! ”
Tous hochèrent de la tête. Ezra tenait trois petits licols dans sa main et les déposa en douceur sur une botte de paille pour les troquer contre celui d'Orcanta. Il ouvrit ensuite la porte du box pour mettre le licol à la jument. La palomino se laissa faire avec calme, son poulain se cachant derrière elle. Les deux juments furent vite attachées face à face dans des box changés en aires de pansage. Les poulains exploraient l'allée avec une certaine méfiance, surtout Prisme. Le jeune appaloosa était un peu craintif, mais volontaire. Izikel distribua finalement un licol à chacun et reprit la parole alors que les poulains se reniflaient mutuellement.
- “ Lou tu vas prendre Chuwbaka, Kwaï tu prends Sinok et Ezra, Prisme. Vous allez leur présenter les licols et leur mettre, avec une infinie douceur. Le truc va être de capter leur attention et la garder, sans vous faire marcher dessus non plus. Si vous avez une question, je suis là, je vous regarde ! ”
Lou acquiesça et se dirigea doucement vers le petit paint. Il releva automatiquement le nez et fit quelques pas vers elle. La rouquine se stoppa net et le laissa venir, souriant au poulain. Elle lui présenta le licol qu'il renifla allègrement. Elle en profita pour lui mettre le nez dans la muserolle et referma le licol sur sa tête en quelques secondes. Le poulain secoua le nez, pointant les oreilles en avant, mais s’intéressa sans attendre aux poches de parka de la jeune femme. Lou sourit et releva les yeux vers Izikel, ouvrant les mains pour présenter son oeuvre. Et pour la première fois, le jeune homme sourit, tendant une longe à la demoiselle.
- “ Parfait ! Je te laisse tenter de marcher avec lui. ”
De leurs côtés, Ezra et Kwaïgon rencontraient quelques difficultés. Sinok se cachait désespérément derrière sa mère et Prisme collait Ezra, qui tentait d'abord de l'éloigner un peu pour lui apprendre les bases du respect. Mais la chose n'était pas tout à fait évidente. Finalement, Ezra mit le licol au poulain tacheté et s'appliqua à suivre Lou en apprenant au poulain à marcher derrière lui. Niveau présence humaine, on ne pouvait pas dire que le poulain d'Orion était en retard. Il était plus collant qu'autre chose avec le genre humain... Ce qui était un peu problématique pour ce qui était de lui inculqué le marcher en main...
Kwaïgon arriva finalement à approcher Sinok pour lui passer son licol et marcher avec les autres. Et étrangement, il suivit sagement... Sur les dix premiers pas. Ensuite, une botte de paille attira son attention, et le coréen devait sans cesse donner des appels de langues pour que le poulain suive le mouvement. Lou s'en sortait le mieux. Chouchou suivait la cavalière avec attention, même s'il avait tendance à lui rentrer dedans quand elle lui demander de s'arrêter. Ezra avait le problème inverse. et Kwaï une intermédiaire entre les deux.
Mais les trois cavaliers n'abandonnèrent pas. Izikel leur donnait des conseils assez régulièrement, commençant à corriger petit à petit les petites manies des poulains. Le chemin serait encore long, mais ils avaient fait quelques longueurs d'allées dans le calme. Malgré tout, à peine avaient-ils commencés qu'Izikel mettait fin à l'exercice. Lou releva les yeux, un peu déçue.
- “ Déjà ? ” - “ Oui ! Il ne faut jamais abuser des bonnes choses ! On va les mettre tous au paddock, il ne fait pas trop moche. Mais on leur laisse les licols cette fois. ”
Izikel avec les deux juments et chacun avec son poulain, ils cheminèrent tous jusqu'aux paddocks, près du centre de soin. Les chevaux avaient encore tous leurs poils d'hiver et aucun ne portait de couverture, que se soit en intérieur ou dehors. Seuls les chevaux qui travaillaient étaient tondus et donc couverts. Les poulinières y échappaient. Ce qui leur allait parfaitement ! Un dernier regard et tous regagnèrent l'élevage. La journée était loin d'être terminée...
Nota : ce texte se passe avant le résumé "changement d'air" et se déroule en Suède.
Le monde était différent. Et pourtant, il était resté le même qu'avant. C'était son monde à elle qui avait changé, pas le monde en général. Il fallait qu'elle se rentre cela dans le crâne. Assise dans son lit, les genoux remontés jusqu'à son menton, elle regardait fixement le jour se lever au travers de ses persiennes, en face d'elle. Elle tentait de fuir la nuit, en proie à des cauchemars, mais son corps supportait mal le manque de sommeil. Et son humeur en pâtissait. Jamais auparavant elle n'avait connu une telle peur de s'endormir. En fait, elle ne cauchemardait pas vraiment, car une fois endormie, elle dormait à point fermé. Elle se réveillait tôt et attendait chaque matin avec patience le lever du jour. Mais quand elle fermait les yeux le soir, elle ne pouvait pas s'empêcher de revoir les visages de ces hommes... Des hommes qu'elle avait tués.
Comment faisait-il, lui ? Son regard se baissa sur l'homme allongé à côté d'elle, profondément endormi. Elle observa un instant la ligne de son dos nu, des épaules jusqu'à la chute de ses reins, le reste se perdant ensuite sous les draps. Il gardait toujours son calme, son sommeil n'était jamais troublé. Il était égal à lui même, souriant, plein de cette joie de vivre et en même temps de ce sérieux qu'il avait avant. Comment faisait-il ? Elle n'y arrivait pas. Elle mettait un temps fou à s'endormir. La journée, elle essayait de s'épuisé, mais c'était peine perdu. Le soir, elle avait toujours assez d'énergie pour ne pas tomber de fatigue, quoi qu'elle fasse. Elle soupira en relevant les yeux et fixa le soleil qui montait entre les lattes de bois blanc. Tout était calme dans sa chambre. Ome dormait au chenil. Elle avait une chambre individuelle mais partageait un espace commun et une salle de bain avec trois autres personnes. Enfin, en théorie. En pratique, il n'y avait qu'April avec elle, la petite soeur d'Enzo, le fiancé de Louna. Et depuis qu'elle était revenue de New York, Ezra passait toutes ses nuits avec elle. La présence de l'irlandais la rassurait. Elle se sentait moins seule en l'ayant avec elle... La première nuit avait été quelque peu étrange. Retrouver l'ambiance du Haras mais partager toujours son lit avec Ezra l'avait quelque peu perturbé. D'autant plus que le jeune homme avait pour habitude de dormir nu. Elle aussi mais elle trouvait la chose moins étrange. Fait qu'elle trouvait également d'autant plus perturbant, elle n'avait encore jamais partagé son lit de la sorte sans qu'il n'y ait de relation sexuelle avec ledit partenaire. Qu'est-ce qu'il lui arrivait donc ? Elle avait l'impression de perdre toute son identité...
« Quelque chose ne va pas Lou chérie ? »
Elle sursauta. Elle ne l'avait pas entendu bouger ni ne l'avait vu tellement elle était perdue dans ses pensées. Elle tourna vivement la tête vers lui, sentant une larme s'échapper de ses yeux clairs. Il était allongé sur le côté, appuyé sur un coude, la tête au creux de sa paume et la fixait avec une attention toute particulière, comme seulement lui savait en faire. Sous la surprise cependant, la jeune femme ne répondit rien. Elle ouvrit la bouche mais aucun son ne sorti. Ezra fini par sourire doucement et se relever, pour venir entourer la jeune femme de ses bras, se glissant derrière elle. La rouquine se surprit à soupirer au contact de son corps, sa chaleur irradiant sur sa peau, et à frissonner en sentant au bas de son dos son membre gonflé par le réveil matinal. Elle ne dit rien cependant, se contentant de fermer les yeux. Ezra laissa passer un moment. Le temps que le soleil passe au dessus d'une nouvelle latte de bois blanc. Quand il reprit la parole, c'était un murmure, chaud et réconfortant.
