Le hongre gris regardait la vaste étendu d'eau devant lui. Les sabots au bord de l'écume, il observait. Le gris avait fait pas mal de progrès depuis la dernière sortie qu'il avait faite avec Izikel. L'autre cavalier qui s'occupait de lui avait fait déjà un bon boulot et le gris avait bien avancé sur sa peur de l'eau et de l'extérieur. C'était déjà un bon point. Désormais il ne sursautait plus comme un fou à la moindre goutte. Certes, il craignait encore un peu l'eau, mais dans sa tête, les choses avaient évoluées. Il avait comprit que non, l'eau ne le mangerait pas. Elle n'était pas aussi dangereuse que ce qu'il pensait. Il ronfla des naseaux alors qu'une vague un peu plus grosse venait s'échouer contre ses jambes, lui éclaboussant le poitrail. Il eut un bref mouvement de recul de la tête et leva un sabot mais ne bougea pas les autres. L'antérieur émit un « splash » caractéristique en retombant sur le sol alors que l'équidé reprenait son observation des alentours. Il n'y avait quasiment personne sur la plage à cette heure-ci. Seulement quelques surfeurs au loin, ce qui intriguait beaucoup le gris en plus de l'eau.
Il ne connaissait pas les surfeurs. C'était une race d'humain qu'il n'avait encore jamais vu. A se balader en combinaison, à sentir l'iode et le latex en permanence et à se trimbaler avec de longue planches, qui elles, paraissaient très dangereuses. En plus de cela, ils tombaient dans l'eau à grand fracas, en criant, ce qui faisait du bruit. Et le hongre n'aimait pas non plus spécialement le bruit. La houle ne lui plaisait pas de toute façon. C'était déjà pas mal bruyant d'un autre côté. Mais c'est pour ça qu'ils étaient là. Pour que l'équidé s'y fasse, à tout ces stimulis. Le bruit... L'eau... Les surfs et leurs surfeurs... La foule... Bon, certes, ce matin, il n'y avait pas de foule. Mais il y avait tout le reste...
Le hongre mordilla son mors en ronflant de nouveau des naseaux. Un surfeurs passait pas très loin de lui pour rejoindre son groupe. Il avait trop dérivé en surfant sur une grosse vague. Le gris leva un antérieur comme s'il allait le boxer mais se ravisa finalement, se contentant d'arquer l'encolure en signe d'intimidation. Le surfeur passa sans lui lancer un regard. Le cheval en resta pantois. C'était seulement ça ? Le féroce prédateur des plages ? Peut-être que finalement, il n'y avait pas à en avoir si peur que ça... Le gris fit un pas en avant pour mieux voir ce qui se passait. L'homme grenouille avait planté sa planche dans le sable et la frottait énergiquement, de haut en bas. Le bruit lui crissait aux oreilles mais la curiosité était plus forte. Il sentit les talons du cavalier se presser sur son flanc. Il ne réagit qu'à la seconde demande et fit un pas lent en avant, vers le surfeur et son surf. Allons voir cela de plus près...
« Il a peur... En fait il ne connait pas. Est-ce que vous pouvez le laisser regarder de plus près ? ». Le hongre n'avait pas très bien comprit ce qu'avait énoncé son cavalier. Mais l'homme poisson se décala et il pu s'approcher du surf et le sentir à sa guise. Il mit un certain temps avant de vraiment tendre le nez pour le sentir. Méfiant, il ne savait pas si c'était vivant ou pas. Si ça allait le toucher ou pas. Finalement, sous l'encouragement discret de son cavalier, il allongea l'encolure en faisant un pas en avant, pour que se soit plus facile à atteindre, et renifla cette grande chose plate et froide. A première vue, ce n'était pas dangereux. Enfin, ça n'avait pas l'air. C'était froid, sentait le sel. Rainbow se risqua à un premier coup de langue. C'était salé en plus de ça. Un deuxième coup pour être sûr. C'était pas si mauvais que ça finalement. Il gratta le sol au pied de la planche, ce qui la fit tomber vers lui de quelques centimètres. Surprit, le cheval fit un bond en arrière. « Chu-chu-chut ! Lààà... C'est rien. » Une caresse sur l'encolure et un coup de talon dans les flanc pour l'encourager. Le hongre ronfla des naseaux en arquant l'encolure. Il n'avait pas très envie d'y aller. Mais apparemment, il le fallait. Il allongea de nouveau l'encolure pour sentir la planche. Elle ne bougeait plus. C'était suffisant pour aujourd'hui. Ou du moins, il l'avait décrété. Le gris fit un pas en arrière en soupirant. Partons vite...
L'océan s'était un peu retiré. Il avait laisser une très grande étendu de sable humide, un peu collant sous le sabot mais parfait pour galoper. C'est ce qu'il avait fait, son cavalier à cru sur son dos, sur quelques cinq cent mètres avant de reprendre le trot et le pas. Maintenant, il marchait avec allégresse dans les flaques peu profondes qu'avait laissé l'océan en se retirant. De temps à autre il baissait le nez pour sentir une chose étrange sur son chemin. Mais rien de plus. Il regardait autour de lui avec la curiosité d'un jeune poulain. Il était brave. Et sympathique. Nul doute qu'il ferait un bon cheval d'extérieur...
Izikel aussi regardait l'océan. Juché sur le dos de Rainbow, il se vidait la tête. Bien que la chose fut compliqué pour lui. C'était la première fois depuis très longtemps qu'il reposait ses fesses sur le dos d'un cheval, à cru. La dernière fois qu'il avait monté un cheval, c'était Finwë et pour un concours complet. Donc avec une selle. Il en avait presque oublié ce que c'était que la sensation de monter à cru. Sentir les muscles de son cheval sous soi. La chaleur de son corps. Chacun de ses mouvements. C'était à la fois agréable et terriblement gênant. Il n'avait plus l'habitude et même s'il avait vite retrouver ses sensations et habitudes, il avait un peu de mal à se faire à un autre dos que celui de Finwë. Il avait l'impression de trahir son cheval défunt. Alors que c'était tout à fait idiot. Ce n'était en aucun cas le cas...
Il soupira. L'océan était beau dans cette partie du monde... Le pacifique. Tellement vaste. Offrant tellement de possibilités. Ezra lui avait dit une chose importante le veille au soir. Qu'il « regarde devant lui ». Ne pas ressasser le passé, et se tourner vers l'avenir. Avoir un projet. Et l'achever. Il avait déjà un projet en cours, ce qui facilitait bien des choses. Il n'avait pas besoin d'en chercher un ou qu'Ezra lui en donne un qu'il abandonne, parce que ce n'était pas à son goût. Il avait Rainbow, le cheval de son job d'été. Il avait tout son temps pour lui maintenant, ou presque. Ezra et Myriam avait prit le relais avec les élevages. Orcanta était entre de bonnes mains. Certes, Ezra avait un peu plus de mal maintenant qu'il y avait six chevaux dans l'élevage de Louna. Mais il était vaillant et s'occupait de tout ce petit monde à merveille. Même s'il était pressé que Louna revienne. Tout comme lui d'ailleurs...
Quand il y repensait, il avait tout foiré. Avec Louna. Mais il ne savait pas vraiment à quel moment tout avait dérapé. Peut-être quand elle avait rencontré Enzo. A partir de ce moment là, il n'avait plus rien pu faire. Elle n'avait plus d'yeux que pour lui. Tant mieux pour le jeune éleveur en attendant. Et tant pis pour lui. La jeune éthologue et éleveuse avait été un véritable coup de foudre pour lui. Mais il s'en était quand même remit, petit à petit. Il s'était fait une raison. Après tout, ce n'était pas si grave. Le monde continuait de tourner. Il s'efforçait d'appliquer cela à chacune de ses expériences, mais c'était plus ou moins difficile. En ce moment, ça l'était plus que d'habitude. De nouveau, il soupira, le regard perdu sur l'horizon. Quand est-ce que la vie allait enfin lui offrir un instant de tranquillité ? Il vendrait son âme en échange de toute sa peine...
Il soupira alors que le hongre se stoppait pour se gratter la tête sur son antérieur. Le soleil commençait à être un peu plus haut dans le ciel et en même temps, les gens sortaient. Au loin, deux cavaliers allaient au petit trot, pour travailler l'endurance de leurs montures. Rainbow souffla fort des naseaux en reprenant le pas de lui-même. Avec le galop qu'il venait de faire, il était crevé et ce n'est pas maintenant qu'il allait faire le beau. Mais il avançait doucement, regardant la mer dans un mélange d'envie et de curiosité. Ce n'est qu'après une bonne quinzaine de minutes de marche que son cavalier lui demanda de faire demi-tour. Il était temps de rentrer, une heure et demi après qu'il au quitté son box...
***
Le jeune homme brossait énergiquement la robe grise de Rainbow, en trempant régulièrement sa brosse dans le seau d'eau froide qu'il avait à côté de lui. Il n'y avait rien de tel pour dé-saler la robe du hongre. Avec tout ce qu'il avait crapahuter au bord de l'eau, il était plein d'iode et d'eau de mer. Et puis cela permettrait de remettre un coup de blanc sur sa robe. Le pansage de cette manière lui permettait aussi de se vider l'esprit, ce qui était une bonne chose. Il fini par poser sa brosse après avoir fait tout le cheval et attrapa une vieille brosse à cheveux. Elle avait appartenu à la mère supérieure du couvent dans lequel il avait été élevé. Il sourit à la pensée de Mère Mary. Elle était d'une douceur inégalable, en même temps que d'une douce fermeté. Il lui obéissait toujours quand il était gosse... C'est elle qui lui avait inculquée toutes les valeurs qui faisait de lui ce qu'il était...
Il posa la brosse et attrapa un cure-pied avant de se pencher sur le premier antérieur du gris. Il donna sans trop faire d'histoire, même s'il tenta de reprendre son pied une fois ou deux. Le jeune homme enleva tout le sable et vérifia les fers avant de passer un coup d'éponge humide sur la tête de l'équidé. Il était nickel. Restait plus qu'à le faire sécher maintenant. Le jeune homme attrapa la longe, détacha cette dernière et fit reculer le cheval. Avant d'oublier, il rinça l'aire de douche pour enlever le sable et reprit son cheval pour l'emmener jusqu'à un carré d'herbe, en haut du domaine. Entre l'hippodrome et la grande carrière de saut. Si l'hippodrome était vide, la carrière de saut elle, contenait quelques cavaliers.
Pendant que le gris broutait, Izikel regardait les cavaliers de la carrière. Un cavalier, juché sur un grand bai, enchaînait les barres sur un parcours d'une dizaine d'obstacle. Même si les hauteurs n'étaient pas celle d'un concours de haut niveau, le jeune éthologue ne doutait pas que le couple était un habitué des hautes sphères du CSO. Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas Ezra arriver dans son dos. Le métisse arracha d'un geste vif la longe des mains de l'éthologue pour lui faire tourner la tête. Rainbow n'avait pas broncher et broutait toujours avec gourmandise. Ezra avait les poings sur les hanches et le regard noir. Il fixait Izikel avec intensité. Et visiblement, il n'était pas content.
I • « Quoi ?! » E • « Tu m'as posé un lapin hier soir ! »
Un cavalier qui passait par là les regarda bizarrement. Izikel posa lui aussi ses mains sur ses hanches et leva les yeux au ciel. Ils avaient longtemps discutés à l'heure du goûter mais c'était vrai que le jeune coach n'avait pas été au rendez-vous du soir. Pour aller prendre en verre. En vérité il avait bien comprit que le métisse voulait le saouler, ou quelque chose du genre, et il n'avait pas vraiment envie de ça.
I • « ... » E • « C'est tout ? Ça ne te fais rien d'avoir poser un lapin à ton meilleur ami ? »
Izikel soupira en baissant les yeux, les plongeant dans ceux d'Ezra. Il n'était vraiment pas content. Là, il n'y avait pas de doute, il avait merdé et il le savait bien. Pourtant il ne répondit toujours pas, se contentant de serrer les dents. Ezra soupira et leva les bras avant de les laisser retomber sur ses cuisses en détournant les yeux. Lorsqu'il revinrent sur Izikel, il haussa en plus le ton.
E • « Je fais tout ce que je peux pour t'aider. Tout ! Et c'est comme ça que tu me remercie ? En me posant un lapin ?! Tu ne peux pas te contenter de me dire « Non désolé mec, j'ai pas envie de sortir ce soir ? » Non ? Mais qu'est-ce qu'il se passe dans ta tête bon sang ?! Tu crois que je ne peux pas comprendre ? Que je ne sais pas ce que c'est que de perdre quelqu'un ? Je viens de passer trois ans de ma vie à tuer des gens et à voir la peine sur le visage de ceux à qui je venais annoncer la mort d'un proche. Ma petite sœur est morte, et tu crois que je ne sais pas ce que c'est ?! »
Il reprit son souffle. Izikel fixait l'herbe basse à ses pieds, honteux.
E • « Et bien tu te trompe. »
Le métisse donna un claquement de langue envers Rainbow et donna un coup sec dans la longe pour que le cheval le suive. Ce qu'il fit d'ailleurs. Izikel leva les yeux sur la silhouette du jeune homme et du cheval s'éloignant... Il avait perdu sa sœur ? Il ne l'avait dit à personne... Izikel était au courant que la famille du jeune homme vivait aux États-Unis, qu'il avait perdu son père dans un accident de voiture et qu'il ne restait plus que sa mère et sa sœur. Par contre... La mort de sa sœur...
C'est à ce moment là que le jeune homme se rendit compte d'une chose importante. Il y avait toujours un monde autour de lui et que ce dernier tournait encore. Il ne s'était pas mit sur pause. Les gens continuaient de vivre et de mourir. De faire des choses. La vie poursuivait son cours, et il ne pouvait rien contre ça. Il fit un moment les cent pas en réfléchissant avant de prendre le chemin des paddocks des jobs d'été. Rainbow était bien dans le sien, mais Ezra n'était plus là. Ni une ni deux, Izikel prit la route de l'élevage de Louna. Mais là encore, il ne trouva aucune trace du jeune métisse. Ni dans l'élevage de Liam... Il prit son portable et composa le numéro de l'irlandais. Sans succès. Il soupira. Où est-ce qu'il pouvait être ? Il prit la direction du manoir. Qui ne tente rien n'a rien !
Izikel tambourinait sur la porte du métisse. Sans succès. Quelqu'un fini par lui ouvrit mais Ezra n'était pas là. L'éthologue parcouru toutes les salles communes sans succès. Avant de passer un coup de fil à Myriam. La demoiselle, qui faisait une sieste, n'avait pas vu Ezra. Ce n'est qu'en revenant sur ses pas et en retournant dans l'élevage de Louna que Walig mit enfin la main sur le métisse. Il revenait avec Nakache, qui avait été laché dans un pré. Lovely Alibi était toujours dans son box du fond. Elle regardait les deux hommes, les oreilles plaquées dans ses crins en bataille et boueux. Pour l'instant, à part lui donner sa ration, personne n'avait rien fait avec elle. Maintenant que les sédatifs ne faisaient plus effet, la jument était une vraie furie.
Izikel se planta face au métisse, les mains sur les hanches, lui coupant toute retraite vers la sortie de l'écurie. Ezra referma doucement la porte du box, accrocha le licol sur son clou et se retourna pour faire face au jeune homme. Plongeant son regard sombre dans le sien. Il était toujours en colère. Après une bonne minute de silence, Izikel prit la parole d'une voix rauque.
I • « Je suis désolé. » E • « ... » I • « Je... »
Le jeune éthologue baissa les yeux et soupira, cherchant ses mots.
I • « Je ne savais pas que ta sœur... » E • « Était morte ? » I • « Oui... »
Izikel baissa de nouveau les yeux sans savoir quoi dire de plus. Le regard d'Ezra s'était radoucie quand à lui. Il décroisa les bras et s'appuya sur la porte de box du bai.
E • « Elle était malade. Elle est morte de sa maladie. » I • « Quand ? » E • « Il y a quelques semaines. » I • « Pourquoi tu n'as rien dit ? » E • « Ça n'avait pas d'importance. » I • « Si. C'était ta sœur. » E • « Tout le monde n'avait pas besoin de le savoir. Et on savait qu'elle allait mourir un jour ou l'autre. C'était seulement une question de temps. On y était tous préparé. »
Izikel soupira. Le rationalisme de son ami était ce qui l'avait toujours choqué le plus chez lui. Lui qui pensait être assez fort mentalement, il arrivait à peine à la cheville du métisse. Il s'en rendait bien compte dans ces moments là.
I • « Je suis désolé. » E • « Merci. Maintenant, est-ce qu'on va boire un verre ce soir ou est-ce que tu vas encore me poser un lapin ? »
Izikel releva les yeux vers Ezra. Il avait de nouveau un regard dur.
I • « Je viendrais. » E • « Alors on part à dix-neuf heure. Kwaïgon nous laisse sa voiture. »
Sur ce, le métisse fit le tour du moniteur et sortir, une longe à la main qu'il avait prit en passant. Il rentrait les chevaux un par un pour la ration du midi. C'est qu'il était presque l'heure avec tout ça. Le jeune homme soupira. Lui aussi ferait mieux de s'occuper des chevaux de Liam... La journée était loin d'être finie...
Les lumières de la cité des anges défilaient derrière les vitres de l'Aston Martin gris perle. Ezra, au volant, restait concentré sur la route sur laquelle il y avait pas mal de circulation. Le métisse s'en sortait très bien avec la sportive malgré tout. Peut-être qu'il avait l'habitude. Lui-même avait des doutes sur sa capacité à pouvoir maîtriser autant de chevaux mécaniques sous un même capot. Il était plus doué avec les chevaux naturels...
L'Aston se gara sans mal devant le bar qu'Ezra avait choisi. Il y avait d'anciens contacts et il pouvait y entrer comme il voulait. Izikel le suivit donc sagement. Ils passèrent devant la foule qui attendait et entrèrent, comme l'avait annoncé le métisse plus tôt. Izikel n'en était pas surprit. Son ami avait toujours été plein de ressources... Rapidement, ils s'installèrent à une petite table après être passer prendre deux pintes au bar. Ezra soupira en s'asseyant, fatigué de sa journée. C'est qu'il avait pas mal à faire tous les jours...
Ils trinquèrent et c'est finalement Izikel qui prit la parole le premier...
I • « Tu ne m'as jamais dit ce que tu faisais à Interpol... »
Ezra eut un faible sourire et reposa son verre après avoir prit sa première gorgée.
E • « Ça, c'est parce que je ne le pouvais pas. J'étais tenu au secret professionnel ! » I • « Comme les médecins ? »
Le métisse fut prit d'un léger fou rire.
E • « Oui c'est ça ! »
Chacun prit une gorgée de sa bière, Ezra soupirant, soudain las. Le souvenir de ces dernières années n'était pas si facile que ça à digérer. S'il avait quitté l'organisation, c'était à la fois parce qu'il en avait marre et qu'il voulait retrouver son ami d'enfance.
I • « Et maintenant ? » E • « Maintenant quoi ? » I • Tu es toujours tenu au secret pro ? »
Ezra sourit. C'était une question qu'on lui posait souvent. A vrai dire, il avait désormais le droit d'en dire un peu plus, mais pas tout non plus. La sécurité nationale de plusieurs pays dépendaient de son silence... Et en plus de ça, il avait prêter serment et en général, ces choses là duraient toute une vie.
E • « Toujours sur beaucoup de chose. » I • « Mais pas sur d'autres. » E • « Tu veux me faire parler ? » I • « C'est à peu près ça... » E • « Tu sais que c'est toi qui devrait parler plutôt ? »
Izikel sourit. Malgré tout, écouter quelqu'un d'autre et se vider l'esprit était aussi un moyen qu'il avait trouver de tourner l'éponge. Ezra faisait son possible pour que sa phase de deuil dure le moins longtemps possible... Tout en la respectant. Et pour l'instant, il avait quand même pas mal réussi. Une question d'habitude ? Il avait tellement côtoyé la mort en même temps... Il soupira encore, faisant tourner nerveusement son verre entre ses doigts. Il fini par prendre une grande inspiration et reprit la parole.
E • « J'étais agent de terrain dans une unité à faible effectif. Tout le monde nous appelait les « pèlerins », parce que notre emblème était un faucon pèlerin. Il a changé quand le directeur du bureau anglais a changé. Il voulait quelque chose de plus classe pour cette unité. Mais je suis parti avant que le vote n'ai lieu pour le changement... Enfin bref... C'était une unité un peu fourre tout. On récupérait des cas que personne ne voulait ou des dossiers trop importants pour qu'ils soient confiés à des « bleus »... » I • « Pourtant tu n'étais pas très vieux dans l'unité... » E • « Oui... Mais j'étais compétent. Et le chef d'unité avait déjà travaillé avec moi et il me voulait absolument... Et puis j'étais aussi le seul médecin du groupe, ce qui était plutôt utile. » I • « Tu m'étonne... » E • « On avait donc que des dossiers à la con... Des gens à retrouver, à abattre... Des meurtres irrésolus... » I • « Des gens connus ? A abattre ? » E • « Oui... C'était notre particularité. »
Izikel hocha doucement de la tête.
I • « Et ta sœur ? »
Ezra avala sa gorgée avec difficulté.
E • « Quoi ma sœur ? » I • « Je ne savais pas qu'elle était malade ! »
Ezra soupira. C'est vrai qu'il n'en avait pas parlé à Izikel. Il avait apprit la maladie de sa sœur quand il avait commencé ses études de médecine. C'est aussi un peu pour elle qu'il avait entreprit ces études là. Mais il avait aussi apprit au cours de ces années qu'il ne pouvait rien faire pour elle... De nouveau, il inspira en tripotant encore son verre.
E • « Une maladie orpheline... On l'a dépisté quand je suis entré en médecine... Il n'y avait rien à faire. Le médecin lui a donner cinq ans de vie, elle a tenu dix ans... »
Il s'arrêta et avala une grande rasade de sa bière. Ils avaient passés, avec sa mère, ces dix longues années à se préparer mentalement à cette perte tout en profitant des derniers instant à passer avec sa sœur. Elles avaient ensuite déménagées en Amériques pour leur sécurité quand Interpol l'avait recruté. C'était la procédure avec cette unité. Il ne le regrettait pas même s'il avait eu moins de temps pour voir sa petite sœur adorée. Izikel quand à lui soupira. La musique battait son plein en fond et une piste de danse avait été improvisée au centre de la salle. Deux cow-girl faisaient le show, ce qui donna le sourire au métisse.
E • « On les rejoint ? »
Izikel coula un regard curieux aux demoiselles. Elles étaient loin d'être moche. Il eu un léger sourire.
I • « Tu crois ? » E • « Mais oui aller viens ! Soit un homme mon fils ! »
Il bu le reste de sa bière d'une traite et se leva en donnant une tape sur l'épaule de l'éthologue. Izikel bu quelques gorgées et se leva timidement. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas danser de la sorte... Mais avec l'envie d'Ezra et sa joie communicative, la nuit promettait d'être longue...
J'ai 372 Lignes Box de Rainbow J'utilise mon dernier x2 ! =) Merci pour la correction !
Le jeune homme regarda par le porte vitrée du pavillon des chambres. Il devait sortir au dehors mais la pluie battante le freinait un peu dans ses convictions. Pourtant, il le devait, sinon, il allait être en retard. Il serra les dents, remonta le col de sa veste en cuir et le serra entre ses mains avant de sortir à petites foulées. Il mit peu de temps à rejoindre le bâtiment abritant l'élevage de Liam et il n'avait pas croisé grand monde sur les routes mi-boueuses mi-inondées. Quelle idée de venir ici ! Le nouveau directeur n'avait pas eu l'air de trouver mieux comme destination pour l'automne. Avec une écurie nomade comme celle-ci, il était pourtant aisé de passer toute l'année en plein été ! Il suffisait de choisir le bon hémisphère... Visiblement, pour lui, l'hémisphère nord de la planète n'était pas approchable à partie du 31 Août. Mais ça n'engageait que lui malheureusement...
Lima releva la tête en le voyant arriver, trempé et visiblement irrité par une chose qu'il ignorait. L'éleveur brossait avec soin Orcanta et caressait en douceur son ventre rond.
« Tu m'as l'air de bien mauvais poil. Mal dormi ? » « Non... C'est ce temps pourri... »
Liam sourit et retourna à sa jument avec calme. La palomino, un membre au repos, regardait Izikel avec douceur. La sagesse qui transpirait de son regard était presque communicative. En tout cas, elle apaisa de suite le jeune homme, qui fixa son regard bleu glacier dans le sien, sombre. Ils restèrent un moment à se regarder mutuellement, immobiles, comme se parlant en silence, juste par le regard. C'est Liam qui brisa cet instant hors du temps, un cure pied à la main.
« Tiens ! Aides moi au lieu de tomber amoureux ! Ton cheval débarque d'ici une demi heure au centre de soin. » « Au centre de soin ? Pourquoi pas directement ici ? »
Le moniteur attrapa le cure pied que lui lançait l'éleveur et ôta sa veste pour la pendre à la porte ouverte du box de la palomino. Avec calme, passant sa main sur son épaule, il se baissa ensuite pour prendre son antérieur droit et le curer. Il entendit l'éleveur soupirer et réfléchir à ses paroles.
« Il est ... vraiment atteint Walig... »
Un temps de réflexion suivit cette affirmation. Liam avait trouvé à Louna une jument avec un gros potentiel, mais anciennement battue. Son éducation était complètement à refaire. Mais le travail à accomplir n'effrayait pas l'éleveuse. Quand à lui, après la perte de Finwë, ils avaient tous convenu qu'il devait passer à autre chose et se jeter corps et âme dans un nouveau projet. Après avoir côtoyé un cheval à travailler durant tout l'été, Liam lui avait déniché un cas particulier. Arès... Le warmblood avait subi plusieurs traumatismes, avait été battu, abandonné et autres comportement qui avait engendrés en lui une haine absolue du genre humain. Mais pour lui éviter l'abattoir, le brun l'avait réclamé. Liam était un parfait "dénicheur de talent". Un scout pour chevaux. Mais à priori, il n'avait encore jamais eu affaire à un tel niveau de haine chez un cheval. Et il avait des doutes quand à la réussite de cette entreprise là. Mais Izikel avait donné son feu vert alors il avait filé droit devant. Seulement, le petit irlandais se rendait de plus en plus compte de la gravité de la situation. Et à vrai dire, il ne s'attendait pas trop à ça.
Le pansage de la palomino se poursuivit dans le silence. Liam avait rendez-vous au centre de soin avec elle pour une nouvelle échographie. Il en demandait une tous les mois, même si la vétérinaire en charge du dossier de la jument lui avait assuré que ça ne servait à rien. Mais Liam faisait cela plus pour la jument qu'autre chose ; il ne voulait pas qu'elle perde de nouveau le poulain et qu'elle retombe en dépression. Il ne savait pas s'il serait capable de l'en sortir cette fois-ci. En attendant, une fois le pansage terminé, il jeta sur le dos de la jument une couverture imperméable et attacha les sangles pendant que l'irlandais remettait sa veste. Ils allaient devoir courir un peu s'ils ne voulaient pas finir trempés !
« Prêts pour une douche ? »
L'éleveur sourit et mit la capuche de son sweat sur sa tête. Longe en main, il partit au dehors à petites foulées, suivit d'Orcanta au petit trot. Izikel suivit le couple mais un peu plus rapidement. Il n'avait pas de capuche pour sa part...
Le Haras semblait désert. Les carrières détrempées étaient désertées. A moins que tout le monde ne se soit entassé dans les manèges, il semblait que le Haras dans son entier avait gagné une journée de repos. Dans les paddocks du centre de soin, il n'y avait aucun chevaux, et que parler des prés... Tous les chevaux étaient au chaud dans leurs box et tous les cavaliers au chaud dans le manoir. Même Louna avait laissé une journée de vide à ses bêtes et passait la journée à regarder des films avec Myriam et Lou-Khyan. Ezra était parti en ville voir de vieux amis alors que Kwaïgon lisait au coin d'un feu en mangeant des pop corn... Seuls Izikel et Liam étaient sur le pied de guère, l'un pour emmener Orcanta chez le vétérinaire et l'autre pour accueillir son nouveau protégé...
« Bonjour ! Vous êtes courageux de venir par ce temps ! » « Il le faut bien ! »
La demoiselle leur sourit et caressa le bout de nez humide de la jument. Cette dernière soupira fortement, bien contente d'être arrivée à l'abri.
« Et vous, vous venez pour Arès ? » « Oui... » « Le camion a un peu de retard, ils ont eu des soucis à l'aéroport... Je pense qu'ils seront là d'ici une demi heure. Vous voulez venir avec nous pour cette charmante demoiselle ? »
L'éthologue soupira et jeta un oeil à Liam. Celui-ci haussa des épaules avec un doux sourire et cette bienveillance que l'on retrouvait dans les yeux de la jument dans le regard.
« C'est comme tu veux. » « Non... Je vais vous attendre là. » « Ok ! » « A toute à l'heure alors ! »
Après quelques sourires échangés, le trio se dirigea vers une salle d'examen alors que l'irlandais ôtait sa veste et s'asseyait sur une cantine de étal, face à la porte grande ouverte, le dos appuyé contre le mur...
Il fixait le rideau de pluie qui barrait la porte, telle une porte close. Les jambes tendues vers l'avant, les mains glissées dans les poches de son jean humide, il attendait, les yeux dans le vague, les pensées vagabondes. De temps à autre, le brouhaha silencieux de la pluie était percé par un hennissement lointain, mais il n'y avait guère plus de bruit. Le temps avait l'air suspendu en cette fin d'après-midi. Même si la nuit tardait à tomber, la journée s'essoufflait. Il n'espérait qu'une chose, c'est que la pluie cesserait dans la nuit...
De l'autre côté du Haras, un camion noir passait les lourdes grilles en fer forgées de l'entrée. Il ne portait aucune marques et roulait à faible allure. De temps à autre, il était secoué de gauche à droite et émettait des bruits sourds. Les coups du cheval en colère résonnaient dans son antre. Le conducteur faisait son possible pour ne pas bousculer le cheval, libre dans l'immensité de la boîte roulante. Il mâchait nerveusement un bâton de réglisse en se concentrant sur la route. A côté de lui, son fils de quinze ans regardait avec anxiété dans le rétroviseur. Roux et donc blanc de peau, il était encore plus pâle avec le trajet, ce qui lui donnait des allures de fantôme. Il n'avait pas échangé un seul mot avec son père depuis qu'ils avaient prit la route depuis l'aéroport d'Heathrow. Et pour cause... Ils avaient le diable réincarné en cheval dans leur camion. Une fois rentré chez eux, ils auraient de la chance s'ils ne seraient pas obligés de le brûler. Il serra les dents alors que son père prenait un virage à 90°, suivant le panneau "Centre de Soin". Un coup plus sourd encore précéda un grand silence. Cette fois, la terreur s'empara de lui. Mais au bout de la rue, le centre de soin se dressait entre les gouttes et deux personnes se tenaient dans l'entrée. Une avec une blouse blanche, et l'autre avec une veste en cuir...
Le camion s'arrêta à quelques mètres du bâtiment de soin. Liam était déjà parti avec Orcanta. Le futur poulain de la jument se portait à merveille, et elle aussi. Plus que quelques mois à attendre désormais pour l'éleveur... La vétérinaire ouvrit son parapluie et parti à la rencontre du conducteur qui s'approchait en courant sous la pluie battante. Ils discutèrent un instant avant que chacun retourne d'où il venait.
« Il va manoeuvrer pour mettre le camion dans le paddock du fond. »
Izikel hocha la tête et suivit la vétérinaire qui guidait le camion. Il l'aida à ouvrir la lourde porte en bois pour que le camion entre en marche arrière dans le paddock. Seulement d'un mètre, cela suffisait. À l'intérieur, le calme était revenu. Le conducteur s'approcha de la vétérinaire et Izikel.
« Bonjour ! » « Bonjour ! » « Excusez mon fils, il a une peur bleue de ce canasson... » « Ce n'est pas grave. Le voyage s'est si mal passé ? » « S'il s'est mal passé... Je ne dirais pas ça m'dame, mais on s'est fait pas mal de frayeurs sur la route ça oui... »
Dans le camion, comme pour témoigner de ces mots, l'étalon s'ébroua de nouveau, faisant trembler toute la carlingue du véhicule.
« Vaut mieux le sortir de là... » « Je pense oui... » « Restez là, je vais ouvrir le camion. Il va sortir tout seul. »
Il acquiescèrent et se serrèrent sous le parapluie, devant les hautes barrières de bois brunes. La paddock était entouré par le bois sur deux de ses côtés. Un troisième donnait sur un box isolé du centre de soin et le dernier sur un large chemin boueux qui séparait deux paddocks. Le conducteur du camion lutta un instant contre la boue et fini par ouvrir les sécurités, puis laissa tomber lourdement la porte au sol. Des éclats de boues furent projetés un peu partout, mais ce n'était rien comparé à la furie qui déboula dans le paddock. Le conducteur sauta de suite dans l'habitacle du camion et referma la porte de l'intérieur avant de rejoindre les deux autres au dehors.
Le spectacle que le jeune homme avait sous les yeux était désolant. Tout d'un coup, toutes ses convictions s'étaient envolées. Il ne se sentait plus capable de rien. Il resta bouche bée un instant, fixant cette bête apeurée et affolée galoper rageusement dans le paddock à la recherche d'une issue. La pluie ne le dérangeait pas outre mesure apparemment. Mais à ce moment là, elle ne dérangeait pas non plus le jeune homme.
« Vous refermez la porte pendant que j'avance le camion ? » « Oui. »
Le camion avança alors que la porte grinçait sur ses gonds. L'étalon observa la scène de loin avant de charger l'éthologue. Il vira au dernier moment avant de rentrer dans la palissade et reparti de bon train vers le fond, sous le couvert des arbres. Pendant ce temps là, les humains échangèrent des banalités et le camion reprit la route, avec des passagers au coeur plus léger.
Quand à Izikel, il suivit la vétérinaire à l'intérieur du centre de soin. Là, ils se postèrent devant une fenêtre donnant sur le paddock. La demoiselle la fit glisser sur son rail pour l'ouvrir, de façon à ce qu'ils aient une meilleure vue de l'étalon. Ce dernier trottait dans tous les sens, désorienté et hargneux. Le jeune homme soupira, ne trouvant pas grand chose à dire devant l'état dans lequel était le cheval. Il jeta finalement un oeil à ses papiers, que lui tendait la vétérinaire. Une chose l'interpella...
« Ils se sont trompés sur les papiers... » « Comment cela ? » « Il est marqué comme tovero et... »
Le jeune homme releva les yeux sur l'étalon. Il était d'un marron uniforme, mélange de boue plus ou moins sèche, de crasse et d'autres choses non identifiées. En y regardant de plus près, on pouvait deviner ses côtes et son garrot était très marqué. De même que son encolure était creusée et sa croupe bien fine. Ses épaules avaient légèrement fondues. Ses crins formaient des dreadlocks de boue et de crasses, de même que ses crins, qui étaient arrachés en touffes à certains endroits. Ses pieds étaient couverts d'une épaisse couche de boue. Le jeune homme constata non sans une certaine appréhension que ses vaccins n'étaient pas à jour et qu'il n'avait pas du voir un maréchal depuis plusieurs mois. Il était dans un état plus que pitoyable... Comment allait-il faire ? Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire de ce cheval ? Non... Il ne pouvait pas. Il n'avait qu'à le rendre, et l'oublier. Il ne demanderait même pas de remboursement... C'était...
La vétérinaire était parti en voyant le constat que le jeune homme faisait en même temps qu'elle. Elle avait du travail en plus de ça. L'irlandais était là, les mains dans les poches de sa veste, à fixer l'étalon. Lorsque les lumières extérieures s'allumèrent, il ne voyait déjà presque plus l'étalon, qui s'était tapis dans l'ombre des arbres. La pluie avait cessé, laissant derrière elle l'odeur caractéristique de la terre et l'herbe mouillée. C'est Liam qui brisa doucement le silence, dans le dos du jeune homme.
« Izikel... Viens. On verra demain. »
Le jeune homme se retourna pour faire face à l'éleveur au regard grave. Mais en y regardant bien, une lueur de bienveillance et d'excitation brillait au fond de son regard quand il regardait l'étalon dans le paddock. Oui... Liam avait confiance en son choix. Et plus que tous, il avait hâte que le travail commence...
La journée avait déjà été laborieuse, et elle n'était pourtant pas terminée. La pluie, qui avait menacée leurs têtes tout au long de la journée, tombait désormais aussi drue qu'il était possible de l'être et mettait à mal les meilleurs parapluies. C'est sur cette note humide qu'Ezra avait abandonné l'affaire, et avait quitté les lieux avec Kwaïgon, laissant Liam et Izikel seuls. Les deux hommes traversèrent en courant la cour intérieure du centre équestre et s'engouffrèrent, non sans soulagement, dans l'écurie où séjournait leurs chevaux. Avec le départ de Louna à Chicago et l'absence de Myriam, les hommes se voyaient débordés de travail. D'autant plus que Logan n'était pas non plus disponible tout le temps, donnant encore des cours au club. Quand à Lou-Khyan, elle avait profité du voyage de Louna pour aller rendre visite à sa famille. Et son absence se faisait sentir mine de rien.
Liam s'arrêta sur le seuil et se pencha en avant, mains sur les genoux, pour reprendre son souffle. Ils venaient de faire un sprint de cent mètres sous la pluie et il n'en avait plus vraiment l'habitude le trentenaire ! Izikel se laissa glisser contre la porte du box de Nara, première de l'allée, avec un sourire aux lèvres.
« J'adore ce genre de courses ! »
Liam lui jeta un regard en coin en se relevant, époussetant son pantalon d'équitation gris foncé et remonta le col de son polo rouge pour se protéger des courant d'air.
« T'es bien le seul ! »
Le jeune irlandais rit un peu en se relevant, à l'aide de la main tendu de Liam. Il portait son habituel pantalon noir, que Liam le savait en de nombreux exemplaires, et un pull léger ample d'un bleu acier qui faisait ressortir ses yeux. Il avait laissé pousser ses cheveux qui lui tombait avec nonchalance sur les yeux, mais cela n'avait pas l'air de le déranger. Le soleil de l'été lui avait laissé quelques mèches blondes, teintant son brun hivernal de reflets dorés.
« Tu prends Nara alors ? » « Oui, ça lui fera du bien de vraiment travailler un peu. Et puis elle est encore loin du terme, je pourrais mieux constater son état de forme. » « Très bien. Comme convenu je prends Great alors... » « Cool ! »
Le jeune homme sourit tout en se penchant sur son sac de pansage. Il attrapa un bouchon et entra en délicatesse dans le box de la douce Nara, alors que Liam faisait de même avec Great Cashemire, cinq portes plus loin. La jument était calme dans son box, comme à son habitude. Elle n'avait pas été mise au pré dans la journée et sa robe était donc nickel. Le jeune homme se contenta de la dépoussiéré d'un coup de bouchon avant de se pencher sur ses pieds. De l'autre côté de l'écurie, un bruit sourd retentit, puis le sifflement strident d'un Liam mécontent. Apparemment, Great se calma aussitôt. Quelques minutes plus tard et après avoir passé un licol éthologique à Nara, Izikel la sortait dans l'allée et farfouillait dans son sac à la recherche d'une cordelette. La pie ne bougeait pas et attendait patiemment que son cavalier ne reprenne la marche en avant. Avec son ventre rond, elle ressemblait plus à un grand poney qu'à un cheval athlète. Mais cela n'empêchait nullement le cavalier de la chérir. Il trouva enfin sa cordelette et l'ajusta autour de l'encolure de la jument, avant de transformer deux longes en rênes improvisées. Il attrapa son stick et se dirigea vers le manège attenant à l'écurie, bien content de ne pas devoir ressortir sous la pluie battante du dehors.
« Je vais au manège, tu m'y rejoins ? »
Liam sorti du box avec un fin sourire sur les lèvres. Il enfila ses gants, ouvrant grand la porte du box du bout du pied. À l'intérieur, Great était sellé et bridé et n'attendait plus que de sortir.