« Le neuf décembre deux milles neuf. »
Lou-Khyan fronça les sourcils et tourna la tête légèrement sur le côté, elle ne comprenait pas où il voulait en venir. Elle était intriguée par la date, par son entrée en matière, mais elle ne savait pas quoi répondre. Alors elle attendit. Mais elle n'eu pas à attendre longtemps, car Ezra poursuivit, de sa voix rauque et un peu suave.
« Il était vingt heure trente, heure locale. C'était en Russie, au nord, à Severodvinsk. C'est une toute petite ville portuaire qui donne sur le mer blanche... C'était ma toute première mission de terrain. On était en transit ici, il fallait qu'on passe la frontière par la mer pour rejoindre la Finlande et notre agent sur place. Il ne devait rien nous arriver... En théorie. Mais on est tombé au mauvais moment au mauvais endroit... On a surprit un trafic de femme... On a prévenu les autorités locales et on est intervenu avant qu'il ne soit trop tard. Ils ont ouvert le feu. Se soir là j'ai tué trois hommes et un de mes collègues est mort. C'était les premiers hommes que je tuais de mes propres mains. »
Il laissa un temps de silence. Le temps pour la canadienne d'assimilé sa révélation. Cinq ans après il se souvenait encore de la date exacte... De la situation... Alors, jamais elle n'oublierait ? Elle en serait réduite à ne plus dormir la nuit ? A revoir leurs visages la hanté à chaque fois qu'elle fermerait les yeux ? Son menton se mit à trembler alors qu'elle tentait de retenir ses larmes, mais c'était en vain. Bientôt, ses épaules se secouèrent au rythme de ses pleurs. Ezra la serra un peu plus fort encore contre lui en essayant de la calmer de sa voix douce.
« Hey... Là... Lou chérie... Je ne te raconte pas cela pour que tu pleure ! Là... Calmes toi... » « Mais co-comment tu f-fais... Pour... Pour... » « Chut... Là... Calmes-toi... Respire un grand coup... Tout va bien... Je suis là... »
Il la berça doucement et petit à petit, la demoiselle se calma, reprenant une respiration tranquille, séchant ses larmes. Elle restait agrippée aux bras du métis mais se détendit peu à peu. Ezra avait collé sa bouche sur son épaule, au creux de son cou et attendait patiemment que cessent ses sanglots. Une fois qu'il la sentit plus calme, il poursuivit.
« Je veux que tu comprennes Lou. Ce qu'on a fait, tu ne l’oublieras jamais. C'est comme les gens que l'on aime et que l'on perd. Ils restent toujours dans nos cœurs. Au début, c'est difficile. Je ne te dis pas que ça va aller du jour au lendemain. Mais petit à petit, tu verras que ça ira mieux. De mieux en mieux même. Tu y penseras de moins en moins souvent, tes nuits seront plus calmes. Tu n’oublieras pas, et de toute façon, je ne veux pas que tu oublie. Ce n'est pas un acte banal que de prendre la vie d'un autre et ça ne doit jamais le devenir. Il ne faut pas que tu oublie, parce que c'est ce qui te permettra de faire la part des choses et de rester juste. Mais efforces toi de poursuivre ta vie. Organise ton esprit. Montes des murs mentaux et enfermes les dedans. Ils ne te feront pas de mal Lou. Il faut simplement que tu les relègues dans un coin de ton esprit. Cesse tout simplement d'y penser. Forces toi à rêver. Quand tu te couche le soir, pense à ton étalon, à ce que tu vas faire le lendemain. Les séances que tu prévois, les sorties, les morceaux que tu va apprendre à Walig, les ballades avec Ome... Ce que tu veux, mais pense à autre chose. Et tu verras qu'avec le temps, tu prendras cette sorte d'habitude... » « C'est ce que tu fais ? » « C'est ce que je fais et c'est ce qu'on m'a apprit. »
Elle hocha doucement de la tête et respira à fond en essayant de se vider la tête. Elle n'était pas particulièrement "faible" d'esprit. Elle avait passé des nuits dehors, en hiver, s'était déjà retrouver face à une ourse, et par dessus tout, elle avait quatre frères qui ne lui facilitaient pas la vie. Toute son enfance elle avait apprit à faire face à une certaine adversité. Il ne fallait pas que cela change aujourd'hui. Il fallait qu'elle se retrouve elle. Ezra la serra un peu plus fort durant quelques secondes avant de se décoller d'elle et frotter ses bras avec énergie. Elle frissonna de nouveau au contact de ses mains. Elle n'était pas douce -le travail les avait rendu légèrement calleuses- mais elle était chaude et pleine d'une délicatesse certaine.
« Bon... Ça va aller ? » « Oui... Merci... » « Ne t'en fais pas, je te le rappellerais aussi souvent qu'il le faut et je serais encore là ce soir. »
Il déposa un baiser rapide sur son épaule, ce qui la fit sourire et il se leva, enfilant rapidement son boxer de la veille. Il grimaça en l'enfilant, elle savait qu'il détestait cela, et chaque matin, il grimaçait en enfilant ses vêtements de la veille. Elle le regarda faire un instant avant qu'il ne croise finalement son regard.
« On se retrouve en bas pour le petit dej ? Et après à cheval ? » « Ok. »
De nouveau il sourit et attrapa le reste de ses affaires avant de sortir de la chambre. Il n'était pas très loin de ses quartiers, il pouvait se permettre de partir à moitié nu dans les couloirs. En attendant, il fallait qu'elle bouge elle aussi, sinon elle serait en retard. Elle soupira et repoussa les draps ; il était temps de faire quelque chose du reste de sa vie...
***
Quand elle était entrée dans la cuisine, Ezra était déjà là et faisait des pancakes. La démarche fit sourire d'autant plus Lou. Elle mangeait très souvent des pancakes quand elle était chez elle, pratiquement chaque matin, mais depuis qu'elle était au Haras, elle n'en avait pas mangé beaucoup. C'est ce genre de petites attentions qu'elle aimait chez Ezra. Il faisait toujours attention à tout le monde et en ce moment, en particulier à elle. Ce matin là pour une fois, toute l'équipe était à la table du petit déjeuner, même Izikel. La demoiselle prit place à côté d'Ale qui lui souriait. Le tueur à gage se faisait tout petit en ce moment mais il restait égal à lui-même ; il faisait ce qu'on lui demandait mais il restait d'une franchise et d'un sang-froid impressionnant. Mais comme il le disait lui-même, il était en période d'apprentissage et se devait de rester à l'écoute et de faire ce qu'on lui demandait. Louna et Liam étaient en bout de table et discutaient à voix basse. Liam était concentré et avait l'air d'argumenter. Après Liam venait Myriam et Maël. Le petit garçon était sur un siège à rehausseur et mangeait avec les doigts un des premiers pancakes d'Ezra. Myriam feuilletait un magazine en relevant de temps à autre les yeux sur les cavaliers autour d'elle. En face d'elle, à côté de Louna, se trouvait une des petites nouvelles ; Angora. La jeune femme tournait une cuillère dans un café sans grande conviction. Elle n'avait pas l'air très réveillée. A côté d'elle se tenait Logan. Il discutait avec Izikel, en face de lui -à côté de Myriam- d'un groupe qu'ils semblaient apprécier. A côté de Logan, la place était vide, sans doute celle d'Ezra. En face, il y avait Ale, puis elle et en face d'elle, personne. En temps normal il y aurait eu Kwaïgon en face d'elle. Mais ils n'étaient pas en temps normal...