« Ouep ! »
Le jeune éthologue sourit en reprenant la marche avant, frottant son stick entre ses mains pour se réchauffer. Nara, libre comme l'air, ne prenait pas pour autant la poudre d'escampette et suivit son cavalier d'un pas intéressé. Izikel ne se dirigea pas de suite vers le centre du manège. Il se mit sur la piste, marchant à quelques pas devant Nara, qui le suivait toujours aussi sagement. Quand elle ralentissait, le jeune homme donnait un coup de langue qui la remettait en avant. Ils firent ainsi un demi tour de manège en attendant que Liam arrive -ce qu'il fit quelques minutes plus tard. Une fois Nara arrêté au milieu, Izikel la laissa là et alla refermer la porte du manège. Le manège était entièrement clos et une fois la porte refermé, il n'y avait plus de courant d'air. Ce qui réchauffa considérablement l'atmosphère ! Les vêtements encore humide du garçon lui collait encore à la peau et avait refroidi, ce qui n'était pas spécialement agréable. Il alluma tous les spots et revint finalement vers la jument, emportant au passage le montoir de Liam qui s'était mit en selle. Il réglait ses étriers tant bien que mal avec un Great qui avait décidé qu'il ne voulait pas travailler. Et pour le faire comprendre à son cavalier, il ne cessait de bouger. Liam le reprenait dès qu'il engageait un mouvement, mais il avait toutes les peines du monde à le garder immobile. Nara elle, restait sage et n'avait d'yeux que pour son cavalier. Cavalier qui se glissa en douceur sur son dos, appréciant le contact du corps chaud de la pie sous ses fesses. Bras croisés sur son torse, stick sous le bras, il donna seulement un claquement de langue et la jument parti en avant. Il tourna les épaules et plaçant sa jambe extérieure pour l'incurvation, il indiqua à la jument de prendre la piste à gauche. Ce qu'elle fit sans problème, baissant le nez par habitude, détendant ainsi son dos. Il pouvait difficilement faire jument plus détendu !
« Great ça suffit maintenant ! »
La voix sifflante de Liam fit se retourner le jeune homme. Nara suivit inconsciemment le mouvement et entama un demi cercle à l'intérieur, ce qui ne perturba pas outre mesure le jeune homme sur son dos. Liam s'était remit au pas après avoir donné un léger coup dans les dents de Great. Celui-ci reprit un semblant de calme mais on voyait bien qu'il était bouillonnant.
« Il est si chiant que ça ? » « Il est infect pour l'instant... »
Izikel eut une moue compatissante. Le dos rond sur Nara, il la laissait aller là où elle le souhaitait. Liam pour sa part tentait de garder Great Cashemire au pas, ce qui était compliqué. Au bout de cinq minutes de trottinement, il lui céda finalement et prit un trot compact et petit. Nara et Izikel, toujours au pas en piste intérieure, allaient joyeusement. Nara avait relevé le nez et marchait d'un pas un peu plus vif, indiquant par là que sa gestation ne l'avait pas rendue si mollassonne que ça et qu'elle était disposée à travailler. L'irlandais se redressa donc et prit ses rênes improvisées d'une main, le stick dans l'autre, côté intérieur. Il entama divers cercles plus ou moins large, alternant incurvation et contre incurvation, ainsi que le chassé des hanches. Nara se prêtait au jeu sans problème. Bien qu'un peu rouillé par quelques mois sans travail, elle avait de très bons restes et la reprise ne serait pas si difficile que Louna le pensait. Ce qui était déjà un bon point.
Liam alternait les voltes et les cercles, ne laissant jamais à Cash plus de quelques foulées de ligne droite. L'étalon se pliait pour l'instant aux volontés de son cavalier, mais Liam devait souvent se battre contre lui. Walig pour sa part prit enfin le trot. Un petit trottinement sage de la part de Nara. Il continuait de l'incurver sur les courbes et variait les direction, sans pour autant embêter Nara sur des précisions et des détails. Dans son dos, un bruit sourd retentit suivit d'un couinement aigu. Le martèlement caractéristique du cheval au galop se rapprocha de lui. Il tourna la tête juste à temps pour voir Great décocher deux belles ruades d'affilée et Liam tomber lourdement par terre. Nara se stoppa net et coucha les oreilles en arrière quand Great se stoppa dans un coin derrière elle. Izikel se laissa glisser par terre et s'approcha de Liam à petites foulées. Le cavalier s'était assit, les jambes étendues et les bras tendus derrière lui. Il regardait l'étalon bai d'un air désespéré.
« Ça va ? »
Liam poussa un soupir et releva la tête vers Izikel en tendant la main pour que l'irlandais l'aide à se remettre sur ses pieds.
« Ça va... Je vais le faire courir un peu, tu reste au milieu avec Nara ? » « Pas de soucis ! »
L'irlandais émit un petit sifflement court qui fit relever les oreilles de la pie. Elle prit aussitôt le pas en ronflant des naseaux et rejoint Izikel au centre du manège. Le jeune homme sourit, fier de la petite jument et se perdit en papouilles et câlins pendant que Liam récupérait Great. L'étalon était d'ailleurs tout tremblant. Il ne s'attendait pas à ce que son cavalier se retrouve par terre sans doute. Liam croisa les étriers sur la selle et coinça les rênes dedans, avant de revenir au centre en récupérant son stick. Quelques secondes plus tard, l'étalon galopait furieusement en un large cercle autour du trio central, lançant des coups de cul régulièrement. Liam ne lui laissait aucun répit et le relançait régulièrement.
C'est sur cette image que qu'Ezra et Kwaïgon ouvrirent le battant du haut de la porte du manège. Ils saluèrent Izikel et attendirent que Liam laissa Great reprendre le pas pour entrer.
« Oulà !? T'es tombé Liam ? » « Il faut croire que oui ! »
Izikel et Ezra échangèrent une grimace avant que Kwaïgon ne reprenne, toujours aussi impassible que d'ordinaire.
« On a une bonne nouvelle ! » « Ah ?! » « Full Horse ré-ouvre officiellement ses portes ! »
Liam sourit et tous échangèrent des regards complices.
« Commencez à faire vos valises les enfants, on part dès que possible ! »
La neige collait aux carreaux, sans pour autant impressionner le jeune homme. Ses traits fins se reflétaient dans la vitre, lui donnant des airs fantomatiques. Son pull noir tranchait avec ses yeux clairs, les rendant plus clairs encore qu'ils ne l'étaient déjà. Il fixait la cours humide au dessous de lui, les yeux dans le vague. Certaines mèches de ses cheveux, qui brunissaient avec l'hiver, lui retombaient devant les yeux. D'un geste habitué il les repoussa, glissant de nouveau la main dans la poche de son jean gris sombre par la suite. Il ne mourrait pas d'envie de sortir mais il n'avait pas le choix. Les chevaux n'attendent pas. Prenant son courage à deux mains, il enfila son manteau et quitta sa chambre pour rejoindre les paddocks...
Ils étaient tous les deux sous la neige et se faisaient face. L'étalon, bien campé sur ses quatre sabots couvert de boue, fixait l'homme d'un regard méfiant. Le cavalier, accroupi à moins d'une dizaine de mètres de lui, le fixait également, en essayant d'ignorer la neige qui, se transformant en pluie, lui transperçait le corps et lui glaçait les os. Ils étaient ainsi depuis une petite dizaine de minutes et aucun n'avait l'air de vouloir bouger. Lorsque le jeune homme était arrivé, le pie lui avait directement fait face et menacé. Izikel s'était alors stopper et accroupi, observant l'étalon. Il avait plutôt été étonné par cette agressivité. Il s'attendait à ce que l'étalon le fuit, mais il n'en était rien. Il avait donc eu besoin d'un temps de réflexion, d'où cette position malgré la pluie. Il ne savait pas trop comment approcher l'animal, malgré toutes les méthodes qu'il connaissait. Mais il allait bien falloir qu'il prenne une décision ; il ne pouvait pas rester ainsi accroupi indéfiniment. Il fini par soupirer et faire un choix.
Avec une infinie précaution, il se releva, sans quitter des yeux l'étalon. Le pie leva la tête, menaçant, mais sans pour autant bouger les pieds. Il n'attaquerait pas. Pas temps que Walig ne le fasse pas le premier. Et il se gardait bien de faire une telle chose. Il tendit amicalement la main vers le pie. Ce dernier fit un pas en arrière, retroussant un peu les lèvres et couchant encore plus les oreilles sur sa nuque. Il se décala, coincé par la barrière et laissa découvrir ses flancs. Il ne devait pas beaucoup toucher à ses rations... Malgré la couche de boue épaisse qui maculait sa robe, il était facile de voir ses côtes et divers autres os de son corps. S'en était presque désolant... Le moniteur soupira encore et dirigea lentement la main vers sa poche. Il en sorti plusieurs friandises qu'il présenta à l'étalon. Mais il en fallait à priori un peu plus pour l'amadouer. Izikel les lança un à un à côté du pie sans grand succès. Il attendit un moment avant de prendre le chemin de la sortie. Après quelques mètres, il jeta un oeil à l'étalon ; il mangeait les friandises. Rien n'était perdu au final !
***
Il sangla rapidement en évitant un coup d'antérieur mal placé. La voix ferme et colérique du jeune homme retentit dans l'écurie.
« Hey oh ! Ça aurait pu être mon pied là dessous ! »
Priam renâcla mais ne menaça pas plus le jeune homme. Il pu ainsi terminer de le harnacher sans autres protestation équine ! Louna lui avait demandé de monter un peu l'étalon pour le sortir de ses habitudes et lui faire faire un peu de plat. Non pas qu'elle n'ait pas le temps, mais pour que l'étalon ne se lasse pas de ses journées. Il avait accepté sans broncher. Après tout, monter un peu ne lui ferait pas de mal, surtout sur un étalon de la trempe de Priam. Par contre, malgré les demandes de l'éleveuse, il avait décidé d'axé sa séance sur de la gymnastique, pour améliorer sa souplesse et son équilibre. Après s'être changé et réchauffé, il avait donc prit le chemin de l'élevage de la demoiselle pour préparer sa monture du jour. En arrivant il avait trouvé les lieux presque vides. Nara était sans doutes au pré avec ses poulains ; Bill et Caraanu n'étaient pas dans leurs boxes non plus, sans doutes au travail avec leurs propriétaires respectifs. Il n'y avait en tout cas pas l'ombre d'un cavalier, seulement des chevaux.
Le jeune homme termina de régler le pessoa de l'appalooz et détacha finalement le licol de son encolure.
« Bon ! Ben on va pouvoir y aller ! Prêt grand ? »
L'étalon pointa ses oreilles sur la porte pour toute réponse en levant la tête un peu plus haut. Et avant même que le garçon n'entame la marche avant avec sa monture, Ezra passait la porte de l'élevage en courant. Izikel lui sourit, plutôt content de le voir.
« Ouh ! Quel temps ! A-ffreux ! » « A qui le dis-tu ! Moi qui pensait à la carrière, c'est loupé ! » « Ah ben ça... Priam aujourd'hui ? » « Oui ! Et toi ? Tu montes ? On peu t'attendre si tu veux. » « Je ne monte pas ! Mais je venais m'occuper de Nakache. Séance de longe pour cette fois. » « Bonne séance alors ! » « Merci toi aussi ! »
Les deux hommes échangèrent un sourire et Izikel entraîna finalement sa monture au dehors, pressant le pas pour rejoindre le manège sans passer trop de temps sous la pluie...
Le manège était certes occupé, mais par seulement deux cavaliers. Izikel ne les gênerait pas donc pas en son travail. Il se mit en selle dans un coin en s'aidant d'un plot et laissa Priam marcher rênes longues. Le gris baissa instinctivement le nez, sans prendre garde à ce qui se passait autour de lui. Restant en piste intérieure, le jeune homme régla ses étriers avec calme. Il finit par observer les alentours en se remettant droit. Une petite ligne de quatre barres était monté sur une ligne de quart de longueur. Parfait ! D'autant plus que c'était justement ce dont il avait besoin ; Un saut de puce, une foulée puis un petit vertical, deux foulées et un oxer. Le tout à moins d'un mètre de haut donc il n'aurait pas besoin d'ajuster les barres. Alors qu'il ajustait doucement ses rênes, un des deux cavaliers parti, saluant respectueusement les deux restant. Après un coup d'oeil à l'autre cavalier, le jeune homme en déduisit qu'il ne sauterait pas, ses étriers étant trop long. Mais il préféra tout de même demander confirmation.
« Excuses-moi ? » « Oui ? » « Tu vas sauter ou pas du tout ? » « Non pas aujourd'hui. Toi oui ? » « C'est ce que j'ai prévu oui. » « Je ferais attention alors. » « Merci. »
Il ne le connaissait pas mais il avait l'air d'un type sympa. Ils échangèrent un sourire amical avant que chacun ne se re-concentre sur sa monture. Le jeune irlandais fini par demander le trot à Priam, le sentait assez détendu et à l'aise pour ça. L'étalon ne se fit pas prier pour prendre l'allure supérieure ! Il avait l'air d'être dans un bon jour, ce qui ne déplaisait pas au garçon. Car un Priam qui ne voulait pas travailler était souvent synonyme de chute. Ils firent une bonne détente au trot durant une quinzaine de minutes, variant l'amplitude de l'allure et les figures. Le jeune homme n'avait pas trop chercher à embêter l'étalon sur des détails, cherchant seulement à l'avoir placé et garder une allure active. Mais ce dernier point était plutôt simple, l'étalon ayant des allures naturellement active et se portant tout seul vers l'avant. Pas besoin de le pousser beaucoup au final. Il entama ensuite sa détente au galop, un peu chaotique au début mais il reprit vite l'étalon et tout se passa pour le mieux. Il variait souvent en demandant beaucoup de transitions et changeait souvent de figure. Il termina par quelques déplacements à chaque allures et laissa ensuite l'étalon souffler un peu rênes longues.
Après cinq bonnes minutes de pause, le jeune homme reprit ses rênes et le trot, pour se diriger avec souplesse vers la ligne d'obstacles. En suspension sur ses étriers, près de sa selle, il suivait les mouvements du cheval en douceur, les mains légères sur ses rênes et le regard tourné vers la ligne. Une mèche de cheveux lui barrait le front, mais il regardait au travers. Il avait la méchante habitude de ne jamais mettre de bombe, ce qui agaçait profondément les autres membres de l'équipe. Mais il s'en fichait. Son côté inconscient qui parlait sans doute. L'étalon pointa les oreilles dès qu'il vit la ligne de barre et allongea un peu l'allure. Il était motivé au moins ! Il passa la double croix du saut de puce comme si c'était un jeu d'enfant, enchaînant avec souplesse et adresse, tel le cheval fort habitué de ces choses là. Il prit naturellement le galop par la suite et le jeune homme le laissa faire, le suivant bien avec ses mains et son corps. Le vertical venait très vite mais Izikel conserva sa position en équilibre pour ne pas gêner le Knabstrup dans ses sauts. Puis deux foulées et l'oxer, qu'il passa sans plus de mal que les premiers. Le jeune homme sourit, en se penchant doucement sur l'encolure de l'étalon pour le féliciter. Ce dernier tomba de lui-même dans le trot et réclama des rênes que l'irlandais lui donna volontiers.
Lorsqu'il releva les yeux du cheval, le jeune homme croisa le regard noir de Louna. La jeune femme était dans les gradins, les bras croisés sous sa poitrine et elle avait l'air pour le moins furieuse. Le garçon prit grand soin de l'éviter et reprit la direction de la ligne en remontant sur ses rênes, tout sourire ayant disparu de son visage. Il refit exactement le même passage que le premier, Priam se prêtant au jeu avec un semblant d'amusement. L'étalon s'articulait même mieux autour de ses barres et faisait moins d'a-coups lors de ses abords et ses réceptions. Il devenait plus léger dans ses gestes, gérant tout seul ses sauts, Izikel étant là seulement pour le garder droit. Cette fois, le jeune homme prit le pas à la sortie et rendit les rênes à l'appalooz, qui était vraiment d'une humeur idéale. Le jeune homme balaya le manège du regard, mais il n'y avait plus de Louna dans les parages. Le jeune homme soupira. Il savait pertinemment qu'il allait se faire engueuler quand il rentrerait l'étalon. Pourtant il ne faisait rien de mal ! Priam était dans une forme olympique et ne demandait que ça, pourquoi l'en priver ?
Il cherchait une parade quand son téléphone vibra dans sa poche. Il sorti la petite machine de sa prison de tissu et observa l'écran. « Liam ». Pourquoi l'appelait-il donc ? Il ne le faisait jamais, attendant de le croiser dans les écuries ou le manoir. Interloqué, le jeune homme répondit, laissant toute liberté à Priam, faisait seulement attention de ne pas déranger l'autre cavalier.
« Allô ? » « Walig ! Enfin tu réponds ! Où es-tu ? » « Au manège près de... » « Peu importe ! Il faut que tu vienne tout de suite au centre de soin, il y a eu un problème avec Arès. »
Le sang du jeune homme ne fit qu'un tour. Il raccrocha et remonta sur ses rênes, son téléphone toujours dans la main. Un problème avec Arès ? Qu'avait-il donc bien pu se passer avec ce cheval ? Il sauta à terre près de la porte et fila au dehors, Priam sur ses talons...
***
Le jeune homme entra au petit trot dans le centre de soin et mit pied à terre dans le hall. Liam faisait les cent pas devant un petit bureau d'accueil et dès qu'il vit le cavalier, il s'approcha à grandes enjambées.
« Walig ! » « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » « Pfff... Une connerie humaine, voilà. C'est un groupe de l'écurie adverse. Ils ont mis un cheval dans le paddock d'Arès malgré le panneau près de la porte... Un étalon en plus... Les chevaux se sont battus, Arès s'est cabré et à un moment, il a glissé. Il s'est retourné et est retombé sur la barrière de bois. Heureusement les lattes de bois ont cédées, je suis arrivé à ce moment là, je te cherchais pour autre chose... »
Le moniteur était livide. Il avait déjà perdu un cheval, ce n'était pas le moment d'en perdre un autre. Il allait demander des précisions sur l'état de son cheval quand un vétérinaire en blouse de bloc opératoire s'approcha d'eux.
« Vous êtes le propriétaire d'Arès ? » « Oui... » « Parfait ! Bon... Ça va. On a évité le pire. Il s'est quand même bien entaillé le flanc et l'épaule. Ça n'a pas été évident de nettoyé avec toute la boue mais on a fait le nécessaire. Il a une quinzaine de point en tout, cinq sur l'épaule et dix sur le ventre. » « Et... Dans quel état il est ? » « Épouvanté. On l'a endormie pour les soins et là il est en box isolé pour le réveil. Il va rester là pendant quelques jours, le temps que les plaies cicatrisent. Je sais que ça ne va pas être facile, déjà qu'il était dur, il va l'être encore plus... Je pense qu'on sera obligé d'utilisé des tranquilisants pour changer les pansements. » « Je viendrais. Je pourrais en profiter pour le panser ? » « Oui bien sûr ! Ça nous aiderait bien d'ailleurs... » « Je pourrais aussi venir lui donner ses rations ? » « Tout ce que vous voulez ! On commence les tournées de soins le matin à neuf heures. Venez avant pour la ration et vous pourrez être là pour les soins en plus. Mais là... On ne commencera que demain matin, on va simplement le surveiller maintenant. » « Ok... Merci... » « Pas de soucis. À demain alors. » « À demain. »
Ils échangèrent des sourires polis et le vétérinaire s'éloigna. Priam était rester sage tout le temps de l'échange, et Liam aussi d'ailleurs. Le jeune homme aurait bien voulu voir son cheval, être là à son réveil, mais le vétérinaire avait sans doute raison. Il allait être assez désorienté comme ça et il était entre de bonnes mains. Liam lui serra affectueusement l'épaule et le tira doucement en arrière.
« Aller viens, tu reviendras demain matin. »
Izikel se contenta d'acquiescer et suivit sagement l'éleveur, Priam sur ses talons.
***
Comme il s'y attendait, Louna l'attendait de pied ferme devant le box de Priam. L'étalon trottait avec souplesse derrière Izikel et Liam qui courrait sous la pluie. Elle n'était pas si forte que cela mais on ne peut plus désagréable. Les deux hommes et l'équidé s'engouffrèrent d'un coup dans l'allée dont les deux grandes portes étaient ouvertes malgré la pluie. À peine eurent-ils reprit leurs esprits que Louna leur tombait dessus. Ou plutôt lui tombait dessus.
« Je t'avais demandé de le travailler sur le plat ! »
Elle tendit la main et attrapa avec une certaine violence les rênes de l'étalon qui secoua vivement la tête. Visiblement, il n'aimait pas du tout ce changement de ton et la tension de l'air et il le montrait. Pour l'instant, toutes ces petites péripéties lui avait plus mais visiblement, la tournure de sa journée ne le satisfaisait plus du tout. Izikel quand à lui n'avait guère envie de se battre. Il était encore trop perturbé par ce qui venait de se passer pour répliquer quoi que se soit à la demoiselle. D'ailleurs, voyant qu'il ne répondait rien, elle entraîne le cheval jusqu'à son box avec un soupir, s'attelant à lui enlever tout son harnachement. Priam n'était pas mécontent de se retrouver dans son chez lui et mit directement le nez dans sa ration de foin, qui l'attendait patiemment. Sans un mot, il aida Liam à ranger le matériel à la sellerie, s'occupant de rincer le mors et de le sécher avant de replacer le filet du gris sur son crochet. Mais quand il voulut sortir, Louna était de nouveau là, dans l'encadrement de la porte, les mains sur les hanches, avec ce regard noir qui ne la quittait plus à chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui.