Elle soupira et releva les yeux sur Ezra. Il versait les dernières louches de pâte d'un second saladier. Une autre assiette de pancakes était déjà prête à côté de la première, sous cloche pour conserver la chaleur. Elle tourna ensuite vivement la tête vers Ale qui déposait devant elle une tasse de café avec un sourire. Elle y répondit et fut surprise d'entendre Liam un peu fort.
« Ah ! Neyla ! Viens, assieds-toi avec nous. C'est pancakes ce matin. »
Il sourit à une jeune femme blonde qui approchait timidement et qui s'assit en face d'Ale en leur souriant timidement. L'américain lui proposa un café qu'elle accepta sans broncher, observant la table comme l'avait fait Lou peut de temps avant. C'est à ce moment là qu'Ezra déposa les pancakes sur la table, une assiette à chaque bout, avant de prendre place en face de Lou et attraper sa tasse de café qui était resté devant Neyla. Tout le monde se servit quelques pancakes et une fois que les échanges de beurre et sirop d'érable furent fait, Liam se leva et demanda l'attention de tout le monde.
« Alors, le programme du jour : on va commencer par Logan et Izikel : avez vous des cours à donner ce matin ? » « Oui, deux. » « Moi aussi j'en ai un. » « Ok, donc on ne compte pas sur vous ce matin. Du coup, je propose de diriger une séance de plat, qui souhaiterait participer ? »
Angora, Neyla, Louna et Ale levèrent la main. Voyant qu'Ezra se retenait, Lou fit de même.
« Parfait. Myriam ? » « Je dois aller au centre de soin, j'ai une permanence ostéo à assurer ce matin. » « Ok. Ezra et Lou ? » « Avec Lou on voudrait bosser un peu les chevaux de l'Académie. Je pensais prendre Mériador et laisser Getsuga à Lou. » « Très bonne idée ! Cet après-midi par contre, c'est box ! Donc j'aimerais voir tout le monde s'il vous plait dans les élevages ! »
Il y eu quelques soupirs mais tout le monde accepta. C'était la tradition de toute façon, une fois par semaine, ils faisaient tous ensemble les box des deux élevages et les cuirs des selleries. Tous ensemble, les choses allaient plus vite. En attendant, le reste du petit déjeuner se passa sans encombre, les conversations allant bon train. Une fois la table débarrassée, le groupe se dispersa. Lou et Ezra allèrent chercher Ome au chenil avant d'aller dans l'écurie des chevaux de missions. Getsuga était normalement le cheval de Kwaïgon, mais il était destiné à la même chose que Mériador et Ezra trouvait plus logique de les entraîner ensemble. Lou n'y voyait pas d'inconvénient, son propre cheval étant au centre de soin pour encore un petit moment, elle ne pouvait pas le monter pour l'instant.
***
En une demi-heure de temps, les chevaux étaient prêts. Les deux amis se retrouvèrent dans la cours enneigée de la partie des écuries de missions. Avec les montoirs, ils se mirent en selle souplement et prirent la direction de la carrière. Cette dernière était couverte d'une fine couche de neige encore vierge de toute trace. Ezra avait confiance, il était certain que les chevaux n'auraient pas de soucis sur la neige fine. Par contre, les deux étalons étaient chaud bouillant, content de sortir. Ezra avait un peu de mal à tenir son Lusitanien, qui trottinait sans cesse sous sa selle. Lou avait moins de difficulté que lui mais son étalon pie était tout aussi chaud. Prêt à partir à la moindre occasion.
« Méfie toi un peu Lou, il pourrait t'embarquer facilement. »
La rouquine hocha de la tête et remonta sur ses rênes, mettant un pli dans l'encolure du grand bicolore. Elle axerait sa séance sur l'incurvation ! Cela assouplirait l'étalon et en plus de ça, il aurait moins de chances de l'embarquer. Elle commença sa détente au pas, marchant partout dans la carrière. Le pie ronflait des naseaux de temps à autre, pour montrer son excitation mais Lou ne lui laissait pas assez de répit pour qu’il l’exprime plus que cela. Après dix bonnes minutes de marche active, elle prit le trot, accompagnant souplement l’étalon au trot enlevé, poursuivant ce qu’elle avait commencé : beaucoup de courbes, en changeant régulièrement de pli. Ezra prenait soin de l’éviter et lui laisser toute la place qu’il lui fallait. Du coin de l’œil cependant, elle voyait qu’il avait un peu plus de mal qu’elle. Mériador trottinait sans cesse et faisait parfois quelques sauts de mouton sur place. Sans vraiment décollé du sol mais assez pour secouer un peu son cavalier. Après ses diverses courbes, la demoiselle travailla l’allure de l’étalon, allongeant et reprenant au mieux son trot. Getsuga allongeait parfaitement, mais quand il fallait revenir au rassembler, il avait bien plus de mal. Malgré tout, ce petit exercice eu pour effet de calmer un peu le pie et la demoiselle pu passer au galop avec un peu plus de sérénité. L’étalon passa tout de suite au galop, après seulement une touchette de la jambe de la demoiselle. Il avait un galop cadencé et souple, ce qui étonna la demoiselle. Mais lorsqu’elle changea de main, la chose fut différente ; en effet, à gauche, l’étalon avait tendance à se coucher un peu vers l’intérieur. Ils auraient à améliorer ce point pour en faire un parfait cheval de dressage.
De son côté, Ezra luttait un peu contre son gris pearl qui secouait la tête pour se soustraire à la main de son cavalier. Mais malgré toutes ses tentatives, aucunes ne résulta à la chute du cavalier. Elle ne savait comment mais Ezra avait une excellente assiette. Peut-être même meilleure que celle de Liam… En tous les cas, le jeune homme arrivait tout de même à travailler et c’est bien la seule chose qui lui importait. Après la fin de sa propre détente, il rejoignit Lou, qui marchait tranquillement, obligeant son étalon à allonger l’encolure.
« Alors qu’est-ce que t’en pense pour l’instant ? » « Ça va. Il s’est calmé vite finalement. Mais il y a du boulot dessus, il manque de souplesse… »
Ezra lui sourit et laissa un peu de rênes à Mériador qui s’empressa de baisser le nez en secouant la tête et soufflant fort.
« C’est un sauteur le tien à la base, c’est normal. »
La demoiselle sourit en retour et allait remonter sur ses rênes quand une silhouette arriva près d’eux à petites foulées. C’était Alejandro, un demi-sourire aux lèvres.
« Lou, Liam te demande de suite. Ton père a appelé du Canada apparemment… Je n’en sais pas plus. Il est dans son élevage. »
La rouquine échangea un regard avec Ezra qui acquiesça et quitta la carrière, mettant son cheval au trot dans les allées. Ale suivait à petites foulées mais elle le sema quand même. Arrivé devant les grandes portes de l’élevage, Liam l’attendait, la mine grave. Dès qu’elle fut descendue de cheval il attrapa les rênes.
« J’ai une mauvaise nouvelle… » « Qu’est-ce qui se passe ? » « Ta grand-mère est décédée cette nuit. » « Oh… » « Myriam est monté pour te prendre un billet d’avion. Je lui ai dit de te prendre un retour pour la Mongolie, après le déménagement. Comme ça tu pourras passer un peu de temps dans ta famille. Ça fait un moment que tu ne les a pas vu… »
La jeune femme était sans voix. Mais elle sentait les larmes lui monter aux yeux. Elle acquiesça et se laissa aller sur l’épaule de Liam. Gestuga ne bougeait pas à côté d’eux, sentant une certaine gravité dans la situation. La jeune femme se reprit assez vite cependant et sourit doucement à Liam.