« C'est si difficile que ça de faire ce que je te demande ?! Je t'ai dit que je ne voulais pas le lasser ! » « Il n'était pas las... Il était même content de sauter... Et puis c'était rien du tout comme hauteur ! » « Mais je m'en fiche des hauteurs Izikel ! Tu n'as pas fait ce que je te demandais ! »
Le jeune homme soupira en se pinçant l'arrête du nez. Il en avait marre que la demoiselle lui retombe sans arrêt dessus. À croire qu'il était devenu son bouc émissaire depuis qu'elle était avec Enzo. Et il commençait à perdre patience. Liam ne disait rien, regardant la scène avec un certain étonnement dans le regard, ne comprenant pas trop ce qu'il se passait. Finalement, le jeune homme reprit d'une voix toujours aussi calme, tout à coup fatigué par tant de hargne envers sa personne.
« Écoute, on peut parler de ça un autre jour ? J'aimerais aller manger quelque chose et me reposer... » « Non, on ne peut pas en parler un autre jour. J'en ai marre que tu ne fasse jamais ce que je te demande. Je ne veux plus que tu t'occupe de mes chevaux pour l'instant ! »
Cette fois, le moniteur ne su quoi répondre. Il écarquilla les yeux, se demandant bien quelle mouche avait piqué la jeune femme cette fois. C'est pourtant elle qui avait demandé cette séance pour Priam et maintenant elle le lui reprochait ? Le problème ne venait pas de la séance mais de lui. Et même s'il le savait depuis un moment, il se rendait bien compte que le problème c'était lui et non ses actes.
« Tu ne veux plus que je monte tes chevaux ? » « C'est ça. »
Le jeune homme eut un petit rire jaune et leva un instant les yeux au ciel en posant les mains sur ses hanches alors que Louna croisait les bras, en signe de défense. Le regard toujours aussi noir, elle ne cessait de fixer le jeune irlandais. Quand il reprit la parole, un rire nerveux était collé à son visage et son ton cynique tranchait avec sa nature d'ordinaire douce.
« Bien. Parfait même ! De toute façon tu ne voulais pas de moi dans cette équipe depuis le début, je ne sais même pas pourquoi tu as tant voulu m'intégrer. Par pitié peut-être ? Et bien tu sais quoi ?! Je n'en veux pas de ta pitié, tu peux te la garder. De toute façon je ne suis pas un compétiteur comme toi ou les autres. Tu ne veux pas de moi ? Et bien je m'en vais ! On sera deux à gagner du temps comme ça ! Satisfaite ?! -il laisse quelques secondes de silence mais pas assez pour que quiconque prenne la parole- Super ! Maintenant pardon, j'aimerais vraiment quitter cet endroit. »
Après un regard noir il poussa doucement la jeune femme pour quitter la sellerie et se dirigea à grand pas vers la sortie, ignorant Liam qui criait son nom dans son dos et les éclats de voix qui suivirent. Au dehors, la pluie lui fit le plus grand bien finalement. Mais elle ne l'empêchait pas de bouilloner intérieurement. Il en avait marre du comportement de Louna et le fait qu'elle ne le retienne pas ne faisait que confirmer son ressenti. Il ne savait comment mais elle avait fini par le détester. En tout cas, c'est ce qu'il en pensait et il était certain qu'elle ne nierait pas ce fait. Pourtant il avait toujours fait son possible pour soutenir ses projets et pour l'aider, que se soit avec ses chevaux ou dans sa vie... Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle le rejetait régulièrement de la sorte et c'est ce qui l'attristait le plus dans toute cette histoire. Malgré tout, il éprouvait un certain soulagement quand à avoir déclaré quitter l'équipe. Il pourrait plus se consacré à ses cours et à Arès comme ça...
Il prit le chemin du manoir sans tarder avec pour seule hâte de vouloir s'enfermer dans sa chambre et se retrouver enfin seul. Il n'avait même pas envie de voir Ezra, et comme il n'avait plus rien de prévu de la journée désormais... Louna venant de le libérer de ses obligations... Mais malgré ses espoirs de tranquillité à la vue du manoir se dressant dans la brume, il fallait croire que le destin en voulait autrement puisque la main de Liam s'abattit sur son épaule pour la seconde fois de la journée. Izikel se retourna violemment pour se soustraire à sa poigne et lui lança un regard noir.
« Quoi encore ?! » « Ne quitte pas l'équipe. » « Je suis toujours coach de ton élevage tu sais. » « Oui mais ne quitte pas l'équipe s'il te plaît. » « Liam, Louna me déteste et je ne veux pas continuer comme ça. J'en ai ma claque de recevoir des reproches sans arrêt. C'est bon. Stop là ! Qu'elle se trouve un autre souffre douleur, moi j'en peux plus, j'arrête. Donc oui, je quitte l'équipe, mais ça ne m'empêchera pas de toujours rester dans les parages et de m'occuper de tes chevaux. » « Izikel... » « Non Liam. Il n'y a pas de "Izikel" qui tienne. Ma décision est prise, et celle de Louna aussi. Il n'y a pas à argumenter. » « Je t'en prie... » « Non. »
Le ton était ferme et sans appel. Le jeune homme recula de quelques pas avant de tourner les talons et s'enfuir vers le Manoir, à grands pas. Liam ne le suivit pas, mais il savait que le trentenaire n'abandonnerait pas la bataille aussi vite et qu'il reviendrait à la charge. Mais peut-être qu'il ne le ferait pas de suite, ce qui laisserait un peu de répit au garçon. En attendant, il retrouva la solitude de sa chambre sans croiser personne et s'enferma dedans. Pas question de se faire déranger par qui que se soit. Il déposa sa veste détrempé sur la chaise de son bureau, abandonna ses chaussures sous le radiateur et s'écroula sur son lit. Mais malgré toutes ses tentatives pour réfléchir, il sombra incommensurablement dans les limbes du sommeil...
« Je crois que ça va être bon maintenant. On tente une sortie en paddock ? »
Le jeune homme sourit, ravi, bien qu'avec une certaine appréhension. Cela faisait deux semaines qu'Arès était enfermé dans un box d'isolation. Sa première sortie risquait d'être assez mouvementé, et avec la neige au dehors, il risquait de se blesser à nouveau. Mais si le vétérinaire lui-même le proposait, alors il n'y avait pas de raison.
« Allons-y ! »
Il entra dans le box avec une longe de travail et s'approcha avec précaution du pie. Arès ne se laissait toujours pas faire avec douceur. Ses gestes étaient toujours brusques et même si Izikel était assez leste pour éviter ses coups de sabots, il se faisait encore régulièrement pincer. Il tendit la longe au cheval, mais celui-ci ne réagit pas. Il restait au fond du box, avec les oreilles dans les crins. Le jeune homme venait de le voir mais cela n'empêchait pas le cheval de l'accueillir en menaçant. Mais malgré ses babines retroussées et ses oreilles en arrière, il ne fit pas un geste. Izikel s'approcha donc doucement et clipsa avec lenteur la longe dans les anneaux du licol éthologique qu'il portait tout le temps. Il se recula ensuite, laissant filer le flot de la longe et sortit du box devant le pie. Il l'encouragea ensuite à le suivre, prêt à le renvoyer dans le box s'il se précipitait dehors.
« Arès, aller, viens... »
Le warmblood leva la tête en signe de défense mais aussitôt la longe se tendit, exerçant une pression sur sa nuque et son chanfrein. Il baissa automatiquement la tête et fit un pas en avant. Le jeune homme le félicita aussitôt avant que le cheval ne fasse quelques pas de plus avec hésitation. Il sortit doucement du box mais fit un petit bond dans l'allée pour passer les postérieurs. Le vétérinaire se décala aussitôt alors qu'Izikel tendait de nouveau la longe pour le stopper.
« Wooow... Oooh là... Doucement... »
Arès planta ses quatre fers dans le sol un peu caoutchouteux de l'allée et ronfla des naseaux, les oreilles toujours plaquées en arrière. Il fouilla de la queue. En douceur, le jeune homme reprit la marche en avant, pas après pas, jusqu'à obtenir un pas normal et sans incident. Les approches durant les soins avaient beaucoup aidés le garçons à établir un lien avec l'étalon et ce dernier acceptait de marcher derrière Izikel sans faire trop de complications. Ce qui était déjà un bon point. Par ailleurs, une fois qu'il serait au paddock, le jeune homme doutait de pouvoir le récupérer sans une aide extérieure... Mais ça, se serait une autre histoire. Pour l'instant, le but était de rejoindre l'un des paddocks du Haras et c'est ce qu'ils firent. Arès leva la tête et pointa les oreilles en voyant le carré de liberté, mais se montra pas plus enthousiaste que cela. Il récupéra vite son air menaçant en regardant Izikel. Ils entrèrent tous deux dans le paddocks et le jeune homme fit faire demi tour au pie avant de le stopper. Il enleva avec délicatesse le crochet et se poussa pour laisser de la place au pie. Mais contre toute attente, le cheval resta planté là où son cavalier l'avait laisser. Le jeune homme fit un geste brusque du bras en sifflant et cette fois, le cheval partit. Il effectua un demi tour sur les postérieurs avant de prendre le galop jusqu'au fond du paddock. Le jeune homme le regarda un instant avant de soupirer et sortir pour fermer la porte.
« Je pense que ça ira. S'il ne se fait pas un claquage dans les cinq minutes, il pourra passer la journée là. » « D'accord. On le rentre pour la nuit ? » « Je préférerais oui. Venez vers six heure et on tentera. Si vraiment au bout d'une demi heure on ne l'attrape pas, il passera la nuit dehors. Peut-être qu'au matin il comprendra qu'il aurait dû rentrer ! » « Ok, pas de soucis. »
Le vétérinaire le salua en souriant avant de retourner au centre de soins. Il avait encore pas mal de choses à faire. Izikel resta devant le paddock, acceptant désormais sans broncher les derniers flocons qui tombaient sur le Haras. Heureusement que la tempête se calmait désormais... Il le voyait bien de toute façon ; C'est comme si le Haras tout entier poussait un soupir de soulagement. Il soupira lui aussi quand son téléphone vibra dans sa poche. Il le sortie et vit « Liam » sur l'écran. C'est la seconde fois qu'il filtrait l'appel. Mais au vu de l'insistance du garçon, il était peut-être temps d'y répondre. Il pressa le coin d'écran tactile sur le téléphone vert et porta le smartphone à son oreille...
« C'est bon j'arrive... »
***
Le feu crépitait dans la cheminée. L'air chaud lui donnant cette impression de ronflement quand il s'échappait par la trappe qui menait au conduit. Izikel était assit dans un fauteuil face à la cheminée. Il avait abandonné son manteau à l'entrée du salon et n'avait gardé que son écharpe qui gisait à côté de lui sur l'accoudoir. Il portait un de ces pull noir favori, avec un col v. Ses cheveux, négligemment repoussé sur le côté, gardaient leur forme avec sagesse. La bouche appuyée contre ses doigts, le coude sur l'accoudoir droit, il gardait ses yeux clairs fixés sur le feu, l'air pensif. L'autre main négligemment posée sur l'autre accoudoir, les jambes, dans leurs jean bleu, étendues devant lui. Ses après ski s'égouttaient sur la moquette bleu nuit sans un bruit.
Dans son dos, la porte du salon s'ouvrit. Il entendit le pas colérique de Louna alors qu'elle traversait la pièce rapidement, et celui, tendu, de Liam qui suivait plus doucement. Louna se laissa rageusement tomber sur le canapé deux places de droite, dardant sur Walig un regard empli de colère. Elle ne quitta pas son manteau, se contentant simplement d'enlever son écharpe en laine rouge. Ses cheveux étaient attachés en queue de cheval et elle portait encore son pantalon d'équitation gris, avec son ensemble de boot-chaps noir. Elle planta les mains dans les poches de son manteau sombre et tapota rageusement du pied, son regard coulant entre Liam et Izikel -qui n'avait pas esquisser le moindre mouvement.
Le trentenaire lui, arriva à pas mesuré. Il avait prit le temps d'enlever son manteau noir et de le pendre à un porte manteau. Il avait aussi enlevé son écharpe grise et ses gants rouge, pour les laisser avec le manteau. Il portait un pull bleu ciel qui lui allait parfaitement au teint. Il portait également un jean sous des chaps de cow-boy brune. Il avait les traits tirés et semblait fatigué. Sans doute que leurs comportement respectifs lui avait fait passé quelques nuits blanches... Lui qui tenait tant à ce que tout soit parfait... Il soupira en les regardant tour à tour, restant debout devant le canapé identique à celui de Louna, de l'autre côté de la table basse de bois et finalement, il prit place, s'asseyant au bord, les coudes sur les genoux et les doigts croisés devant lui.
À cette heure-ci, ils avaient le salon que pour eux. La plupart des élèves terminaient leurs séances du matin ou se dirigeaient tranquillement vers la salle à manger pour le premier service du midi. Seul un homme, assit dans un coin face à un journal, avec un casque sur les oreilles, occupait le salon avec eux. Il n'y avait donc que le feu pour venir perturber le lourd silence qu'il y avait entre eux. Louna ouvrit la bouche comme pour parler, mais elle se ravisa et ne dit plus rien, jouant finalement avec ses doigts, le regard baissé vers eux. C'est Liam qui, enfin, prit la parole avec cet air grave qu'on ne lui voyait presque jamais. Il était souvent sérieux, mais jamais autant.
« Bon... Comme vous l'avez tous les deux comprit, on est là pour parler. Et comme je sais que la chose est un peu délicate, c'est oi qui vais prendre la parole le premier. Je vais vous dire ce que nous, les autres membres de l'équipe, en pensons... »
Il laissa un léger temps d'arrêt, les regardant tour à tour. Izikel avait enfin tourné le regard vers lui et semblait attentif. En tout cas, il respirait le calme et le sang-froid, plus que les deux autres. Louna gardait le regard fixe sur ses doigts, sans rien dire mais se contenant avec difficulté.
« Vous avez tous les deux jeté un froid dans l'équipe. Même si certains semblent s'en ficher, la situation touche tout le monde. Mais, ce qui nous a le plus choqué dans vos comportements respectifs, c'est le tien Louna. »
La demoiselle releva vivement les yeux pour rétorqué quelque chose mais Liam l'en empêcha d'un geste ferme et sévère.
« Tu savais, et tu sais, comme nous tous, le feeling qu'à Izikel avec les chevaux. Tu sais aussi qu'il est, avec Logan et de loin, le plus expérimenté de nous tous. Il a tout de même passé toute sa vie ou presque avec des chevaux et il les comprend mieux que personne. Tu sais que s'il décide de ne pas faire ce qu'on lui demande pendant une séance, ce n'est pas par pure fantaisie ou désir de rébellion. Bien au contraire. C'est par sagesse et attention... L'excuse de Priam était donc de loin la plus mauvaise et la plus déplacée qui soit à faire à Izikel. »
Le regard du jeune moniteur s'éclaira un peu. Il avait rarement autant de compliments d'un coup et surtout de la bouche de Liam. Entendre ce que l'éleveur pensait réellement de lui faisait chaud au coeur et il en eu un élan d'affection pour le trentenaire. Mais il se contint, restant dans la même position, et faisant preuve d'un sang froid sans pareil.
« Que tu ai un différent avec Izikel, je veux bien le croire. Mais utilisé un cheval comme excuse pour lui jeter à la figure, c'est un peu trop. J'avoue, et je ne suis pas le seul, ne pas comprendre ce qui motive tes sentiments envers Izikel. Je ne vois vraiment pas ce qu'il a fait de travers ces derniers temps. Si tu as un problème en dehors de l'équipe et que tu veux en parler, tu peux, mais ne prends pas, s'il te plaît, un membre de l'équipe comme souffre-douleur. »
De nouveau il laissa quelques secondes de pause pour laisser le temps à tout monde de tout assimiler. Izikel s'enfonça un peu plus dans son fauteuil, croisant ses mains devant lui, les coudes en appui sur les accoudoirs. Voyant que personne ne se décidait à prendre sa suite, Liam reprit la parole.
« Izikel, tu souhaites donner tes impressions ? »
Le jeune homme releva les yeux avant de tout doucement hocher de la tête. Il inspira profondément, cherchant ses mots avant de se lancer.
« Je... Euh... En fait... Je ne comprends pas non plus pourquoi tu t'acharne sur moi Louna. Tu as l'air bien contente et tu es toute mielleuse quand je suis dispo pour travailler tes chevaux ou devant les autres, mais dès qu'il n'y a plus personne tu es impossible avec moi... Je ne comprends pas, je ne sais même pas ce que je t'ai fait et j'avoue que j'aimerais bien savoir. Cette situation me pèse tout autant que pour les autres, si ce n'est plus. »
De nouveau, le silence retomba, lourd. Louna avait les joue rouge mais fixait ses doigts avec obstination. Elle avait cessé de tapoter du pied frénétiquement et semblait ne plus vouloir ouvrir la bouche. Liam les regardait sagement, maintenant qu'il avait lancé la chose, il attendait simplement.
« Si... Si tu as quelque chose contre moi, dis le tout de suite. Je pourrais peut-être même le changer... Mais ne me laisse pas dans l'ignorance comme ça. »
À son tour, Louna releva les yeux vers eux. Ils étaient humides, et les larmes se devinaient au coin de ses yeux, mais aucune ne coula le long de ses joues. Elle détourna le regard pour fixer le feu, le temps de reprendre un souffle correct et une voix claire, pas brisée par les sanglots qui s'agglutinaient au fond de sa gorge. Puis enfin, elle parla. Doucement, mais avec calme et constance.
« Je n'ai rien contre toi Izikel. Je suis juste... Fatiguée et stressée. J'ai longtemps eu des doutes sur tes sentiments envers moi mais... J'ai fini par comprendre que tu avais tourné la page. C'est juste qu'il y a... Des choses étranges dans le Haras en ce moment et tu es une cible facile. »
Elle haussa les épaules, comme honteuse.
« Et puis cette tempête est insupportable, j'en peux plus de rester là enfermé, j'ai besoin d'un peu d'air... Je suis désolée, je ne voulais pas que les choses aillent aussi loin. »
Elle pinça les lèvres et adressa un regard d'excuse à chacun. Au moins les choses étaient dites mais cette révélation de "choses étranges" fit froncé les sourcils de Liam.
« Pourquoi tu ne nous as rien dit avant ? Et c'est quoi ces choses étranges ? »
La demoiselle haussa des épaules. Izikel la regardait avec un peu plus de douceur bien qu'une pointe de tristesse. Il avait presque l'impression que quelque chose s'était brisé entre eux, sans qu'il ne sache vraiment quoi.
« Je ne sais pas... Seulement de mauvais pressentiments et Caïpi qui grogne après des fantômes... Je pense que c'est la tempête qui tapait sur les nerfs de tout le monde... »
Liam soupira en faisant une moue sévère. Il y avait quelque chose qui lui paraissait étrange. Il jeta un regard complice à Izikel qui approuva d'un hochement de tête. Mais pour l'instant, ils ne pouvaient pas faire grand chose. Ils se contenteraient d'attendre et d'observer.
« Bon. On reprend Izikel dans l'équipe ?! Et tu le laisse remonter tes chevaux. » « Oui bien sûr. »
Izikel se redressa. Ils étaient bien mignons mais il n'avait toujours pas envie de revenir.
« Sauf que je n'ai pas envie de revenir dans l'équipe. Pas pour l'instant. J'ai besoin d'un peu de temps. Après, si vous avez un jour besoin d'un coup de main avec un cheval, je viendrais, mais... Je ne veux pas être réintégré à l'équipe pour le moment. »
Son ton était ferme et sans appel. Liam eut un bref hochement de tête. Louna baissa les yeux sur ses mains une fois de plus.
« Bon... Je respecte ta décision. »
Il soupira avant de se lever, glissant les mains dans ses poches.
« On va déjeuner tous ensemble ? Tu ne vas quand même pas rester dans ton coin Walig ? »
Cette fois, le jeune moniteur sourit en se levant à son tour.
« Non quand même pas. »
Liam tendit la main à Louna pour qu'elle se relève et doucement, ils prirent tous le chemin de la salle à manger. Les choses n'avaient pas encore reprit leur cours normal mais le poids sur leur épaules s'était au moins envolé. Maintenant, seul le temps pourrait guérir leurs blessures...
J'ai 241 Lignes Box de Arès Merci pour la correction !