« Je vais rentrer Gestuga… »
L’éleveur la coupa d’un geste en secouant doucement la tête en signe de négation.
« Vas-y je m’en occupe. » « Merci… »
Elle passa la main sur l’encolure musclée de l’étalon et tourna les talons pour aller vers le manoir à pas rapide. Les jours qui l’attendaient n’allaient pas être de toute joie, mais d’une certaine façon, elle était soulagée de rentrer chez elle. Elle pourrait un peu mieux appliquer les conseils d’Ezra comme ça… Même si elle savait qu’il allait lui manquer…
Cela faisait bien longtemps que la jeune femme n'avait pas dormi avec Ezra. Lorsqu'elle était parti rejoindre sa famille au printemps dernier, elle n'avait plus passé ses nuits en compagnie du métis en revenant. Tout simplement parce qu'elle ne faisait plus de cauchemar, et qu'elle avait passé un cap. Mais la morosité qui les gagnait en ce moment avait eu raison d'elle, et elle n'avait pas pu s'empêcher de se glisser dans la chambre d'Ezra cette nuit-là. Il dormait quand elle avait débarqué, simplement vêtue de sa chemise de nuit. Lui dormait nu, comme souvent. Il avait sursauté quand elle s'était collée à lui mais il avait simplement soupiré en la reconnaissant et s'était rendormi aussitôt. Le lendemain matin, elle s'était réveillée bien avant le réveil et avait attendu que le métis n'ouvre les yeux à son tour. Elle avait regardé le soleil se lever entre les rideaux tiré en se demandant ce qu'elle allait faire de sa journée. Elle le savait, en parti. Mais elle vivait sans arrêt dans la peur d'une très mauvaise nouvelle : celle de la disparition de Louna. Elle en tremblait chaque fois qu'elle y pensait. Comment ferait-elle sans Louna ? Elle était devenue sa grande sœur... Et Myriam, sa mère de substitution. Elle n'avait pas, au Haras, d'autres figures maternelles... Elle ferma les yeux en essayant de faire le calme en elle, mais elle sursauta violemment lorsque le réveil se mit en route, réveillant Ezra plus vite que prévu. Le métis sursauta à son tour et se releva à demi, posant doucement une main sur son bras nu.
« Hey ! Hey là... Doucement... C'est la sonnerie du réveil qui... »
Elle s'était tournée pour croiser son regard. Elle avait le visage un peu crispée, gênée. Elle se mordit la lèvres et tenta de bredouiller quelque chose mais ses mots se perdirent entre ses lèvres. Ezra soupira et se rallongea en ouvrant ses bras.
« Viens là... »
La jeune femme ne se fit pas prier ! Elle se blottie dans les bras du jeune homme, qui lui caressa machinalement le bras, le regard perdu sur le plafond. Le réveil arrêta de sonner de lui-même et un moment de silence le suivit. Finalement, Ezra reprit la parole d'une voix douce et calme, appelant à la confidence.
« Dis moi tout chérie... Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Cette fois la jeune femme trouva ses mots, ayant retrouver son calme.
« J'ai seulement peur. » « Peur de quoi ? »
Il avait murmuré. Il connaissait la réponse, mais il voulait qu'elle le dise. Qu'elle le formule à voix haute. S'entendre dire une vérité que l'on enfouie la rend moins dure... Cela faisait depuis toujours parti de sa propre thérapie.
« Peur qu'il arrive quelque chose à Louna. » « Que veux-tu qu'il lui arrive de plus ? Elle est allongée dans un lit d'hôpital, il ne peut rien lui arriver de plus. » « J'ai peur qu'elle meure... » « Il ne faut pas avoir peur. Il ne lui arrivera rien, ne t'en fais pas. »
La demoiselle se redressa et plongea ses yeux verts dans les siens. Il soutint son regard sans ciller.
« Comment peux-tu en être sûr ? » « Parce que j'y crois. »
Ils se toisèrent un moment avant que la demoiselle ne soupire. Peut-être qu'il fallait simplement qu'elle y croit, elle aussi. Elle embrassa le jeune homme, qui le lui rendit, avant de l'enlacer tendrement...
*** *** *** ***
Une heure plus tard, Lou, douchée et habillée, descendait rejoindre les autres au petit déjeuner. Ezra était déjà là et discutait avec Alejandro et Liam, les deux seuls membres de l'équipe présent. Elle apprit que Neyla et Izikel étaient déjà parti nourrir les chevaux des élevages. Elle se glissa sur le banc à côté d'Ale et attrapa un toast grillé dans la panière en face d'elle. Machinalement, Ale lui servit un café bouillant, plus concentré sur ce que disait Liam que sur ce qu'il faisait. Elle prit la tasse en le remerciant du bout des lèvres et mordit dans son toast nature. Ezra était en pleine lecture de quelque chose sur son téléphone, concentré. La jeune femme se perdit alors dans ses pensées... Elle observait Ezra qui restait plongé dans sa lecture en se demandant ce qu'il pouvait bien lire. Elle s'était beaucoup rapproché de lui depuis l'automne. Plus qu'elle ne l'imaginait d'ailleurs... Les autres savaient-ils qu'ils avaient une liaison ? Bien que... Est-ce que c'était vraiment une liaison ? Elle ne saurait vraiment le dire...
Ainsi absorbé par ses pensées, elle n'entendit pas Liam l'appeler. Il fallu qu'Ezra croise son regard avec insistance pour qu'elle se rende compte que quelque chose se passait. Elle leva les yeux et rougit.
« Oui ? »
Liam la regardait avec un certain agacement dans les yeux. Il avait des cernes et le teint cireux, mais il avait encore assez de prestance et d'autorité pour rester impressionnant.
« Ah ben enfin ! Bon, maintenant que j'ai toute ton attention : A quoi tu joue Lou ? »
La demoiselle resta muette, cherchant de l'aide dans le regard des deux autres, mais rien ne vint. Ezra regardait Liam et Lou tour à tour et Ale la toisait en buvant son café.
« P-Pardon ? » « Le centre de soin a appelé, tu n'es pas passé voir Viking depuis des semaines ! Pour aller monter Getsuga pas de soucis mais pour Viking, ton véritable cheval de quête, il n'y a plus personne ! Qu'est-ce que tu attends pour aller le voir ? Cela fait des semaines qu'il est complètement remit ! Les vétos t'attendent pour le premier bilan de santé ! »
La jeune femme ne savait pas quoi répondre. Il est vrai qu'elle avait totalement délaissé le cheval pie au profit de celui de Kwaïgon et cela, sans raison valable. En réalité, elle avait peur d'aller voir le cheval. Peur de voir ce qu'elle allait trouver. Elle détestait le centre de soins et les animaux blessés. Et Viking en était un... Et voir sous son pansement... C'était au dessus de ses forces... Elle rougit d'autant plus et baissa les yeux sur son café. Mais la voix de Liam reprit, après un soupir.
« Pourquoi tu n'y vas pas ? Il ne t'as rien fait le pauvre bougre... » « Je sais... » « Et bien alors ?! » « J'ai peur... »
Elle avait avoué cela à demi mot, aussi bas que possible. Seul Ale avait pu l'entendre et il en resta surprit. Liam cependant, n'avait pas eu la chance de connaître l'explication.