Il y a parfois des matins où se lever paraît abominablement accessoire. Des matins où l'on aurait mieux fait de rester sous sa couette, pour nous éviter d'avoir tous les malheurs du monde au coin du nez. Des matins où le sommeil vous est enlevé avec tant de précipitation et de violence que l'on se retrouve un instant perdu dans un monde qui nous est complètement inconnu. Certains matins où mourir dans son sommeil aurait paru être une situation nettement plus douce que celle que l'on vous propose en échange. Des matins où vos anciens démons se réveillent et vous sourient à pleines dents en vous murmurant à l'oreille : « Souviens-toi... Quand la mort était ta seconde compagne... ». Des matins qui font que vous les détestez au plus profond de votre être, mais que malgré toutes vos prières, vous êtes obligé de vivre. Parce que c'est votre destin, diront certains. Ou tout simplement parce que c'est ainsi et que rien ne pourra plus y changer. Alors vous vous levez ; faites face à cette violence qui vous a tiré du lit ; et affrontez la situation avec la plus grande lucidité dont vous pouvez faire preuve. Et ce, malgré la difficulté, la haine, la peur, l'horreur et la détresse qui se lisent dans le regard de tous les autres...
Izikel regardait l'homme assit en face de lui, les bras croisés sur sa poitrine nue. Il ne portait qu'un caleçon, seul témoin de l'heure à laquelle il avait dû sortir de son lit. Les cheveux en bataille autour de son visage, dur et froid. Il avait les traits fermés, le regard sombre. Quand il avait passé le pas de la porte, même Ezra n'avait osé lui faire le moindre commentaire, ce qui était plutôt rare. Il le regardait avec tellement d'intensité et de concentration qu'il donnait l'impression de pouvoir lire en lui comme dans un livre ouvert. Mais ce n'était malheureusement pas le cas, même s'il aurait préféré.
De son côté, l'homme en noir, assit sur la chaise, les mains et les pieds solidement attachés, le regardait avec méfiance. Il n'avait pas l'air très en forme. Plutôt pâle, une bosse bleue lui poussant sur le crâne, il avait le regard encore laiteux de ceux qui s'éveillent doucement d'un malaise provoqué. Il vacillait un peu de la tête et papillonnait des yeux avec lenteur. Mais peu à peu, au fil des minutes, sa vision se stabilisa. Sa tête cessa de tourner et le flou qui l'envahissait se dissipa. Il se remémora doucement ce qui l'avait poussé à finir attaché sur une chaise. Mais malgré la douleur lancinante qui lui labourait le crâne et les courbatures dans ses muscles, il déglutit avec difficulté, pour regarder autour de lui...
Louna n'était plus là. Enzo, le charmant fiancé qui l'avait assommé non plus d'ailleurs. Devant lui se tenait Izikel, debout les bras croisés, appuyé sur une commode. Et dans son dos, il sentait toute la rage émaner d'Ezra ainsi que le cliquetis caractéristique de l'arme à feu que l'on recharge. La sienne, à en juger par la présence des deux Desert Eagle de Louna à porter de main d'Izikel et la disparition de son Berretta et silencieux. Il ne faisait pas encore jour au dehors mais ça ne devrait plus tarder. Enzo n'avait pas dû le louper s'il était resté autant de temps évanouit... Il reprit peu à peu ses esprits et ferma les yeux pour baisser le nez, face à la violente douleur qui lui traversa la tête. Se faire taper dessus, c'était loin d'être de tout repos. Malgré tout, il avait fait une grave erreur, il s'en rendait compte maintenant. Comment n'avait-il pu voir Enzo se lever et l'assommer ? Il n'était pas épais mais ce n'était pas non plus une plume... Il ne savait pas vraiment ce qui s'était passé. Juste qu'il avait fixé Louna, hésité et que ça avait été le noir total. Puis il avait ouvert les yeux sur un Izikel flou et visiblement en colère. Très en colère...
Cependant, ils ne comptaient pas rester là éternellement, ni l'un ni l'autre. Mais visiblement, Izikel faisait preuve d'un sang froid égal au sien. Malgré la colère qui frigorifiait son regard, il avait une respiration calme. Les traits au repos et tout son corps était détendu. Il n'éprouvait aucune once de peur, quelle qu'elle soit. Il était impressionnant à voir cela ne faisait aucun doute. Et Alejandro le nota bien, il avait bien changé. Le jeune homme impulsif qu'il était n'existait désormais plus et avait laissé place à cette statue de glace respirant le calme et le contrôle de soi... Ale releva doucement les yeux vers Izikel et soupira. Il avait perdu, il le savait. Mais le moniteur n'avait pas l'air de vouloir prendre la parole, alors il entama la conversation, avec autant de calme qu'il en était capable malgré la migraine qui s'était emparé de sa tête...
« Bonjour... » « Bonjour. »
La voix était claire, posée. Pas de colère ni de rage. Pas de joie non plus. En même temps, quand on se trouve face à un tueur à gage qui vient de tenter de faire la peau à l'une de ses meilleures amies, on ne saute pas de joie.
« Quelle heure est-il ? »
Le moniteur leva les yeux pour jeter un oeil au réveil avant de revenir sur Ale.
« Il est six heures douze. » « Merci. »
Une nouvelle vague de douleur obligea Alejandro à fermer les yeux et prendre une grande inspiration. Izikel n'avait pas changer de position et le regardait, en même temps qu'il regardait dans le vague. Ezra derrière ne disait rien, braquant avec une détermination sans faille le canon du silencieux sur la nuque du prisonnier. De nouveau, c'est Alejandro qui brisa le silence.
« Comment va Louna ? » « Bien. Elle est simplement choquée. C'est le bruit de ta chute qui l'a réveillée en fait. » « C'est étrange... » « Je suis d'accord. Enzo a le sommeil plutôt lourd, mais je ne sais par quel miracle il s'est réveillé pour t'assommer. » « Il a aussi été étonnement silencieux... » « Il faut croire qu'il n'a pas que des défauts. » « Mmh... »
Pointe d'amertume chez Izikel ? Peut-être. Malgré le fait que le jeune éthologue s'était finalement fait aux fiançailles de Louna et Enzo, il gardait un certain ressentiment envers le garçon. Esprit de protection ? Sans doute...
« Et Enzo ? Il va bien je suppose ? » « Il est très en colère. Il veut ta tête sur une pique pour pouvoir l'exposer sur sa fenêtre. » « Je le comprends... »
Comment ne pas le comprendre en même temps ?
« Est-ce que... Est-ce que je pourrais avoir une aspirine ? » « Oui tu peux. »
Le jeune homme se mit lentement en mouvement. Il rempli un verre d'eau avant d'y laisser tomber une pastille effervescente d'aspirine. Avec une paille, il mélangea délicatement le tout et s'approcha du captif. Ale ne s'attarda pas et attrapa la paille entre ses dents pour pouvoir avaler tout le contenu du verre. Une fois chose faite, le moniteur reposa le verre à côté de lui et reprit sa position initiale. Le tout avec toujours le même calme.
« Et euh... Vous jouez au gentil et au méchant flic ? » « Non. Pourquoi le ferait-on ? On est tous des hommes adultes et intelligents. On peut tenir une conversation d'homme à homme avec calme. J'attendais surtout que tu te réveilles. » « Ah... Et du coup la corde et l'arme c'est ... ? » « Par sécurité. On ne savait pas comment tu allais réagir. » « D'accord. Du coup tu vas me détacher ? » « C'est ce que je compte faire oui. Mais laisses moi deux minutes. Par ta faute j'ai été réveillé en plein milieu de ma nuit et je suis planté là depuis plusieurs heures. Alors laisse moi un peu admirer le paysage... »
Izikel lui adressa un petit sourire sadique avant de lentement articuler de nouveau son corps. Avec un infini patience, il défit les liens qui entravaient les mains et les jambes d'Alejandro avant de reprendre sa place initiale. L'homme en noir tourna la tête vers Ezra, toujours campé sur ses positions.
« Je suppose que la même faveur à Ezra est inutile ? » « Il est moins clément que moi. » « Je m'en suis douté quand je l'ai rencontré la première fois... » « Bon... Tu te doutes qu'on s'est un peu renseigné sur toi. » « Je l'espérais à vrai dire. J'ai eu le vague espoir tout à l'heure que notre ami commune Moïra aurait su sauvé ma peau. » « Elle a effectivement parlé en ta faveur. Tu te doutes bien que nous ne partageons pas tous son avis. » « J'en suis conscient. » « Mais elle a su en convaincre suffisamment. Tu en es la preuve vivante. » « Oui. » « Mais malgré tout ce qu'elle nous a dit sur toi, une chose nous échappe. Pourquoi ne pas avoir tiré ? » « C'est la question à deux millions celle là ! En fait... Je ne comprenais pas pourquoi je devais abattre Louna. Je veux dire... Elle n'a rien fait de mal... Alors pourquoi elle ? » « Christine Reg est un rebut de l'humanité. » « C'est ce que j'ai cru comprendre. » « Disons que l'on est d'accord sur ce point... Bien... J'en ai... Assez de jouer les killer-sitter donc j'ai une proposition à te faire. » « Oui ? » « On te laisse libre, mais tu reste au Haras et tu reste dans l'équipe. Et si tu tente la moindre chose, j'entends par là fuite ou meurtre, on s'y met à tous et on te fais la peau. Et je te promets que tu mourras lentement. » « Ok. Je crois que c'est assez clair. » « Parfait. Ton premier compagnon de jeu, c'est Ezra. Je vous laisse faire connaissance tranquillement. On se reverra plus tard, j'en ai aucun doutes... »
Le jeune homme se décolla de sa commode pour se diriger vers la porte. Ale le suivit du regard et l'interpella avant qu'il ne passe le seuil, immobilisant ce dernier.
« Izikel ! Merci... »
Le blondinet acquiesça et poursuivit son chemin, fermant la porte derrière lui...
***
Après s'être finalement lavé et habillé le jeune homme avait prit le chemin du réfectoire. Dans un coin isolé de la cuisine, alors qu'il n'y avait encore que quelques palefreniers, se tenait presque la totalité du groupe. Lou, encore endormie, regardait une tasse de café sans grande conviction, le visage un peu pâle. Quand Ezra lui avait avoué ce qui se tramait, elle n'avait pas vraiment du le croire et elle était choquée de la situation. Logan surveillait des viennoiseries dans le four. Lui aussi avait l'air un peu secoué, mais à vrai dire, il n'avait pas vraiment l'habitude, bien qu'aucun d'eux ne veuille la prendre cette habitude... Myriam n'était pas là, sans doute encore avec Maël dans sa chambre. Liam semblait fatigué mais il avait réconforté Louna du mieux qu'il avait pu. Louna elle, faisait les cent pas, alors qu'Enzo tentait du mieux qu'il pouvait de ne pas laisser exploser sa rage sur la première personne qu'il croiserait. Kwaïgon, d'un calme olympien, pianotait sur son ordinateur portable, sirotant une tasse de café qu'il avait à côté de son clavier de temps à autre.
C'est le coréen qui vit le moniteur le premier. Il le salua d'un bref signe de tête avant de remettre le nez sur son écran. Lou ensuite l'aperçu et lui sourit largement, comme soulagée de voir enfin un maître de la situation surgir. Petit à petit, tous les visages se tournèrent vers lui, et avant qu'il ne puisse attraper une tasse pour verser du café dedans, Louna ouvrait les hostilités, d'un ton colérique mais empli de peur.
« Alors !? Qu'est-ce qu'il a dit ? »
Le moniteur soupira en jetant à la jeune femme un regard las. Oui il avait changé. Il y a bien peu de temps, il aurait été le premier à coller une droite au tueur à gage. Mais ce n'était plus le cas. Ce n'était plus son rôle. Louna ne se rendait pas encore compte à quel point elle avait brisé leur lien. Lui si désormais. Il termina de remplir sa tasse de café et y laissa tomber mollement un sucre dedans. Avec une touillette en bois, il entreprit de remuer le breuvage chaud. Mais c'était sans compter sur la colère de certains. Enzo laissa tomber fortement son poing sur la table, faisant sursauter Lou. Kwaïgon, qui avait regarder alors son café avec suspicion, avait à peine levé les yeux. Liam et Logan en restaient coi.
« ALORS !? TU VAS RÉPONDRE ? »
Le nom d'oiseau n'était pas loin. Izikel releva les yeux, inexpressif et fixa longuement Enzo avant de soupirer de nouveau et baisser les yeux sur sa tasse. Quand il prit la parole, c'était d'une voix lente et calme.
« Il m'a dit la même chose que Moïra. Il a hésité parce qu'il ne comprenait pas pourquoi toi, Louna. Il faut croire que Moïra a raison, c'est un tueur à gage avec quelques valeurs... »
Le jeune éleveur eu un regard noir envers le moniteur mais ne dit rien de plus, retournant prendre sa fiancée entre ses bras. C'est Liam qui sortie de sa torpeur après cela.
« Tu l'as laissé avec Ezra ? » « Oui. Je ne lui ai pas laissé le choix en fin de compte. Il est libre mais doit rester avec quelqu'un du groupe en permanence. » « Très bien... Il faudra qu'on tourne alors ? » « Ouai... Mais on ne peut pas obliger tout le monde à le surveiller. Ezra et moi on prendra des gardes dans la journée ou la nuit. » « J'en ferais aussi. » « Je vous aiderais aussi. Je sais que Myriam va criser mais bon... » « Je ne pense pas que se soit une bonne idée pour ma part. » « Non. Et de toute façon il est hors de question que Louna ou Myriam ne prenne des tours... » « Je peux vous aider aussi... » « Moi aussi. Je veux vous aider. »
Les regards se tournèrent un instant vers Logan puis convergèrent vers Lou. La participation de Logan était inattendue mais probable. Lou par contre, c'était une autre histoire...
« T'es sûre Lou ? » « Je te rappelle que j'ai pleins de frères et un chien très bien dressé. »
Elle marquait un point c'était indéniable. Izikel et Liam échangèrent un regard avant que l'éleveur ne hausse des épaules.
« Ok, ça me va. » « Alors c'est entendu, on fait comme ça. »
Un moment de silence suivit cette conclusion. Izikel savait qu'il serait le prochain sur la liste mais ce n'était pas bien grave. Il savait que désormais, il leur faudrait vivre avec le garçon et se l'échanger, comme une poupée dont il fallait prendre soin.
« Bon... Il est encore dans ma chambre ? » « Normalement Ezra l'a fait bouger. » « Ok. Ben si ça vous embête pas, j'aimerais aller me coucher un peu avant d'entamer la journée. » « Pas de soucis, on s'occupe des chevaux. » « Merci. Chou tu viens avec moi ? » « Oui je viens... A plus tard sans doute ! »
Un concert de « Salut » retentit alors que les deux amoureux quittaient la pièce. Liam et Logan ne tardèrent pas à prendre place autour de la table et restèrent silencieux. Ils avaient tout de même eu une petite nuit et la fatigue se faisait un peu sentir. Cependant, Kwaïgon brisa le silence en annonçant qu'il allait se reposer un peu. Logan parti dans l'office des moniteur quand à lui et Lou proposa son aide à Liam. Ne restait plus qu'Izikel. Mais il savait que d'ici peu, il ne serait plus seul...
***
Même s'il avait fait les derniers concours avec Caraanu Pi, le jeune homme n'en restait pas moins catégorique : il ne voulait plus faire partie de l'équipe. Mais en y réfléchissant bien, en fait, il ne voulait plus rien avoir à faire avec Louna. Logan et Liam avaient su le convaincre de grimper sur le dos du jeune étalon crème, mais il ne souhaitait pas poursuivre dans ce sens. En aucun cas. En clairement, devoir s'occuper de son tueur à elle ne l'enchantait pas. Et il ne faisait pas grand chose pour le cacher. Non pas que ce type d'aventure lui manquait, mais il trouvait la demoiselle changé et il ne voulait pratiquement plus rien avoir à faire avec elle. Ils s'étaient calmé depuis leur discussion avec Liam et les recherches autour de ce qui s'avère être finalement Ale lui avait diverti l'esprit. Mais de nouveau, il en avait assez. Et Arès, au bout de sa longe, également.
L'étalon pie envoya un violent coup de cul sur le pare botte du rond. Un énorme bruit de choc s'en suivit, surprenant l'étalon qui détala de plus belle sur le cercle qu'il était obligé de suivre. Izikel perdait le contrôle, mais il tenta de n'en rien paraître. Il éleva un peu la voix pour capter de nouveau l'attention du cheval pour finalement parler en douceur et faire redescendre la pression. Ses séances de travail à pied étaient chaotiques. Le pie se montrait à la hauteur de toutes ses craintes et difficile à maîtriser. Aller d'un point A à un point B en longe était encore faisable tant que la distance n'était pas trop longue. Mais tenter de faire quelque chose dans un rond de longe était au moins dix milles fois plus complexe. Mais il y avait tout de même un point positif à tout cela : Arès ne le chargeait plus dès qu'il s'en approchait. Le cheval passait malgré tout toutes ses nuits en box au centre de soin et toutes ses journées en paddock ou en pré. Izikel s'occupait toujours de ses deux repas par jour et de le rentrer et le sortir. S'était ainsi installer une sorte d'entente mutuelle qui, pour l'instant, satisfaisait les deux. Mais il arrivait souvent à Izikel ces derniers temps de regretter amèrement son cher Finwë...
Arès coucha les oreilles sur sa nuque une nouvelle fois, signe qu'il allait faire une nouvelle connerie, et secoua la tête en ralentissant son galop. Izikel tenta de le calmer d'une voix douce, le faisant doucement ralentir. Après un tour de lutte, Arès consenti à prendre le trot mais gardait la tête haute et ronflait des naseaux, les oreilles bien en arrière. Izikel n'avait pas vu les deux hommes qui s'approchaient du rond de longe mais Arès les avait senti lui. Quand les deux hommes ne furent plus qu'à quelques mètres du rond, il se stoppa net, à l'opposé d'eux. Et malgré toutes les supplications et encouragements de son cavaliers, il attendit, immobile et crispé, à l'opposé de la porte, refusant tout mouvements. Ce n'est que lorsqu'il lui tourna le dos pour tenter de comprendre ce soudain changement de comportement que l'éthologue comprit. Il soupira devant la mine fatigué d'Ezra malgré ses traits tirés et l'oeil au beurre noir d'Alejandro...
« Je vois que la matinée n'a pas été toute rose... Que s'est-il passé ? »
Alejandro eut un sourire ironique et eut un regard vers Ezra. Il répondit avec une pointe d'amusement dans la voix.
« C'est pour aller avec mes fringues. Tu ne trouves pas que c'est seyant ce petit bleu - noir ? »
Ezra lui lança un regard noir et s'adressa à Izikel, maîtrisant difficilement la colère de sa voix.
« Je te le laisse. C'est Kwaïgon qui s'en charge pour le dîner et pour la nuit. Je te souhaite bien du courage Walig ! » « Merci... »
Ezra lança un dernier regard mauvais à Ale avant de tourner les talons et repartir vers le manoir. Izikel pour sa part soupira et tourna de nouveau la tête vers Arès. Il n'obtiendrait plus rien de lui aujourd'hui... Surtout pas dans cet état...
« Bon... On va aller le remettre au paddock. Et puis, on verra ce qu'on fera ensuite... » « Parfait ! Je te suis. »
Le jeune tueur sourit et attendit sagement qu'Izikel aille chercher son cheval. L'éthologue eut quelques difficultés à passer le licol à l'étalon pie, qui relevait la tête sans arrêt ou tentait de mordre. Mais au bout de quelques minutes, il réussit tout de même à lui passer le licol et l'emmener hors du rond. Ils cheminèrent doucement, Arès faisant des écarts fréquents, mais finalement ils arrivèrent aux paddocks. Le jeune homme lâcha le cheval, qui détala sans plus attendre au fond de son carré d'herbe. Izikel et Alejandro le regardèrent un instant, l'un soupirant, l'autre sans grande expression. Le coach fini par se faire une raison et referma la porte du paddock, reprenant le chemin des élevages d'un pas lent. C'est Alejandro qui entama la conversation d'un ton plutôt joyeux, les mains dans les poches, cheminant doucement à côté du moniteur.
« Walig ? Je pensais que c'était Izikel toi... »
Le blondinet sourit ironiquement. Lui qui semblait les connaître tous se posait encore la question ?
« Je pensais que tu savais. » « Je sais que c'est ton second prénom mais je ne savais pas que les autres t'appelaient comme ça. » « Je préfère. C'est plus rapide et moins accrocheur que "Izikel". » « Je suppose que ce n'est réservé qu'aux amis proches ? »
Cette fois l'éthologue sourit vraiment.
« En effet ! »
Il jeta un oeil en biais au tueur à gage. Il regardait autour de lui avec confiance et une certaine nostalgie. A aucun moment il n'avait l'air de vouloir prendre la fuite, mais il n'avait pas non plus l'air contrit. Il avait l'air d'accepter avec une certaine légèreté sa condition...
« Ce n'est pas toi qui avait un problème avec un cheval ? »
Le tueur à gage sourit en reportant son regard bleu ciel vers Izikel. Il avait quelque chose de sympathique en fin de compte.
« Oui c'est exact. Ce... Ce n'était pas qu'une couverture. J'ai un cheval à charge et il est... plutôt compliqué. En fait je ne l'ai même pas approché encore... Il est plutôt agressif comme... »
Il s'interrompit alors que les deux hommes passaient les portes de l'élevage de Liam pour se retrouver face à une jeune femme qui avait l'air plutôt en colère et qu'Ale ne connaissait pas. Elle le regarda à peine et fusilla Izikel du regard, les bras croisés sur sa poitrine.
« Bestiole... »
Finir sa phrase lui valu un regard noir de la part de la jeune femme qui n'attendit pas plus pour s'adresser à l'éthologue d'une voix colérique.
« Izikel Todd. Cela fait quelques semaines que j'attends un signe de votre part. J'attends toujours mon cours. » « Angora c'est bien ça ? »
Elle hocha positivement de la tête.
« Et bien... Vous avez tous les deux un problèmes autant le régler en même temps. Disons... Demain matin, un cours tous les deux ? Je ne peux pas aujourd'hui. »
La demoiselle soupira rageusement. Elle dévisagea Ale puis fini par hocher de la tête.
« Ok. Demain huit heures. » « Parfait ! »
Elle leur jeta un dernier coup d'oeil avant de sortir en trombe de l'allée, laissant derrière elle un Alejandro rêveur. Izikel le dévisagea étrangement.
« Quoi ? J'ai le droit de regarder non ? »
Izikel leva les yeux au ciel et soupira.
« Aller vient. Faut ranger la sellerie, on déménage bientôt... »
D'un pas lent, un fin sourire aux lèvres, le tueur à gage suivit l'éthologue. L'après midi risquait d'être longue... Mais le lendemain, plein de surprises...
J'ai 424 Lignes Box de Arès Merci pour la correction !
« Comment reprendre le cours de son ancienne vie, comment continuer, lorsque dans son cœur on commence à comprendre qu’on ne peut plus retourner en arrière. Il y a des choses que le temps ne peut cicatriser, des blessures si profondes qu’elles se sont emparées de vous. »
Le jeune homme releva les yeux du livre et soupira, fixant d'un air vague la grande baie vitrée en face de lui. Au dehors, un ciel bleu pâle surplombait une étendue blanche, uniforme. C'était vrai. Ce n'était que trop vrai. Comment reprendre le cours de sa vie lorsqu'on l'avait interrompue pour mener une guerre invisible ? Comment continuer à vivre la même aventure alors que chaque nuit le passé vous hante, toujours plus sombre et toujours plus terrible ? Le corps se remet. Doucement, mais il se remet. Mais l'esprit ? Suit-il toujours ce même chemin ? Le temps permet-il vraiment de mettre à mal tous les cauchemars de nos heures sombres ? Il en doutait...
Perdu dans ses pensées, le regard vague, il ne vit par la jeune femme se glisser à côté de lui. Il sentit à peine le livre tomber de ses mains et ce n'est que lorsque celui-ci fit un bruit mat en rencontrant le sol qu'il revint sur terre. Il sursauta en voyant Myriam si proche, qui le devançait en ramassant le livre. Elle sourit tendrement en regardant la couverture et s'assit doucement sur la table basse en fasse de lui, à côté de ses pieds. Le salon était vide et les cendres de la cheminée froides. Myriam posa le livre sur ses propres genoux et lui sourit gentiment.
« Le retour du roi... Je ne savais pas que tu lisais Tolkien. »
Il sourit simplement, encore groggy de ses sombres pensées. Lui ne savait qu'elle elle le lisait. Il se connaissaient sans se connaître après tout... Comme on se figure connaître ceux avec qui l'on vie et qui pourtant nous surprenne encore.
« Ne prends pas cet air là s'il te plait, il me donne toujours l'impression que tu comptes nous quitter. »
Cette fois il écarquilla les yeux. Myriam savait-elle vraiment lire dans les pensées ? Il avait de sérieux doutes. Elle sourit de nouveau et attrapa son mollet amicalement pour le serrer doucement.
« Aller viens au lieu de ruminer, j'ai besoin de toi. Et puis ça fait plus de deux semaines que tu ne fais rien, il est temps de t'y remettre ! »
La remarque fit rire le jeune homme et se leva de bonne grâce, rejetant son plaid et enfilant ses chaussures. Myriam se leva d'un bond joyeux, un sourire aux lèvres.
« On va aller dehors ? » « Oui. » « Alors il faut que je prenne un blouson... » « Moi aussi ! Et puis il faut ranger ton plaid et ton livre. »
Ils échangèrent un sourire alors que l'irlandais se mettait sur ses pieds pour emboîter le pas à la blondinette. Myriam avait un pas rapide et souple, presque félin, avec ses longues jambes effilées. Mais Izikel n'avait pas de mal à la suivre. Ils grimpèrent ainsi dans les étages du manoir, virevoltant entre les élèves pour rejoindre leurs chambres respectives après échanges de biens. L'aile des éleveurs et coachs était vide, mais le jeune homme n'y voyait aucun mal, au contraire. Il laissa traîner plaid et livre sur son lit défait et attrapa son manteau, un gros gilet de laine, qu'il compléta d'un bonnet, d'une écharpe et de gant de même couleur. Il rejoignit bien vite Myriam qui l'attendait déjà en haut des escaliers, une doudoune sur les épaules et un sourire sur les lèvres.
« Prêt ? » « Prêt ! »
Ils descendirent de front les escaliers et Izikel reprit doucement le fil de la conversation, se reconnectant aussi doucement avec la réalité.
« Qu'est-ce que tu as fais de ton fils ? » « Avec son père ! Et c'est magique ! »
Elle sourit d'autant plus et Izikel en rit doucement. Elle qui était très mère poule au départ, il la trouvait bien changée.
« Il est si chiant que ça ? » « Oh non ! Au contraire il est adorable ! Un peu trop même, j'ai peur qu'il ne devienne comme son père plus tard... Mais non non ! En fait, je trouve que ça ne leur fait pas de mal ! Et puis j'ai prit un peu de recul grâce à ma grand-mère... »
Elle fit une pause pour ouvrir la lourde porte d'entrée du hall et sortir dans l'air froid de la cours.
« Elle m'a rappelé qu'avant d'être une mère, j'étais une femme. Bon, elle a aussi ajouté qu'avant la femme j'étais la cavalière mais elle a un sens de l'équitation bien plus strict que le mien... »
Le jeune homme sourit. Il avait peu entendu parlé de la grand-mère de Myriam mais ce qu'il en savait lui avait paru bien sévère en effet.
« Elle s'entendrait bien avec Liam alors ! » « Ça, j'en suis certaine aussi ! Mais enfin... En attendant, j'ai appris à revivre un peu et à mieux m'organiser avec Maël ! » « Et c'est une très bonne chose ! »
Elle lui sourit, radieuse. Elle faisait plaisir à voir. La fatigue et l'inquiétude qui figeaient sont visage avant qu'elle ne parte pour le sud de la France avait complètement disparu. Liam aussi, en deux semaines, avait réussi à faire disparaître ses cernes. Sans compter sur lui-même, qui après deux semaines complètes de repos forcés et complet s'était presque refait une santé. Quelques douleurs et cicatrices persistaient mais il était convaincu qu'il les garderait à vie celles-là... En attendant, ils traversaient la cours d'un bon pas, pour se diriger vers les élevages.
« Alors dis moi, pourquoi as-tu besoin de moi ? »
La demoiselle sourit d'autant plus en tournant le regard vers lui avant de répondre doucement.
« Liam m'a demandé de sortir Sinok. Comme il fait super beau malgré la neige, je pensais partir en ballade. Mais je ne veux pas y aller seule avec lui et comme personne n'est dispo à part toi... »
Elle le regarda de nouveau et reprit son sourire, avec une pointe d'espièglerie dans le regard. Izikel ne put que sourire en retour. Après tout, la demoiselle n'avait pas tord... Et puis ça lui ferait du bien de remonter un peu à cheval ! Après tant de temps d'arrêt... Il soupira longuement et acquiesça doucement.
« Ok. Y'a une consigne chevaline pour moi ? » « Non aucune ! Tu prends qui tu veux. » « Ok. Alors dans ce cas... Je pense que je prendrais mon cheval, Custom Crome... »
Depuis que ses deux nouveaux étaient arrivés l'été dernier, il n'avait pas posé une seule fesse dessus. Ils étaient en pension chez Jeff et y coulait des vacances forcées, ce qui n'avait pas l'air de les gêner outre mesure. C'était deux chevaux attachants et doux. Mais le jeune homme voulait quand même faire plus ample connaissance avec eux, et quoi de mieux qu'une petite ballade pour se mettre en jambe pour ça ?! Et puis ça le changerait un peu. Il savait que Custom avait été éduqué pour n'être monté qu'en cordelette ou en side-pull alors il allait pouvoir en profiter.
« Pas de soucis ! Parfait même, tu pourras te mettre en tête de file, j'ai quelques appréhensions avec Sinok. »
L'éthologue sourit. Il avait été pour beaucoup au débourrage du jeune pearl et le savait d'un grand calme, que lui avait sans doute communiquer sa mère. On ne pouvait pas dire d'Orcanta qu'elle était violente, c'était certain ! Contrairement à Call... Ce qui donnait cependant un poulain calme mais vif au travail, ce qui n'était pas du tout déplaisant. Mais le jeune homme comprenait les réticences de Myriam, après tout, c'était encore un jeune cheval et il était compliqué de savoir comment il allait réagir parfois.
« Ouai m'dame ! »
Il sourit en portant sa main à son front pour un simili de salut militaire, ce qui fit rire la jeune femme. En attendant, ils étaient parvenu à l'élevage de Liam. L'élevage de Jeff se trouvait juste à côté, Izikel n'avait donc pas beaucoup de chemin à faire. Comme il n'avait qu'un pansage à faire, ils décidèrent de se retrouver dans l'allée de Liam, Izikel rejoignant la jeune femme quand il aurait fini. Ce serait plus simple ainsi. Ils se séparèrent donc devant le box de Sinok et l'irlandais alla directement dans la sellerie de Jeff prendre une cordelette et les brosses allouées à ses chevaux qu'il avait laissé là.
L'élevage de l'américain était calme et il n'y avait aucune trace de lui. Le jeune homme salua tout de même toutes les têtes de l'allée, en douceur, comme il en avait l'habitude. Il avait passé tout de même quelques temps ici et les chevaux commençaient doucement à le reconnaître. Il se dirigea finalement vers le box de Custom après une caresse à Leota et ouvrit la porte en grand, attachant la chaîne de box pour que le bai ne s'échappe pas. C'est qu'il ne connaissait pas encore vraiment les habitudes du bai pour l'instant et il ne voulait pas prendre de risques. Il entama ensuite tranquillement le pansage du bai. L'étalon se laissa presque faire, tournant tout de même souvent la tête vers Izikel pour réclamer une caresse ou simplement un mot doux, ronflant des naseaux pour communiquer sa joie. Après avoir fait le minimum syndical, le cheval étant plutôt propre, le jeune homme enfila la cordelette sur son encolure et lui mit des protections. Finalement il ouvrit la chaîne et posa une main sur l'encolure du cheval, le menant ainsi jusqu'à l'élevage de Liam. Myriam terminait de sangler le jeune Sinok quand il s'arrêta devant le box avec Custom. Le bai regardait partout, tête haute, ronflant d'excitation. Il vint tendre le nez pour sentir Sinok ; le jeune pearl fit de même mais ils se désintéressèrent vite l'un de l'autre.
« Bon ben on va pouvoir y aller ! » « Ok ! » « Ouvres la marche je te suis. »
Ils échangèrent un sourire. La demoiselle enfila sa bombe alors qu'Izikel allait jusqu'au montoir et se mettait en "selle". Il grimaça un peu, quelques douleurs se réveillant avec cet effort soudain, mais il se mit vite en position et laissa la place à Myriam qui suivait. Ils sortirent de l'allée l'un derrière l'autre mais se mirent vite de front pour traverser le Haras et rejoindre les chemins de ballade partant du cross. Custom marchait la tête haute, regardant partout. Sinok faisait de même bien qu'avec un peu plus de modération. Il était plus timide. Les chevaux restaient malgré tout calme et attentif. Izikel retrouvait peu à peu ses sensations en selle, et Myriam découvrait le jeune Sinok. Liam était plus que content d'avoir fini le débourrage de son tout premier poulain d'élevage et il était plutôt fier du cheval qu'il était devenu. Musclé doucement par ses prés en pentes, sa croissance presque terminée, il n'y aurait plus que le travail pour le faire devenir le cheval de dressage que Liam voulait qu'il soit. Mais il avait une bonne conformation et ce ne serait plus qu'une question de temps avant qu'il devienne une graine de champion !
Toujours de front, ils s'engageaient dans une large allée boisée quand Myriam reprit le fil de la conversation laisser un peu plus tôt. Ils étaient resté prudent durant la traversé du Haras, ne sachant pas l'un comme l'autre comment leurs chevaux allaient réagir. Mais les deux étaient calmes. Ils ne faisaient que regarder partout, la tête en l'air, d'un pas vif sans pour autant être précipité. Plaisant à voir...
« Alors ? Comment tu te sens ? Ça va, pas trop dur pour l'instant ? »
Le jeune homme sourit, accompagnant un peu difficilement les mouvements de son cheval. Jamais il n'aurait imaginé que la reprise serait si dure...
« J'aurai des courbatures demain... »
La demoiselle rit de plus belle mais lui sourit avec de la compassion au bord des lèvres.
« Je te ferais une séance si tu veux. Après tout, je suis ostéo de formation ! » « Mais tu fais les humains aussi ? Je pensais que tu ne faisais que les chevaux. » « Tu sais, ce n'est pas si différent les chevaux et les hommes... Mais j'ai commencé ma formation par l'humain avant de passer aux chevaux. Si ça peut te rassurer... »
Cette fois elle sourit avec un peu plus de malice et le jeune homme lui répondit. Ils bifurquèrent sur la droite, sur une nouvelle large allée toute droite.
« T'as vu les résultats du CSO ? »
Le jeune homme, ne voulant plus faire parti de l'équipe de compétition, ne prenait plus part aux réunions d'équipes. Il venait encore aux réunions d'élevages mais il se contentait de ça. Il secoua ainsi négativement de la tête. Il avait vu les parcours mais il avait du s'absenter avant la remise des prix, ne se contentant que des spéculations de Myriam et Liam. Et personne ne lui en avait parlé ; remarque, le concours s'était déroulé tout juste la veille.
« Louna a terminée seconde comme on l'avait dit. Ezra cinquième. Logan et loin derrière et Lou est avant dernière... » « Pour Lou c'est pas bien grave. Kim est hyper jeune et c'était son premier concours. Normal qu'il soit impressionné. » « Oui, c'est ce qu'on lui a tous dit. » « Elle n'était pas trop déçue ? » « Non ça va. Elle avait le sourire en sortant. Elle pensait qu'elle se ferait éliminée. » « Tant mieux alors... Par contre pour Logan... »
Il grimaça. Malgré sa timidité, Logan détestait l'échec. Surtout que pour l'instant, il avait fait de bons résultats au Haras. Myriam grimaça aussi, regardant devant elle pour faire passer Sinok au dessus d'une branche au sol. Le jeune cheval l'enjamba sans manqué de baisser le nez pour la sentir rapidement.
« Il faisait un peu la tronche... Quinzième sur vingt-deux c'est pas terrible. » « Ouai... Mais bon, c'est sa première mauvaise perf', c'est pas catastrophique encore. » « C'est vrai... »
La demoiselle soupira. A sa droite, une touffe de neige tomba mollement au sol, provoquant un écart de la part de Sinok. Le pearl vint frapper de plein flanc Custom à côté de lui, qui se stoppa net et fixa le jeune cheval, comme s'il se demandait ce qu'il pouvait bien lui prendre. Myriam et Izikel eurent le chance de ne pas se retrouver écrasé entre les chevaux, le contact étant été bref. Sinok resta sur place en piétinant un peu, ne sachant pas s'il devait fuir ou pas au vu du calme olympien de son congénère. Finalement, il ronfla et se calma sous les caresses de sa cavalière.
« Là Sinok... Tout va bien... c'est rien, c'est juste de la neige... »
Une fois le calme revenu, ils reprirent le pas.
« Et bah... Faut pas se faire peur comme ça le jeune ! »
La demoiselle sourit, alors qu'ils prenaient de nouveau un chemin à leur droite, identique au précédent.
« Je l'avais pas vu venir celle-là ! » « Ah les jeunes ! »
Ils rirent tout en poursuivant leur chemin. Alors qu'ils reprenaient leurs souffles, le téléphone d'Izikel vibra dans sa poche. Il sorti le petit appareil et regarda l'écran. Ses sourcils se froncèrent.
« Qui c'est ? » « Kwaïgon... » « Oh bah répond ! »
Le jeune homme attendit une seconde de plus avant de décrocher et porter le téléphone à son oreille.
« Kwaï ? » « Hey ! Walig ! Comment tu vas ? » « C'est plutôt à moi de te demander ça ! Mais ça va ! Et toi ? » « Ça va mieux, ne t'inquiète pas pour moi. Je vais quand même rester encore un peu à New York. Quelles nouvelles du Haras ? » « Ok... Euh... Lou a participé à un CSO avec Kim. Ils sont arrivés avant dernier mais Kim a sauté tout le parcours. » « Ah ! Tant mieux ! » « Sinon, c'est comme d'habitude... Et toi ? Tu as avancé ? » « Oui. C'est pour ça que je t'appelle. On a trouvé son identité. » « Ah ! Bonne nouvelle ! Continu... » « Il s'appelle Kam Peak... Et il est au Haras. » « ... Quoi ? » « D'après ce qu'on sait, il ne sait pas qu'il est là du fait de sa mère. Il ne sait rien de ses plans à elle. » « Se serait une victime ? » « En quelque sorte oui... Mais il faudrait quand même le surveiller. D'ailleurs son dossier d'admission date de la semaine dernière. Il a du arriver ou va arriver ces jours-ci. Repérez-le, accueillez-le même si vous voulez, pour pouvoir le garder à l'oeil. Nous on va poursuivre l'enquête. Il vivait à New York avant le Haras. » « Ok... T'as une photo ? Je regarderais dans les dossiers des élèves voir son arrivée. » « Je te fait un mms. » « Ok... Merci Kwaï... » « Pas de quoi. Je te laisse on a encore du pain sur le planche. Salut tout le monde pour moi ! » « Ok ! A très vite Kwaï ! »
Le jeune homme raccrocha et rangea son téléphone avant de croisé le regard intense de Myriam.
« Alors !? Racontes !! »
Et l'éthologue lui raconta la conversation...
***
La ballade s'était bien terminée. Les chevaux étaient resté sages tout le long du parcours. Ils étaient resté au pas, à cause de l'enneigement des chemins, les rendant peu sûr. Mais c'était tout de même une sortie positive. Malgré tout, ils devaient maintenant réunir l'équipe pour leur expliquer ce que Kwaïgon avait dit. Mais avant, le moniteur d'éthologie voulait repasser par son bureau et sortir le dossier du jeune homme... Autant en savoir un peu plus sur lui avant qu'il ne débarque... Ou qu'ils n'aillent le chercher...
Le métis secoua énergiquement les bras au dessus de sa tête avec un grand sourire sur les lèvres. A quelques mètres de là, Liam et Louna se retournèrent pour sourire également aux deux cavaliers qu'ils étaient venu chercher. Ils firent les quelques pas qui les séparait, Ezra chahutant un peu Izikel au passage, avant de tomber dans les bras l'un de l'autre. Ezra serra tour à tour Liam et Louna et Izikel fit de même, bien qu'avec un peu plus de retenue. Bien sûr, il était content de rentrer au Haras, de retrouver les chevaux et les membres de l'équipe après ces trois semaines d'absence, mais il n'en avait pas pour autant oublié tout ce qui s'était passer avant. Trois semaines loin de la vie du Haras ne suffisaient pas à en effacer son histoire. Rien ne le pourrait d'ailleurs.
« Vous avez fait bon voyage ? » « Très bien ! Il n'y avait pas trop de monde dans l'avion. Et le changement à Istanbul s'est très bien passé. » « Tant mieux ! J'en suis ravi ! » « Et comment va ta mère ? »
Ezra sourit doucement en tournant les yeux vers Louna, qui avançait les bras croisés à côté d'un Izikel silencieux.