« Pardon ? Tu as dit quoi ? »
Lou ne répondit pas, honteuse. Mais c'est Ale qui prit le relais, avec une voix neutre au possible.
« Elle a peur. »
Cette fois, c'est l'étonnement qui teinta la voix de Liam et non l'agacement.
« Peur ? Mais pourquoi ? »
La jeune femme soupira et releva doucement les yeux pour croiser le regard de Liam.
« J'ai peur de tout ce qui est médical... Et je déteste la vue du sang... Viking est blessée, il avait un pansement et... » « Il avait un pansement pour protéger ses points de suture... Ce n'était pas une plaie... Il a été opéré pour un métacarpe fracturé et il s'en est totalement remit. Il est temps qu'il reprenne le travail maintenant, en douceur. »
Que répondre à cela ? Elle ne pouvait rien dire de plus. En fait, elle ne savait même pas ce qu'avait le pie, seulement qu'il était blessé. Elle était allé le voir une fois et avait vu un bandage sur une de ses jambes et n'y était plus retourné. Elle aurait sans doute dû en parler à Ezra, mais tout s'était enchaîné et elle avait quelque peu oublié le pie. Mais Liam avait raison, il était grand temps qu'elle se reprenne et qu'elle s'occupe du cheval. L'éleveur soupira et clôtura le sujet.
« Je t'ai prit rendez-vous pour dix heures. Ne le manque pas s'il te plait. » « D'accord... » « Bon, ce matin on est tous là sauf Lou. Donc on va profiter de la présence d'Izikel pour prendre les chevaux de Louna. Ale je te propose Cara, il est un peu raide, il aurait bien besoin d'une bonne séance d'assouplissement. Ezra, il faut que tu fasse connaissance avec Chuwbaka pour le jump cross à la fin du mois. Neyla prendra Kim, il est plutôt mignon et Izikel Priam. Je monterais Bill, ça ne lui fera pas de mal de sortir un peu... » « Et Grey Goose ? » « Il a été adopté ! Par une nouvelle cavalière fraîchement débarquée. » « Super ça ! » « Oui ! Une très bonne nouvelle... »
La demoiselle soupira et n'écouta pas la suite. Il fallait qu'elle se rende à l'évidence : depuis l'automne, elle avait perdu quelque chose... Une part d'elle, qu'elle avait sans doute laissé dans les Hamptons... Ou la chambre d'Ezra...
*** *** *** ***
La jeune femme, en attendant qu'il ne soit dix heures, avait passé le temps en menant Great Cashemire, son cheval, au pré après un bon pansage. Elle se sentait un peu nostalgique du temps où elle se posait moins de questions. Du temps où elle n'avait qu'à penser à son cheval et sa progression avec lui. Qu'était-il devenu ce temps là ? Il était un peu trop loin à son goût. Maintenant elle montait également Kim, le cheval de Kwaïgon, sans compter ceux que Liam lui attribuait de temps à autre, Getsuga et maintenant, Viking. De un, elle était passé à au moins trois chevaux quotidiens. Un plus qui l'occupait physiquement, mais son esprit divaguait également bien plus souvent. Autrefois, elle ne se préoccupait que d'elle et de son cheval. Maintenant, elle s'inquiétait pour Louna, elle se posait des questions sur Ezra, et craignait le regard des autres. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ?! Elle ne se reconnaissait plus. Où était passé la jeune femme pleine de joie et de vivacité ? Elle ne devait pas être très loin... Ou du moins, elle l'espérait...
A dix heures, elle se présenta à l'accueil du centre de soin, où il n'y avait personne. Elle dû parcourir les salles pour trouver un vétérinaire disponible. En tombant sur un jeune homme qu'elle n'avait encore jamais vu, elle sourit.
« Bonjour... Je viens pour euh... Pour le bilan de santé de Viking... »
Le jeune homme eu un sourire franc et joyeux. Il lui tendit une main qu'elle serra poliment, lui avait plus de poigne.
« Lou-Khyan c'est ça ? » « Oui... » « Enchanté. Moi c'est Siobhan. On sera amené à se voir souvent je pense ! Il y a encore pas mal de boulot sur Viking. Venez, je vais vous montrer tout ça ! » « Ok... »
Il sourit de nouveau joyeusement et l'invita d'un simple geste à le suivre dans le couloir. Il portait un jean et des chaussures d'écuries à l'allure confortable. Sous sa blouse verte de vétérinaire chirurgien il portait une polaire noire. Apparemment il avait fait l'impasse sur la blouse blanche... Mais ce n'est pas cela qui allait gêner la demoiselle... Ils se dirigèrent dans un petit bureau attenant à la réception et le jeune homme prit le dossier de Viking, en annonçant dans son talky que l'accueil serait vide un moment. Une voix répondit mais Lou n'y comprit strictement rien. Sans un mot elle le suivit dans le dédale du centre de soin. Ils débouchèrent rapidement sur une écurie et Siobhan la conduisit tout de suite au box de Viking.
Le bicolore était calme dans son box, à grignoter son foin. Quand il entendit le loquet de sa porte, il releva le nez et les oreilles, poursuivant tout de même de mâcher sa ration. Le vétérinaire lui flatta l'encolure et se plaça au niveau de son épaule gauche, attendant après Lou avec un sourire chaleureux. Elle hésita à entrer, mais finalement elle fit le dernier pas et tendit la main au pie. L'étalon arqua l'encolure pour venir renifler cette main presque inconnue et resta sage.
« Alors vous voyez, la suture a parfaitement cicatrisée. On lui a enlevé les derniers fils en début de semaine. On a fait un bilan sanguin aussi mais je n'ai pas encore vérifié leur contenu et on va faire une dernière radio de contrôle aujourd'hui. Mais normalement il est apte à sortir du centre de soin et reprendre le travail. » « D'accord... »
La jeune femme baissa les yeux sur l'antérieur gauche du cheval. Une zone de poil très court en cours de repousse marquait l'emplacement de la cicatrice, mais cette dernière était très fine et ne se voyait presque plus. Un travail de suture splendide.
« Son licol est sur la porte, je vous laisse le sortir et me suivre jusqu'à la salle d'examen ? » « Heu... Oui... »
Maladroitement la jeune femme ressorti du box et attrapa le licol. Le vétérinaire s'était poussé pour lui laisser la place et Viking se laissa passer le licol sans broncher. En sortant du box il eu un léger sursaut mais suivit tout de même Lou assez sagement. Siobhan sorti à leur suite et vint se placer à côté de Lou. Il était à peine plus grand qu'elle et quelque chose dans sa prestance lui donna des frissons... A moins que ce ne soit l'odeur de sa lessive ? Elle ne saurait le dire. En attendant, il reprit la conversation d'un ton joyeux mais calme. Il appelait à l’apaisement, ce qui devait être plus qu'utile dans son métier.
« Vous n'êtes pas très à l'aise avec le centre, je me trompe ? »
Il sourit, alors que la demoiselle rougit un peu. Elle se retrouvait au dépourvu à chacune de ses phrases depuis leur rencontre et cela la gênait plus qu'autre chose.
« Et bien euh... Non, en effet... Pas vraiment... » « Comme beaucoup de gens ! Mais ne vous en faites pas, on s'y habitue vite ! Et puis, ce n'est pas si terrible comme lieu. »
Il sourit de nouveau, pour la mettre en confiance, ce qui avait son petit effet. Il les fit entrer dans une salle d'examen et la jeune femme attendit sagement au centre avec Viking. L'étalon bicolore avait l'air habitué à la chose car il ne bronchait pas. Il se gratta simplement la tête contre son antérieur non opéré et soupira avant de se mettre en position de repos. Le vétérinaire pour sa part, s'assit souplement sur un tabouret à roulette et déposa le dossier sur une tablette avant d'enfiler des gants en latex. Il revint ensuite vers eux en roulant.
« Alors dites moi, que savez-vous de Viking ? » « Et bien, à peu près seulement qu'il a été opéré d'un antérieur... »
Le jeune homme eu un petit rire cristallin et se mit à gauche de l'étalon en faisant signe à la demoiselle de venir voir de plus près, ce qu'elle fit.
« En effet. C'est un cheval de complet et il a fait une très mauvaise chute avec son cavalier lors d'une compétition. Il a hésité sur un directionnel et s'est prit l'antérieur entre deux lattes de bois. L'élan a fait qu'il s'est vrillé l'antérieur au lieu de finir encastré dans l'obstacle. Ce qui est un moindre mal finalement ! Il s'est brisé le métacarpe, et heureusement, seulement lui. On l'a opéré car il est encore jeune et qu'il n'y avait pas trop de risques. Il a eu un pansement de soutien et est resté au box pendant deux mois et demi. Et depuis quinze jours il reprend le paddock doucement. Le bilan après trois mois est positif. Viking a gardé le moral et ne s'est pas laissé abattre. L'os a bien guéri et la suture est parfaite. Pas de lésions consécutives à l'opération et à l’immobilisation temporaire du membre, de type fourbure ou suros. »
Il releva le nez pour voir si elle avait bien tout suivi, ce qui était à peu près le cas. La jeune femme avait seulement fait la grimace en imaginant la scène de l'accident mais c'était tout. Elle acquiesça d'un hochement de tête pour confirmer le tout au garçon. Le vétérinaire se propulsa donc vers son bureau et se releva pour attraper deux gilets de protection en plomb et lui en tendit un avec un sourire.
« Tenez, c'est pour la radio, enfilez le, je vous tiens Viking. »
Elle échangea donc longe contre gilet sans un mot et enfila la chose. Il fallut tout de même que le jeune homme l'aide à fermer le gilet. Elle reprit finalement la longe et laissa le vétérinaire installer son matériel et faire la prise de vue, ce qui ne lui prit pas plus de dix minutes. Il rangea ensuite le tout avec des gestes empli d'habitude et se laissa de nouveau tomber sur son tabouret.
« Il n'y a plus qu'à attendre que le système prenne en compte l'image et je vous montre ça. C'est un peu lent en ce moment, je ne sais pas pourquoi. Mais je n'y connais rien en informatique alors je me garde bien de le leur dire ! »
La jeune femme rit doucement en réponse à son sourire radieux et flatta doucement l'encolure du pie qui s'endormait.
« Cela fait longtemps que vous êtes au Haras ? » « Un petit moment maintenant... » « Vous êtes encore élève ? » « Non, je suis passée cavalière pro l'année dernière. » « Félicitations ! » « Merci... »
Ils échangèrent un sourire et Lou rougit de nouveau. Il fallait qu'elle reprenne la parole. Depuis le début, c'était lui qui menait la conversation... Que lui arrivait-il ? D'habitude c'était elle qui avait ce rôle.
« Et vous ? Vous êtes là depuis longtemps ? » « Oui et non... Depuis quelques semaines seulement. Mais je n'ai pas rencontrer grand monde... J'ai été appelé en renfort pour le centre de soin et je n'ai pas bougé depuis... Je n'ai même pas poser les fesses sur une selle depuis mon arrivée ! » « Oh ! Il y a tant de blessé que cela ? » « Non... Et heureusement ! Mais il y a eu les poneys du container. Il a fallu faire un bilan pour chacun et comme j'ai une formation de laborantin en plus, j'ai été le préposé aux bilans sanguins... Pour aller plus vite on les a fait sur place. Sinon ils auraient dû rester plus d'une semaine en quarantaine... » « Et bien... Et vous comptez rester au Haras ? » « Oui pourquoi ? » « Non je... Comme vous avez dit n'être là qu'en renfort... » « Oh ! Je vois... Je compte rester. L'endroit me plait bien. »
Il sourit, ce qui perturba un peu la demoiselle, de nouveau. Mais ce sourire là avait quelque chose d'énigmatique qui l'intriguait.
« Quoi ? » « Oh rien ! Je pensais juste que vous comptiez m'inviter à boire un verre pendant un instant. »
Il sourit de plus belle. Lou allait ouvrir la bouche mais un bip retenti et il leva le doigt pour l'interrompre. Il jeta un oeil sur son écran et y afficha la radio qu'ils venaient de faire.
« Regardez, c'est juste ici. Le trait un peu plus vif et la légère bosse. Vous voyez comme l'os s'est bien consolidé ? » « Oui. » « Et bien physiquement, il est prêt. Le bilan sanguin est aussi très bon à ce que je vois sur sa fiche... On a prit sa température ce matin et il était dans les normes, je pense que ce n'est pas la peine de l'embêter avec ça. » « D'accord. » « Vous avez un programme de travail pour la reprise ? » « Pas vraiment... » « Alors j'ai quelques recommandations. Déjà, reprendre avec de la ballade d'abord, au pas. Qu'il reprenne du souffle et fasse travailler le cardio. Faites le choix de terrains escarpés mais pas trop. Des montées et des descentes pas trop violentes. Pas trop de longe au début, plutôt des lignes droites et lui faire reprendre en souplesse petit à petit. Dans un mois environ il faudra faire une épreuve de force ici, se sera sans doute avec moi. A la suite de cette épreuve, on verra s'il peut reprendre le saut ou pas encore. Enfin dans deux ou trois mois selon son évolution, on fera un bilan de rétablissement. Il faut aussi le faire ferrer des postérieurs, il vous faut donc passer voir un maréchal. Sinon c'est un bon cheval, mais un peu maladroit et sur l'oeil. » « Ok... »
C'était beaucoup d'info à retenir et la demoiselle vit, au sourire narquois du jeune homme, qu'il prenait un malin plaisir à faire ce genre de chose. Mais comme rien ne venait de la part de la demoiselle, il sauta à bas de son tabouret et se dirigea vers la porte.
« Je vous raccompagne ? » « Oui... Merci... » « Vous savez où est son box ? » « Dans l'écurie des missions ? » « Exact. »
Il sourit largement et passa derrière le comptoir. Lou s'arrêta à sa hauteur et attendit en compagnie de Viking.
« J'ai besoin d'une petite signature ici. »
Il tendit à la demoiselle un bloc et elle signa sagement. Il récupéra le tout et lui tendit finalement une feuille avec toutes ses préconisations dans un large sourire.
« Voilà pour vous. Vous pouvez prendre rendez-vous dans un mois via le site du Haras ou passer ici. » « Vous ne laissez pas votre numéro ? »
La demoiselle rougit automatiquement après avoir dit cela et le vétérinaire sourit plus largement encore et eu un petit rire. Elle l'avait tout de même prit enfin au dépourvu.
« Si, pourquoi pas. » « Merci... »
Il reprit la feuille pour y griffonner son nom et son numéro dans une écriture étonnement appliquée de la part d'un homme, et de surcroît, vétérinaire. Il lui rendit la feuille avec un fin sourire.
« On dit demain vingt-heure alors ? Je termine à cette heure là. Vous passez me prendre ? »
Lou sourit largement cette fois. En voilà un qui n'en loupait pas une.
« A demain alors. »
Elle sourit de nouveau et sorti du centre, Viking à sa suite. Finalement, le centre de soins lui paraîtrait peut-être un peu plus sympathique désormais...