« Ça va. C'est pas facile pour elle encore mais elle se remet doucement. Elle a reprit sa vie sociale en main, ce qui est déjà une bonne chose ! La communauté de son quartier l'a beaucoup soutenue et c'est bien. Bien sûr elle a été plus heureuse que ça par le passé mais après tout ce qui lui est arrivé, je trouve qu'elle s'en sort plus que ben. »
Il sourit de nouveau, rassurant. Louna fit de même en hochant un peu la tête. Elle semblait dire « Tant mieux alors ! », mais aucun mots ne sorti de sa bouche. La mère d'Ezra avait perdu sa fille, la sœur du métis, l'année passée. Ezra s'était d'ailleurs absenté à ce moment là, mais à l'époque, il n'avait pas dit pour quelle raison. En attendant, il était aller rendre visite à sa mère en compagnie d'Izikel, profitant du creux qui les avait frappé durant cet hiver. Et toute cette absence avait fait du bien à tout le monde apparemment. Malgré son silence, Izikel revenait plus frais et visiblement remit physiquement. Ezra était plus souriant et détendu.
« Ça va Louna ? Tu ne dis rien depuis tout à l'heure ? »
La jeune femme releva la tête vivement et sourit sincèrement au cavalier.
« Ça va ! Je suis juste un peu fatiguée par le décalage horaire. J'y ai droit à chaque changement de pays. Ça ira mieux cette après-midi après la sieste ! »
Ezra rit doucement alors que Liam souriait également. Et même Izikel se dérida un peu, lançant à Louna un regard compréhensif. Ils quittèrent l'aéroport de Gengis Khan et se dirigèrent vers le parking, avec les valises des deux cavaliers. Une fois le tout embarqué, ils grimpèrent dans l'habitacle et prirent la route pour le Haras.
***
Ezra ne pu empêcher un rire en voyant les installations du Haras pour le trimestre. Et Izikel eu un soupir entre le soulagement et l'incompréhension. Liam leur expliqua rapidement l'organisation des yourtes avant de garer son 4x4 au parking et les aider à décharger leurs affaires. Louna fila rapidement de son côté : Alejandro et Angora étaient seuls pour s'occuper des 14 chevaux de leurs cheptels et elle n'aimait pas les laisser seuls tous les deux...
« On se voit tout à l'heure au dîner ? » « Oui chef ! »
Ils échangèrent un sourire alors que la demoiselle s'éloignait à petites foulées. Liam tendit la dernières pochette pc à Izikel et referma le coffre d'un coup sec.
« Et voilà la dernière ! » « Le déménagement s'est bien passé ? » « Très bien ! En fait, Ale et Angora s'en sont parfaitement sorti avec les chevaux. Et le matériel c'est pas grand chose tu sais... » « On est les premiers de retour ? » « Oui. Logan et Myriam ne rentreront pas tout de suite. Et Lou m'a envoyé un message en me disant qu'elle revenait dans une ou deux semaines. Elle devait rentrer en même temps que vous mais elle a changé d'avis. » « Son père lui a demandé de rester un peu. Il avait prévu une randonnée avec toute la famille je crois. » « Lou t'as donné des nouvelles ? » « Oui... Elle m’envoie un message chaque jour. »
Liam haussa un sourcil mais ne commenta pas. Izikel de son côté sourit. Il savait qu'à ce moment là, dans la tête de Liam, tous les scénarios possibles d'une relation entre Ezra et Lou prenaient forme. En attendant, ils avaient presque atteint les yourtes des chambres, à bord d'une petite voiturette de golf. Liam affectionnait particulièrement ces petits engins qui suivaient le Haras dans tous ses déplacements. Ils étaient tout spécialement à leur disposition quand ils avaient des bagages à déplacer. Mais Liam abusait certainement un peu de ce service en les utilisant aussi pour lui-même. Balader les poneys avec la voiturette en faisait même parti... Il déposa les deux hommes devant la yourte d'Ezra et fila à son tour. Lui aussi ne voulait pas trop laisser ses protégés. Tout en conduisant son petit bolide, il fit signe de la main aux deux hommes, ce qui leur arracha un sourire à chacun.
« On range vite fait et on va visiter les lieux ? » « Ça marche ! »
***
Une petite heure plus tard, Izikel se trouvait dans le hall majestueux du manoir, attendant sagement Ezra. Après une observation minutieuse des lieux, il s'était tourné vers le panneau d'information. Il aimait savoir ce qu'il y avait aux alentours et ce qu'il pouvait faire dans le pays d'accueil. Cela faisait très -trop- longtemps qu'il n'avait pas pu profiter des grands espaces et d'une balade à cheval, sans aucune restriction ni aucune limite. La Mongolie était le pays parfait pour cela et ses désirs de grandes escapades. D'ailleurs, une brochure attira son attention. Plutôt, un article de presse épinglé sur le panneau de liège. Il présentait un temple mongol, perdu au fin fond des montagnes et en tout petits caractères, l'évocation d'un trésor perdu. Le jeune homme fronçait les sourcils pour essayer de déchiffrer les petites lignes quand Ezra s'approcha avec un sourire.
« Concentré ou préoccupé ? »
Le jeune homme releva les yeux mais garda sa mine concentré.
« Concentré. » « Et pourquoi donc ? » « Ça. »
Il désigna du doigt le morceau de papier et Ezra se pencha à son tour sur la coupure du presse pour la lire. Une fois la lecture achevé il se releva avec un fin sourire sur les lèvres.
« Une envie d'aventure ? » « Juste de randonnée. »
Ils échangèrent un sourire avant qu'Ezra lui assène une tape amicale dans le dos.
« C'est que je serais presque tenté ! » « Seulement presque ? »
Ezra sourit de nouveau, plus largement qu'auparavant.
« Tu me connais trop bien Walig... »
***
De loin, le Haras semblait n'être qu'un enchevêtrement de tentes blanches et immenses. Mais en fait, il était plutôt bien organisé. Les yourtes des éleveurs se trouvaient près des élevages, celles des cavaliers pro, pas très loin de celles des stabulations etc. et les infrastructures de travail étaient parsemées dans tout cela, permettant à tout un chacun d'avoir quelque chose pour travailler non loin de lui. Chacun avait son univers et pouvait ne pas en sortir s'il le souhaitait. L'espace commun restait tout de même le manoir, qui trônait au centre d'un lac naturel. Aux allures de temple bouddhiste -ce qu'il devait sans doute être à la base- on y accédait seulement par le biais d'un pont de bois, assez large pour que passe une voiturette de golf mais sans garde corps de chaque côté. Heureusement, le lac autour du pont ne semblait pas très profond. Mais il n'y avait aucun doutes pour que le jeune éthologue y regarde à plusieurs fois quand il passerait sur le pont. Dans le manoir, ils trouvaient tout le confort habituel et nécessaire, mais le tout dans le ton du pays. Cette fois, pas de cheminée et de canapé moelleux, mais des bancs de bois avec des coussins. Des tapis soyeux et de petites niches où s'isolé à profusion, remplie de coussins. Il y avait le wifi partout, étrangement. Mais Izikel n'allait certainement pas s'en plaindre. La bibliothèque regorgeait des même livres habituels, mais il y avait aussi un rayonnage sur le pays d'accueil et ses légendes. Et c'est presque ce que préférait le jeune homme : pouvoir découvrir un nouveau monde.
Au tout début, c'était cette raison qui l'avait poussé à intégrer le haras : pouvoir voyager et s'évader. Il avait passer toute son enfance dans un couvent, élever par des sœurs bénédictines. Et même s'il était plutôt libre, il y avait là-bas un rythme de vie strict à respecter qui lui avait pesé à force d'année. Il n'était pas croyant, malgré les sœurs qui l'entourait et qu'il fut élevé selon les règles de Saint Benoît. Il avait été l’exception unique, l'étranger observateur qui n'est là que pour un temps, ce qui avait attiré pas mal de soucis au monastère. Mais la Mère Supérieure avait toujours prit sa défense et s'était battue pour lui. Il lui en avait toujours été d'une infinie reconnaissance et aujourd'hui encore, sa seule pensée lui fait monter les larmes aux yeux. Son décès avait été sa première désillusion... Il en avait été grandement affecté...
La visite complète du Haras leur avait prit ce qu'il restait de leur après-midi et c'est avec un certain soulagement que les deux hommes se dirigèrent vers le manoir pour y retrouver leur quatre autres compagnons pour le dîner. Louna était effectivement plus souriante et enthousiaste, Liam était égal à lui-même. Angora semblait fatiguée mais elle leur servit son sourire habituel : un peu forcé. Mais tous commençait à prendre l'habitude de l'ingratitude naturelle de la jeune femme. Quand à Alejandro, il était pétillant. Un peu poussiéreux mais le regard étincelant d'un petit quelque chose qu'ils ne lui avaient jamais vu jusque là, autant Izikel qu'Ezra. D'ailleurs, la chose surprit le métis car en s'asseyant, il interrogea l'américain.
« T'as l'air... Bizarre... Qu'est-ce qui t'arrive ? »
Ale le regarda bien en face avec un large sourire sur le visage. Le voir sourire ainsi pourrait paraître rebutant ; ce n'était pas dans ses habitudes. D'ordinaire il avait un sourire mesquin ou lascif collé au visage. Là il semblait... épanoui.
« Je vais parfaitement bien ! Et vous ? Ça été ces petites vacances ? » « Très bien merci. »
Ale sourit plus largement encore en ouvrant grand les yeux avant de rire doucement. Ezra de son côté grimaça un peu en le dévisageant. Il avait décidément bien du mal à comprendre l'américain...
« Alors, vous en pensez quoi du Haras cette fois-ci ? » « C'est sympa ! J'aime bien ce côté rustique et retour aux sources ! » « Moi aussi ! » « Ça va nous changer un peu du confort habituel. » « Ne t'avances pas trop là-dessus, les yourtes sont le meilleurs endroit dans lequel j'ai dormi depuis au moins quelques années ! Le silence... Les lits en plumes... ! »
L'éleveur ferma un instant les yeux en soupirant, s'imaginant sans doute plongé dans ses draps. Cette vision arracha des sourires à tout le monde alors que Louna posait devant eux un grand plat rempli de « buuz » et de petits légumes glacés au wok.
« Ce soir c'est traditionnel mongol les enfants ! »
Ale se jeta presque sur la cuillère de service en se levant, servant chaque assiette sans pour autant demandé son avis à quelqu'un. Encore une fois, Ezra fronça un sourcil et se pencha vers Liam.
« Mais qu'est-ce qu'il a ? » « Il est à cours de cigarettes. Il n'en trouve pas par ici. » « Ah... »
Ceci explique cela... Enfin, c'est ce que pensait Ezra en tout cas. Une fois tout le monde servi plutôt généreusement, le repas commença avec un Ale dévorant. Être en comité aussi réduit semblait étrange à l'éthologue mais il allait devoir s'y faire, pour quelques jours en tout cas.
« Vous avez découvert des choses durant votre visite ? »
Les deux irlandais échangèrent un regard et l'éthologue acquiesça du regard.
« Oui. A vrai dire, Izikel a repéré une possibilité de randonnée sympa. On a bien envie d'y aller. Je pense que ça ne durera pas plus d'une semaine. » « C'est sympa ! C'est un bon moyen de découvrir les alentours. » « Oui. Et puis cela fait longtemps qu'on n'en a pas fait. Ce serait la bonne occasion de revenir à l'essentiel. » « On pourrait la faire tous les quatre ! On laisse les filles au Haras et on part entre potos ! »
Tous les regards se tournèrent vers Ale et Ezra soupira presque de désespoir. C'était décidé, il n'aimait pas le Alejandro en sevrage tabagique.
« Demain je vais dans la ville la plus proche et promis, je te trouverais des cigarettes. »
Le sourire de l'américain s'agrandit encore un peu plus. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais Liam le coupa net.
« Pourquoi pas !? Si ça ne gêne pas les filles... »
Il tourna un regard interrogateur vers Louna qui sourit doucement.
« On devrait pouvoir s'en sortir. Je demanderais de l'aide à Enzo dans le pire des cas. » « Je serais bien venue mais trop de mec tue le mec. Je préfère rester avec Louna ! Et puis dormir sous tente et tout... C'est pas mon style... » « Alors c'est décidé ! Merci les filles ! » « On part quand ? »
L'enthousiasme débordant d'Alejandro faisait sourire même s'il tapait sur le système. En attendant maintenant, il n'y avait plus qu'à organiser le voyage !
J'ai 300 Lignes J'utilise un "résumé x2" de Louna Merci pour la correction ! =)
Ezra s'avança vers l'élevage de Liam, avec une certaine gravité dans le regard. Il n'était que neuf heures du matin et il s'était levé tôt pour aller dénicher le précieux sésame ; la chose qui allait lui faire passer -il l'espérait- une bonne randonnée ; ce dont il rêvait presque depuis la veille. Et heureusement, il l'avait trouvé. Il n'avait pas lésiner sur les moyens. Il avait d'ailleurs dû négocier ferme. Mais il avait réussi. Il entre dans l'élevage de Liam en tenant devant lui, du bout des doigts, le petit paquet rouge et blanc. Il entonna une chanson de cérémonie et avança doucement vers Ale, dont le sourire s'élargissait au fur et à mesure que le métis approchait.
« Tan tan tandan tandan tadan ! Pas de câlins ! Si tu me touche je te butte. Tadaaaa ! »
Ale se mordit la lèvre et réprima l'envie de serrer Erza dans ses bras. Il soupira fortement avant de prendre avec précaution le paquet de cigarette que le métis tenait du bout des doigts et de l'ouvrir prestement pour allumer rapidement une cigarette. Après sa première bouffée, il se laissa lentement glisser le long d'une paroi d'un box et soupira fortement.
« Hannn mon dieu... Merci ! Merci du fond du cœur. J'étais en manque. » « Ça, j'ai cru le comprendre ! Maintenant que tu as un paquet tu ne seras plus sur-excité ? » « Nope mon Capitaine, je vais redevenir comme avant... » « Bien ! J'en suis ravi ! »
L'américain ferma les yeux un instant, savourant visiblement sa cigarette, ce qui fit soupirer un peu Ezra. Liam s'approcha alors doucement et regarda le jeune homme avec un fin sourire.
« T'as finalement trouvé c'est cool ! » « J'en suis ravi ! »
Liam sourit. Visiblement, il l'était aussi.
« Bon, si vous êtes prêts, on part dans une demi-heure ? » « Ok. » « Parfait patron ! »
Les trois hommes échangèrent un sourire et chacun parti finalement rejoindre la monture qu'il lui avait été attribué pour leur horse-trip mongolien...
***
Une demie-heure après, tout le monde était devant l'élevage de Liam. Alejandro était redevenu le même qu'avant, avec son sourire un peu cynique, mais il gardait dans les yeux une reconnaissance et une joie qu'ils ne lui connaissaient pas avant. Comme s'il dévoilait le "vrai" Alejandro et qu'il faisait doucement tomber le masque. Ou qu'il se découvrait lui-même, Ezra ne saurait le dire. Liam avait accepté de lui confier Orcanta pour la randonnée. Louna lui aurait bien laisser Nara, mais la belle pie était encore mère adoptive pour le jeune Prisme, et ils ne pouvaient pas partir avec un poulain avec eux... Ezra montait Mériador, son étalon de cavalier pro, toujours dans l'optique de travailler celui-ci et de l'habituer à tout. Liam avait prit son cher Call pour "un dernier ride avant la retraite !". Et Izikel montait Custom, en simple side-pull. Mais cette fois, il avait une selle western assez légère. Tous avait des selles de randonnée avec des sacoches remplies. Les vivres avaient été partagés ainsi que les deux petites tentes dans lesquelles ils dormiraient. Pour ne pas trop fatiguer les chevaux, ils avaient convenu d'échanger le matériel un jour sur deux. En tout cas, ils étaient prêt à partir ! Une fois le matériel de chacun vérifié par un Liam attentif, ils se mirent en selle, sous les regards amusés de Louna et Angora.
« Tout le monde est ok ? » « Yep ! » « Bon pour moi ! » « Je vous attends moi. »
Liam et Izikel échangèrent un sourire amusé et amical. La randonnée promettait ! Ils saluèrent chaleureusement les filles et se mirent en route, deux par deux. Liam et Ale marchant de front derrière Ezra et Izikel. Les chevaux étaient calmes dans l'ensemble malgré le fait qu'il y ai trois étalons et le soleil brillait doucement au dessus de leurs têtes. Ils naviguèrent entre les yourtes, Ezra ayant la carte et Izikel la boussole et finirent par s'éloigner doucement de l'amas de yourtes pour s'enfoncé dans la plaine...
Ce qui s'étendait devant eux n'était que plaine herbeuse et roche. Au loin, une petite chaîne montagneuse était leur destination, mais entre eux et le monastère qu'ils devaient rejoindre, il n'y avait qu'une vaste plaine avec des buissons ras et de l'herbe. Ils commencèrent par suivre une piste large, se permettant la fantaisie de se mettre de front ou en peloton éparpillé. Mais au fil de leur avancée, le chemin se resserrait et ils décidèrent de se mettre en file indienne. Autour d'eux, il régnait un silence apaisant. Une très légère brise venait rafraîchir les chevaux, au pas depuis le début de leur périple. Ale n'était pas encore très à l'aise en selle, il leur avait confier n'avoir pas monter à cheval depuis plusieurs années, mais Liam était plutôt satisfait de lui. Il connaissait les bases et il estimait le niveau du jeune homme à un bon galop quatre, ce qui était suffisant pour Liam, du point de vue soins du cheval. Le travail, c'était autre chose. En attendant, tous était d'accord avec Liam, pas de folies et de galopades écervelées durant la randonnée. Non seulement il fallait préserver les chevaux, mais il fallait aussi préservé Ale. Ils verraient au fil de leur journée comment le terrain évoluerait. En attendant, ils faisaient route tranquillement, Ezra fredonnant un air venu tout droit des plaines américaines, très western, Liam l'accompagnant en une sorte de beatbox improvisé. Izikel restait assez sérieux bien que son visage s'illumine de son sourire. Mais il restait attentif à leur route étant donné qu'il était en tête. Ale quand à lui, encadré entre Ezra et Liam, se contentait de suivre les mouvements de son cheval en observant le paysage. Il semblait apprécié, et c'était tout ce qui comptait.
Après un départ calme et un petit ruisseau traversé, Ale brisa finalement le silence d'une voix douce.
« Au fait, on va où du coup ? On a un but précis ou c'est juste comme ça ? »
Ezra se retourna sur sa selle pour faire face à l'américain et lui sourit.
« On a un but précis ! On a tout un parcours et le but à la fin, c'est de trouvé le célèbre trésor de Gengis Khan ! » « Pas mal ! J'aime l'idée ! » « Et vous savez où il est ce trésor ? » « Enterré avec lui ! On ne sait pas exactement où est sa tombe, et on a prit la solution débrouille en ne demandant pas aux locaux. Mais on a un indice. Caché quelque part dans un temple, en haut de la montagne. » « Ça promet ! »
Les quatre hommes échangèrent un sourire avant que Walig ne les arrête. Un petit fossé leur barrait la route. Il l'observa de haut et laissa Custom regarder la chose. Sans trop demandé son avis à la tête pensante, le bai rassembla ses pieds sous lui, baissa le nez et se propulsa mollement au dessus du trou, secouant un peu son cavalier au passage, mais l'éthologue ne lui en tint pas rigueur. Il fit volte-face une fois de l'autre côté et sourit.
« Ça passe ! » « Ale, vas-y d'abord. »
Le jeune homme acquiesça et mena Orcanta devant le fossé. En insistant un peu, la jument se rassembla et sauta d'un bond léger le fossé. Ezra passa ensuite en venant dessus au petit trot. Liam de son côté laissa faire Call qui ne sauta pas, préférant poser délicatement les sabots sur la pente du fossé avant de grimper l'autre bord d'un bond puissant. La voix rieuse d'Ezra accueillant l'éleveur de l'autre côté.
« Mais quelle feignasse ! Regardez-moi ça ! » « Sans se fatiguer monsieur ! Sans se fatiguer. »
Ezra rit doucement et le convoi reprit sa route. Avant midi, ils se retrouvèrent sur une piste en sable assez large et trottèrent un peu, Ezra finissant au galop à cause de sa monture un peu chaude mais étrangement gérable depuis le début de la journée. Mais bientôt, ils se retrouvèrent en plein milieu de la plaine, sans route ni repère autre que la montagne droit devant eux. Elle était cependant plus grosse, et c'est bien ce qui les rassurait.