L'ambiance était morose dans l'équipe. Les cris de désespoir d'Izikel leur avait à tous glacé le sang. Il avait ensuite disparu plus ou moins durant quelques jours et Liam avait eu l'occasion de leur raconter ce qu'il s'était passé. Cela avait fait un coup à tout le monde. Mais Myriam avait tenu à ce que personne n'approche Izikel mis à part elle, Ezra et Inna. L'éthologue n'était de toute façon pas en état de voir qui que ce soit... Depuis, ce n'était plus vraiment la même chose au sein de l'équipe. Même s'il était d'humeur morose depuis quelques mois, il bossait, il était là, il arrivait tout de même à les faire sourire. Il apportait quelque chose à l'équipe. Tout le monde s'inquiétait pour lui et le soutenait. C'était devenu une habitude. Il était omniprésent. Il apportait des solutions, les aidait plus qu'il ne le fallait. Son absence provoquait un vide dans le groupe. Physique de par sa non présence mais aussi moral. Désormais, quand ils pensaient à lui, tous étaient tristes. Et ils peinaient à retrouver le sourire, tous autant qu'ils étaient...
Lorsque le réveil sonna ce matin-là, Lou était déjà éveillée, ce qui était très rare. Jamais elle n'avait passé une si mauvaise nuit. Installée dans le fauteuil de bureau de Siobhan, enroulée dans un plaid tout doux, elle fixait les bois au-delà de la fenêtre. Elle entendit Siobhan se lever et s'approcher d'elle, enroulant ses bras autour de ses épaules.
« Hey... Qu'est-ce qu'il t'arrive ? »
Sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi un vague de colère monta en elle. Elle repoussa le vétérinaire et se leva, laissant derrière elle le plaid.
« Rien ça va. »
Pourquoi lui avait-il posé cette question ? Ne voyait-il pas ce qu'il se passait ? Ne voyait-il pas combien Walig allait mal ? Et combien cela comptait pour eux tous ? Le choc que cela avait fait à toute l'équipe ? Elle était en colère contre Siobhan. Il ne comprenait pas... Et tant qu'il ne comprendrait pas, elle aurait bien du mal à prendre sur elle. Pour elle, Izikel était plus qu'un ami. Il était presque un membre de sa famille. Il était un frère... Le voir aussi mal lui était insupportable. Elle entra dans la salle de bain comme un ouragan et fila sous la douche, sans attendre que l'eau ne chauffe, ignorant la morsure de la première eau glacée. Siobhan ne la rejoint pas, et quand elle ressorti, il n'était plus là. Cette constatation la mit plus en colère encore qu'elle ne l'était. Et c'est d'une humeur mitigée qu'elle descendit rejoindre les autres au petit déjeuner.
Il ne manquait pas grand monde à la table du petit déjeuner. Siobhan et Liam discutaient, debout en bout de table. A la droite de Liam se trouvait Ale. Il avait l'air soucieux lui aussi, le nez plongé dans sa tasse de café, la joue soutenue par son poing. En face de lui se trouvait Kwaïgon, concentré sur son téléphone, occupé à lire quelque chose. Ezra était à côté du coréen et leva les yeux vers la demoiselle quand elle entra. Dean, en face du métis discutait avec Neyla, assise à côté de lui. Myriam, Logan et Louna n'étaient pas là. La canadienne fit le tour de la table et s'avança vers Ezra sans aucune hésitation. Le jeune homme se leva instinctivement et prit la rouquine dans ses bras, brièvement. Quelques secondes mais ce fut juste le temps nécessaire à Lou pour reprendre ses esprits et retrouver son sang-froid. Ils s'installèrent l'un à côté de l'autre au moment où Siobhan les quittait. Liam reprit également sa place alors que Logan s'installait également. Ezra servit une tasse de café à la rouquine alors que Liam réclamait l'attention de tout le monde.
« Bonjour à ceux qui viennent d'arriver ! Je viens de mettre Siobhan au courant, Myriam et Louna le sont également donc... Je voudrais vous dire deux mots à propos de ce qu'il va se passer durant les prochains jours... Myriam, Walig et Kwaïgon vont partir quelques temps. Myriam et Walig iront chercher la petite à Great Falls alors que notre ami ici présent -il désigne Kwaïgon- aura la lourde tâche d'aller retrouver Naïg, la sœur de Moïra, pour lui annoncer la mauvaise nouvelle... »
Le coréen soupira et baissa les yeux sur son café. Il ne semblait pas ravi de cette tâche mais il ne faisait aucun doute qu'il s'était porté volontaire...
« Inutile de vous préciser que les semaines qui vont suivre vont être très difficile pour Walig... Il aura besoin de tout notre soutien et de toute notre aide. Il... Il ne connaît pas le rôle de père... Il n'en a jamais eu. Alors, j'aimerais que chacun d'entre vous fasse tout ce qui est en son pouvoir pour l'aider et le soutenir quand ils seront revenus... Je peux compter sur vous ? »
Une salve de « oui » lui répondit. Ils n'allaient pas abandonner Izikel. Ce n'était pas même concevable, pour aucun d'entre eux. Bien sûr qu'ils l'aideraient. Ce serait étrange sans doute. Il serait perdu au début. Mais ils seraient tous là pour lui... Le petit déjeuner se poursuivit ainsi dans un silence étrange, chacun étant plus ou moins plongé dans ses pensées. Oui... Les prochaines semaines allaient être dures...
***
L’humeur morose de la jeune femme ne la quitta pas de la matinée, rendant la séance de saut collective compliquée pour elle. Rocky Raspoutine avait été plus craintif que jamais face à son humeur massacrante. Pour le déjeuner, elle avait délaissé Siobhan et le reste du groupe pour rester un peu seule face à ses pensées. Au haras, il y avait pas mal d’endroit où l’on pouvait s’isoler. Elle ne voulait pas regagner sa chambre et croiser une de ses colocataires et encore moins retrouver la chambre de Siobhan pour l’y croiser. Elle avait donc décidé de flâner un peu entre les murs du pavillon nord, siège des pièces communes du Manoir. Elle savait que de temps à autre, les membres de l’équipe y passaient, souvent à la bibliothèque ou dans le salon, la cuisine et salle à manger ne comptant pas vraiment. Mais à cette heure de la journée, il y avait peu de chances qu’elle croise quelqu’un de la Team…
Elle avait prévenu Liam qu’elle ne participerait pas au cours e l’après-midi et avait simplement été prendre une douche dans la chambre d’Ezra et Inna. Emmitouflée dans un gilet en laine, plongée dans ses pensées elle se laissa porté jusqu’au salon. A première vue, il était vide. Plutôt satisfaite, la jeune femme s’approcha de la cheminée dans laquelle ronronnait un feu rassurant. Cette vision lui rappela sa famille et les hivers canadiens. Aussitôt, elle retrouva le sourire. Elle resta un instant immobile devant cette vision, fermant à demi les yeux, laissant cette sensation de chaleur apaisante l’envahir. Quand elle ouvrit les yeux elle se figea, une angoisse soudaine lui enserrant le cœur. Izikel, assit en travers du canapé, la fixait. L’éthologue était pâle, le regard cerné et rougie. Ils se regardèrent un instant sans rien dire et la jeune femme se sentit rougir. Toute sa colère retomba d’un coup. Elle se sentait complètement démunie. Le discours de Liam du matin même lui parut tout à coup bien dérisoire. Comment faisait-il pour trouver les mots justes et le soutenir ? Tant qu’elle ne voyait pas Izikel, elle se sentait capable de tout cela, solide comme un roc. Mais maintenant qu’elle voyait la douleur sur son visage, toute sa détermination s’envolait. Ne voyant qu’aucune réaction de sa part ne venait, elle finit par ouvrir la bouche et balbutier.
« Je… Je suis désolée je… Je ne pensais pas… » « Me trouver là ? »
La jeune femme se contenta d’acquiescer. Il avait la voix enrouée, pas comme d’habitude, ce qui troubla d’autant plus la demoiselle. L’éthologue soupira et s’assit plus convenablement sur le canapé.
« Ne me regardes pas comme ça s’il te plait, j’ai l’impression que je te fais pitié… » « Ce n’est pas du tout ça ! » « Je sais… »
Il se frotta doucement les yeux et laissa Lou approcher. Elle prit place à côté de lui, tout en délicatesse.
« Comment tu te sens ? » « Mal Lou. Mais je ne veux pas en parler. »
Encore une fois, la jeune femme se retrouva sans voix face à la franchise et au ton abrupte de l’irlandais. De nouveau, c’est lui qui désamorça la situation alors que ça devrait être tout le contraire.
« Bon, dis-moi, comment s’est passé le ferrage de Viking ? »
La jeune femme se retrouva complètement abasourdie. Avec sa matinée exécrable elle avait complètement oublié ce rendez-vous avec Dean.
« Je… J’ai oublié… »
Izikel soupira et replongea le visage dans ses paumes. C’était étrange aussi de le voir habillé en « civil ». Un pantalon rouge, type jean, un pull-gilet gri chiné sur une chemise rouge-rosé et une paire de tennis toute simple grise. C’était de bon goût et Lou le redécouvrait un peu de cette façon-là. Finalement il tourna la tête pour regarder la jeune femme et se leva, lui tendant la main.
« Aller viens. Dean est au centre de soin aujourd’hui, on va lui amener ton tacheté. »
Elle prit sa main avec délicatesse et se laissa entraîner par l’éthologue, un peu agacé intérieurement par sa faiblesse. Cela aurait dû être le contraire : elle qui l’entraîne lui par la main… Mais elle en était incapable. Le jeune homme alla directement à l’allée des chevaux de mission, sans lâcher la main de la demoiselle, en prenant quelques chemins de traverses, pour éviter de croiser d’autres membres de l’équipe sans doute. Il ne lâcha la main de la rouquine qu’une fois devant le box de l’étalon et entra sans attendre, lui enfilant son licol. Lou le laissa faire. Viking était un cheval un peu turbulent en main et elle avait un peu de mal à se faire respecter du bicolore aux yeux clairs. Mais Izikel lui, n’avait aucun mal à cela !
Ils sortirent de l’écurie et Lou glissa sa main dans la main libre de l’éthologue, qui ne broncha pas, serrant même un instant la main de la jeune femme avant de se relâcher doucement. Il inspira profondément, comme quelqu’un qui réprime un sanglot soudain et poursuivit son chemin comme si de rien était, la tête haute, le dos droit, gardant Viking à hauteur d’une main ferme. Ils restèrent silencieux jusqu’au centre de soins. L’éthologue contourna le bâtiment, remettant régulièrement Viking aux ordres sur le trajet et ils entrèrent dans l’aire du maréchal. Il n’y avait aucun cheval : l’irlandais attacha donc Viking dans l’allée, des deux côtés de la tête. Il avait tendance à être un peu remuant et le jeune homme voulait éviter au maximum les débordements. Il terminait d’attacher le bicolore quand Dean entra dans l’allée, un gobelet de café à la main. Aussitôt qu’il les vit, l’américain sourit.
« Hey ! J’ai cru que t’allais reporter Lou ! C’est cool que tu sois venu aussi Walig ! Alors ce loustic, il a besoin de quoi ? » « Ferrure toute neuve je pense ! C’est ça Lou ? »
La rouquine acquiesça, retrouvant peu à peu ses esprits. Elle leur adressa un fin sourire et se mit un peu en retrait, observant Dean se mettre au travail et Izikel se placer à la tête de Viking pour le remettre en ordre su besoin. Le pie était plutôt turbulent à l’attache alors autant prévenir toute tentative de lutte de sa part… Dean reprit la conversation comme si de rien était, parlant à Izikel d’un autre cheval de mission, Crazy Boy. Dean s’occupait de lui conjointement avec Siobhan et Izikel leur donnait un coup de main. Tout en parlant, Dean prit les pieds du bicolore et les cura avec attention mais rapidement, pour éviter au cheval de garder le pied en l’air trop longtemps et de lui donner l’idée de faire une bêtise. Il para les quatre pieds à une rapidité surprenante mais avec un geste juste et précis. Il travailla ensuite les fers, gardant le silence après quelques échanges avec Izikel. D’ailleurs, les trois cavaliers gardèrent le silence. Viking s’agitait un peu, mais l’éthologue le reprenait en douceur, le rassurant autant que le remettant aux ordres. Lou observait le tout, en silence. Ce n’est qu’en arrivant au ferrage du dernier pied que le maréchal reprit la conversation, attaquant sur un sujet plus douloureux.
« Quand est-ce que vous partez alors ? »
L’éthologue se tendit un peu et serra brièvement la mâchoire, mais il répondit quand même, sans vraiment trahir ses émotions profondes.
« Ce soir. On a un vol à vingt-deux heures. Et Kwaïgon part demain matin très tôt mais il va passer la nuit sur Paris. » « Ok. Et tu sais quand vous reviendrez ? » « Non pas encore… Mais je ne pense pas qu’on reste longtemps à Great Falls. »
Le maréchal acquiesça l’air grave et posa son fer en silence. Izikel était perdu dans ses pensées quand Dean les libéra.
« Si on ne se revoit pas d’ici là : bon courage mon vieux… Et ne t’inquiète pas, tu feras un papa merveilleux ! »
Il lui offrit un grand sourire avec une accolade chaleureuse et Izikel ne put que sourire, même si son regard était brillant de larmes. Il le remercia à demi-mot et il emporta Viking à sa suite, avec Lou. Sur le chemin du retour aux écuries, le bicolore fut plus sage. Ses fers, pesant sur ses sabots rendaient ses pas plus hésitants et il était plus occupé à essayer de marcher convenablement que de faire des bêtises. Lou ne disait toujours pas un mot. Elle se laissait porter par le cavalier. Il mit le bicolore dans son box, lui enleva le licol pour sortir et referma la porte derrière lui, accrochant le licol au crochet près de la porte. Il se tourna ensuite vers Lou, essayant de lui sourire, mais elle voyait bien que l’envie n’y était pas vraiment.
« Et voilà ! Comme ça c’est fait… »
La jeune femme n’y tient plus et se pend au cou du cavalier, qui retient un sanglot à grand peine. Il lui rend tout de même son étreinte et ils restent un moment ainsi, dans les bras l’un de l’autre, devant le box du bicolore.
« Je suis désolée Walig… Tellement désolée… »
Le jeune homme passa une main dans le dos de la demoiselle, réconfortante. Quand il répondit, la jeune femme sentit bien qu’il avait la gorge nouée. Mais elle fut incapable de réagir.
« Ça va aller Lou. Ne t’inquiète pas. »
Il la serra dans ses bras un peu plus fort et la lâcha, s’esquivant pour quitter l’allée à grand pas. Lou le laissa s’en aller, incapable de bouger plus que cela. En colère contre elle-même d’être incapable de le réconforter plus que cela… Elle resta là un instant avant de regagner sa chambre. La colère avait amené une grande lassitude et elle ne voulait qu’une chose : s’étendre sur son lit. Ce qu’elle fit, le joues humides de larmes…