Ils firent une halte à midi et demi, près d'un ruisseau où coulait une eau claire. Les chevaux, une fois débarrasser de leurs filets et abreuvés, furent entravés. Malgré tout, les cavaliers les gardaient à l'oeil. Trois étalons et une jument, c'était toujours sujet à risque, d'autant plus à cette saison. Le déjeuner fut frugal. Des sandwiches et des pommes avec un peu d'eau. Pendant qu'Ale et Izikel étaient occupés à estimer leur temps de parcours restant jusqu'aux montagnes, Liam se laissa aller à une sieste digestive, railler par Ezra. Le métis de son côté ôta sa chemise pour se laisser doré au soleil. Le temps était splendide alors autant en profiter !
Ils restèrent là une petite heure, silencieux, se reposant tranquillement. Il arrivait parfois que le silence soit appréciée et aucune pesant. C'était un de ces silence là. Chacun plongé dans ses réflexions, observant le paysage ou tout simplement se reposant. C'est finalement Izikel qui sonna l'heure du départ, appelant doucement ses amis à se relever.
« On y va ? On a encore environ cinq à six heures de route... Avant d'arrivé aux montagnes. » « Cinq heures ? C'est beaucoup non ? » « Le soleil ne sera pas couché à ce moment là ? » « Si peut-être... » « On n'a qu'à continuer un maximum et on s'arrêtera avec la nuit sinon. On n'est pas pressé de toute façon. » « C'est vrai ! »
Tous se remirent à cheval après avoir re-parer les chevaux et la route reprit. Cette fois un peu plus animé que la matinée. Alejandro lança le ton en entonnant des chant paillards, vite reprit par les autres. Liam ne les connaissaient pas tous, mais il en apprit un à ses compagnons ! Tous plus ou moins étonnés que l'éleveur connaisse ce genre de chanson d'ailleurs.
« Moi aussi j'ai été petit je vous rappelle ! » « Ah oui ? Oh miiiince ! Une légende vacille et s’effondre ! »
Le groupe parti en éclat de rire, reprenant doucement ses chansons. Quand ils devaient passer une difficulté, Izikel les stoppait et aller au devant en éclaireur. Ils firent deux haltes supplémentaires pour boire mais en fin d'après-midi, le silence s'était fait dans le groupe et ils avançaient plus lentement. La visibilité devenait moyenne mais les chevaux continuaient imperturbablement leur route.
Mais quand le soleil passa sous la ligne d'horizon des montagnes, Liam éleva la voix, s'adressant au groupe entier.
« On s'arrête peut-être ? Il commence à faire nuit et froid... »
Tous se retournèrent vers l'éleveur, faisant halte dans le même temps. Ale soupira, remuant un peu sur sa selle. La journée avait été longue pour lui. Pour tous de toute façon, hommes comme bêtes...
« J'ai mal aux fesses. » « Comptes pas sur moi pour te les masser ! »
Les deux hommes échangèrent un sourire, sachant autant l'un que l'autre qu'ils ne le désiraient pas.
« Vous voulez qu'on monte le camp ici ? »
Liam regarda un instant alentour. Il n'y avait pas grand chose. Une crête rocheuse un peu plus loin sur la droite. Et à gauche au prochain buisson, il semblait y avoir un ruisseau.
« Pas trop loin du ruisseau ? » « Pas trop près non plus pour ne pas avoir de bestioles. » « Et sous les rochers là-bas ? Ça a l'air de faire un paravent naturel. » « Avec la roche acérée ? Non merci... Je préfère avoir des étoiles que des cailloux au dessus de ma tête ! » « Moi de même ! »
Sur ces mots, le jeune éthologue clôtura le débat et mit en marche sa monture en direction du ruisseau. Ils s'installèrent donc dans la plaine, à une quarantaine de mètre du point d'eau et s'occupèrent de monter leur camp. La fatigue était au rendez-vous, la nuit allait être calme. Mais une certaine satisfaction les envahissait. Ils étaient en pleine aventure ! Et ça n'avait pas de prix !
La soirée avait été riche en émotions. Les quatre hommes avaient été au départ un peu hésitant face à cette culture qui leur était inconnue. Mais ils n'avaient commit aucun imper durant leur cours séjour. Ils avaient étaient plus que surpris par certaines coutumes, mais ils avaient vite comprit que ce qui pouvait leur paraître étrange à eux n'était qu'une chose banale pour ce peuple nomade. Un vieil homme au sourire serein les avait prit un peu sous son aile. C'était le patriarche de la famille. Un accident de cheval lui avait valu l'usage d'une de ses jambes, et il ne pouvait désormais plus aidé aux travaux des hommes. Il restait donc à proximité des yourtes et, chose peu commune, s'occupait de l'éducation des jeunes enfants avec les femmes. Ils avaient eu la meilleure place dans la yourte familiale et les chevaux avaient été soignés et pansés. en somme, la nuit avait été bonne et ils seraient bien resté quelques jours de plus dans ce camp. Mais leur but les appelait et le camp partait également de son côté. C'est donc avec regret mais de grands sourires qu'ils reprirent la route vers leur première véritable étape, le Monastère d’Erdene Zuu.
Ils atteignirent la montagne en fin de matinée, et le monastère deux heures de grimpette plus tard. Le trajet avait été calme, les chants paillard troqués par des balades venues tout droit de l'ouest américain simplement murmurées. Liam était toujours le maître chanteur et les autres écoutaient. Le vent était tombé, la plaine était calme aux abords de la montagne. Le ciel était clair. Rien ne pouvait venir ternir leur quiétude et leur randonnée. Chacun allait doucement à ses pensées et respectait le silence des autres...
Leur arrivée au monastère leur remit tout de même les pieds un peu sur terre. Les esprits reprirent leurs places sur les épaules de chacun et ils mirent pied à terre avant de passé la lourde arche en bois peinte marquant l'entrée du monastère. Un moine en toge orangé vint les accueillir, dans un anglais approximatif mais avec un large sourire. Ils se laissèrent guider jusqu'à l'écurie et s'occupèrent sagement des chevaux avant de rejoindre les moines en prière. Ils s'assirent respectueusement, observant en silence le temps sacré. Ce n'est qu'une bonne demi heure plus tard que le responsable du monastère, un vieil homme au visage buriné par le temps et constellé de rides, qui vint enfin à leur rencontre.
« Sain Bain uu. Soyez les bienvenu mes amis. que puis-je faire pour vous en cette belle journée ? » « Sain Bain uu et merci de votre chaleureux accueil. Nous sommes en randonnée, à la recherche du trésor célèbre de Gengis Khan. Nous cherchons simplement un peu de repos avant de reprendre notre route. » « Oh... Et savez-vous où se trouve ce trésor ? » « Non, pas encore en tout cas... Nous espérions aussi en apprendre un peu plus grâce aux villageois peuplant ces terres. » « Vous ne trouverez rien dans ces montagnes sacrées que des moines et des mongols, jeune ami. Mais j'ai peut-être quelque chose pour vous. Un peu plus haut dans la montagne se trouve une pierre gravée donnant des indications sur la tombe secrète de Gengis Khan. Si vous trouvez la pierre et que vous arrivez à déchiffrer son inscription, peut-être que cela vous aidera. Ou peut-être pas, nul ne sait si le grand Khan à emporter son trésor dans sa tombe ou s'il est dispersé de part le monde... » « On ne perd rien à tenter l'expérience, non ? » « Non effectivement. » « Comment accède-t-on à cette pierre ? » « Vous avez trois choix. Vous pouvez y aller à cheval, à pied, ou vous faire accompagner par un petit groupe de moine. »
Les quatre hommes échangèrent un rapide regard. La décision était déjà prise.
« Alors nous partirons à pied. » « Très bien. Je vais demandé à mon intendant de vous indiquer le chemin et de vous préparer un repas et une couche pour cette nuit. Vous pouvez rester ici autant de temps qu'il vous plaira. »
Ils se saluèrent alors et se quittèrent. La suite de leur périple ne serait sans doute pas de tout repos...
Ils marchaient plutôt avec entrain. Ils voyageaient léger, chacun ayant un petit sac à dos avec de l'eau et une collation dans son sac. Alejandro s'était porté volontaire pour prendre leur petite pharmacie et il profita du trajet dans les montagnes pour allumer une cigarette. Il avançait en silence, escaladant à la suite des autres le chemin à moitié caché par la végétation et à moitié effacé par le temps qui menait à quelques pas du sommet. Ils redescendraient sans doute de nuit à ce rythme là ! Mais qu'importe. Ils avaient un briquet.
Liam fermait la marche, juste derrière Ale. Il avançait avec quelques difficultés et râlait de temps à autre. Ale souriait en l'entendant susurrer que « ce n'était plus de son âge ces aventures ». Pourtant, il n'était pas bien plus vieux qu'eux, mais il était un peu moins sportif. Son t-shirt se retrouva trempé en un rien de temps et les railleries de l'américain firent redoubler les plaintes basses du brun.
Izikel et Ezra marchait devant, un peu plus loin. Ils ouvraient doucement la route. Izikel avait pensé à prendre une corde en plus, au cas où. Il avait bien fait. Ezra et Ale quand à eux, ne sortaient jamais sans au minimum une lame caché. Vieux réflexe sans aucun doute. Malgré tout, la lame du métis leur fut utile, des branches un peu trop basse venait leur couper de temps en temps la route.
Cependant, en milieu d'après midi, ils avaient atteint leur but. Ale aida Liam à escalader la dernière grosse roche avec un sourire un peu railleur.
« Ça va aller papi ? »
L'ex-acteur lui jeta un regard noir avant de s'écrouler sur une pierre basse, les mains sur les genoux.
« Il va te foutre une baffe le papi, tu vas pas comprendre. »
Ezra et Izikel sourirent alors qu'Ale posait doucement son sac pour se pencher vers la pierre. Les deux irlandais suivirent et ... tout bascula. Liam s'écroula sur sa pierre, et tout sourire disparurent des visages. En quelques secondes, les trois hommes conscients étaient encerclés d'une dizaine de pillards armés. Ils échangèrent des regards et la décision ne prit que quelques secondes. Ils n'avaient pas le choix.
Liam pestait à n'en plus finir alors que les quatre hommes progressait doucement pour rejoindre le temple qu'ils avaient quittés quelques heures plus tôt. Par malchance, ou un coup du sort, ils avaient été attaqués par une bande de pillards sans honneur ni entraînement, malgré leurs armes blanches et deux fusils. Liam avait été assommé sans préavis d'un coup de caillou sur le crâne, laissant Ale, Ezra et Izikel seuls face à l'envahisseur. Mais cela n'avait en rien impressionnés les trois hommes. Seul Izikel avait poussé un soupir, celui de découragement suite auquel, si vous avez le temps, vous levez les yeux au ciel en criant « pourquoi moi !? » à l'entité sensée vivre au dessus de vous. Contrairement à ce qu'il pensait, il était plus en forme que ce qu'il devrait être. Il n'avait eu que du repos depuis leur aventure de l'automne et six mois après, il n'avait toujours pas reprit l'entraînement drastique et militaire d'Ezra -entraînement auquel se pliait quotidiennement Lou, Louna et Ale et hebdomadairement Liam et Myriam-. Il aurait des courbatures le lendemain, c'était une certitude, mais pas autant qu'il ne l'aurait cru, ce qui était un bon point. Pour Ale et Ezra, ce n'était qu'une formalité d'une banalité excessive. Quand à Liam, il avait déjà une migraine affreuse et c'est ce qui le faisait le plus râler -bien que le fait d'avoir son polo préféré plein de sang ne lui plaisait pas non plus, et il était difficile de savoir ce qui le faisait râler le plus-. Cependant à part Liam, personne ne disait un mot. Ale réfléchissait à ce qu'il allait dire aux moines, Ezra était égal à lui même, et Izikel commençait à sentir l'énervement et le désespoir monté en lui. Pourquoi ce genre de catastrophe leur tombait toujours dessus ? Pourquoi pas aux autres pour une fois ? Il soupira en passant au dessus d'une branche basse. Mais son sang se glaça quand Liam cria un peu plus fort dans son dos. L'éleveur n'avait pas vu la branche basse et s'étalait par terre de tout son long... Quand il se releva, il avait la figure en sang.
« P**AIN SA M*RE ! M*RDE ! »
Ezra s'approcha en quelques bonds avec un tissu à la main et le plaqua contre le nez de Liam.
« Wow wow wow... Doucement... Là... » « Je suis pas un put*in de canasson Ezra ! » « Je sais. Mais calme toi. Assieds-toi correctement. » « M*rde... » « Ce n'est pas cassé, c'est juste un coup. Vous voulez qu'on fasse une pause ? »
Alejandro haussa des épaules, un fin sourire en coin. Izikel soupira et posa les mains sur ses hanches, réfléchissant un instant avant de répondre d'une voix douloureuse.
« On peut pas faire une pause des crasses qui nous tombent toujours au coin de la gueule ? Je sais pas moi... J'en ai marre qu'on se retrouve toujours tous en morceaux ! Ce sera quoi le prochain ? Un mort !? »
Ezra serra les dents un instant et soupira. Gérer deux crises en même temps, cela devenait compliqué. Il lança un regard à Ale, qui avait eu la gentillesse d'effacer le sourire narquois qui lui collait au visage, mais qui ne fit que hausser des épaules. C'était son groupe, pas spécialement le sien. L'esprit de famille n'était pas encore très ancré dans sa petite tête. Liam fermait de plus en plus doucement les yeux et montra d'un bras mou Izikel.
« Il a pas tord le petit. » « Je sais... Mais ce n'est pas de notre faute, ok ? Nous on se contente de protéger notre famille et nos propres vies. » « De toute façon on sait tous très bien à qui revient la faute... » « Walig s'il te plait... » « Quoi !? J'ai pas raison ? A cause de qui j'ai failli me faire tuer cet automne ? Et c'est sans parler de Kwaïgon ! Six mois après il n'est toujours pas revenu ! Et à cause de qui on se tape ça ! -il montre Ale du doigt- Hein ?! Aux dernières nouvelles, c'était toujours à cause de la même personne ! »
Cette fois, le silence se fit. Liam soupira et se laissa tomber vers l'avant, son front buttant contre l'épaule d'Ezra avec mollesse. Ale grimaça un peu mais ne dit rien. Il comprenait... Au départ, il n'était pas spécialement désiré à vrai dire... Ezra serra les dents. Il ne savait pas quoi répondre. Izikel n'avait pas tord, mais en même temps ils ne pouvaient pas complètement blâmer Louna. Après tout, ce n'était pas de sa faute si elle avait une famille en carton. Le silence se prolongeant, Ale fini par prendre la parole.
« Vous savez... Si... Si je suis un poids pour vous, je peux partir... » « Non. Tu ne gêne pas Ale. T'es plutôt cool comme garçon même si t'es flippant. Mais on a de la chance, tu te transforme pas en gros monstre vert quand t'es pas content. »
L'éleveur releva la tête et sourit, la bouche pleine de sang.
« C'est vrai quoi, ça pourrait être pire. Aller les gars souriez, on est en vacances au milieu de rien. Et P*TAIN que j'ai mal au crâne. »
Cette fois, les visages se déridèrent un peu et ils reprirent doucement leur route. Sur le reste du chemin, Liam râla moins. Une main maintenant toujours le tissu à l'arrière de sa tête et deux compressent dans le nez, il avançait doucement. Lorsque le temple fut enfin en vue, la nuit était tombée. Deux moines les accueillirent en hâte et emportèrent Liam sur une civière improvisée alors que Ale et Ezra discutaient avec le responsable du lieu. Izikel quand à lui alla voir les chevaux. Il ne lui tardait qu'une chose, que la journée se termine enfin...
***
Ils restèrent trois jours au temple. Le temps que Liam récupère un peu de ses blessures. Pendant ce temps là, Ale et Izikel travaillaient à la traduction du code avec l'aide des moines. Quand ils eurent enfin leur réponse, ils reprirent leur route. Le temps était parfait, mais le paysage un peu hostile. La vallée d'Orkhon était cependant splendide. Cette portion du chemin leur paru bien moins longue et le soir venu, ils étaient déjà au pied de la montagne. La question de monter le camp leur paru une évidence à tous et en quelques minutes, le camp était prêt, au pied de la montagne qu'ils graviraient le lendemain...
Avec Orcanta, Custom, Call, Mériador Choix A : Camper au pied de la montagne
Le feu crépitait doucement. Les chevaux étaient attachés un peu plus loin, les deux tentes montées l'une en face de l'autre, dos au vent. Les quatre hommes étaient assit autour du feu. Liam entouré d'un plaid, Ezra perché sur une petite bûche, Ale calé contre sa selle et Izikel simplement en tailleur. Ils n'étaient pas spécialement bavards et fixaient le feu. Le repas était terminé et tout avait été soigneusement rangé. Il ne leur restait plus qu'à aller se coucher, mais par un étrange hasard, ils étaient tous là. Profiter d'un de leur dernier soir ? Peut-être. Le repos des âmes et des corps ? Aussi. Mais après quelques temps de silence, Ale se leva, et alla farfouiller dans ses affaires. Personne ne dit rien, mais il fut suivit de tous les regards. Lorsqu'il revint, il tenait une bouteille de whisky et quatre petits verres, un peu plus gros que des shooters. Il fit le tour du cercle en donnant un verre à chacun et le remplissant entièrement de whisky, jusqu'en haut avant de reprendre sa place. Izikel regardait son verre avec perplexité. Ezra l'avait porté à son nez pour en humer l'odeur et Liam regardait à travers avec un oeil fermé, faisant tourné le verre pour en capter la lumière.
« C'est le baptême du feu ? »
Alejandro sourit en regardant son propre verre, posant avec délicatesse la bouteille à côté de lui avant de se rasseoir doucement.
« C'est en remerciement. »
Cette fois, les regards se tournèrent de nouveau vers lui. L'américain leva son verre en faisant un bref salut de la tête.
« A la vôtre ! »
Tous lui répondirent en levant leurs verres avant de prendre chacun une gorgée. Seul Izikel grimaça un peu et toussa.
« Tu sais que ça la fou mal de tousser avec du whisky pour un irlandais ! » « J'ai plus l'habitude... » « Va falloir que tu la reprenne alors... »
Ezra avait fait sa remarque sur un ton amusé avant de prendre une gorgée de son verre. Izikel s'était contenté de lui lancer un regard un peu acerbe, mais avait fini avec un sourire en coin. Ce temps là lui manquait, c'était une évidence. Liam sourit aussi avant de reprendre le fil de la conversation. Lui n'avait pas perdu de vue la raison de ce verre et s'il pouvait entrer un peu dans la tête de l'américain, il ne se gênerait pas.
« En remerciement alors ? » « Oui... Je... Je sais que ce que vous avez vécu par ma faute n'était pas spécialement drôle et, je voulais m'en excuser. » « C'est pas à toi de t'excuser. T'as rien fait de mal. En fait, t'as même été à l'encontre de tes principes non ? »
Ale fronça les sourcils, tout comme Ezra. Liam suivait sagement le match qu'il avait lancé, en sirotant son verre à petites lampées.
« Qu'est-ce que t'entends par là ? » « On l'a embauché pour tuer Louna et au final, lorsqu'il s'est retrouvé devant elle, il n'a rien fait. Il a été à l'encontre de ses ordres. Et pire encore, il s'est même retourné contre son employeur. J'ai pas raison ? » « En un sens oui... » « Laisses moi deviner. Selon toi donc c'est Louna qu'il faut blâmer ? » « C'est plutôt elle la fautive. » « Elle n'était pas là il y a trois jours quand cette bande de pillards nous est tombé dessus ! » « Ce n'était pas non plus de sa faute en Egypte... » « Mais c'est de sa faute pour tout le reste ! Pour Ale, pour Charles, tout le reste ! »
Un silence s'ensuivit. Izikel vida son verre d'une traite, un peu rageusement et le lança à Ale. L'américain l'attrapa d'une main agile et vida le sien un peu plus posément. Le silence dura encore un instant avant que Liam ne reprenne la parole, avec un ton très calme.
« Je pense que tu lui en veux toujours d'avoir choisi Enzo. » « Pardon ? » « Tu étais très amoureux d'elle... Vous étiez très très liés à Paris et tu as remué ciel et terre pour venir nous chercher dans le désert... Tu t'es plié en quatre pour elle. Tu t'es occupé de ses chevaux. Tu faisais tout pour la satisfaire... Mais elle a quand même rencontrer Enzo. Rappelles toi, ta première rencontre avec lui ! Vous en êtes venu aux mains, il a fallu vous séparer. Et depuis ce jour d'ailleurs tu n'as plus jamais été le même avec elle. Tu as baisser les bras très vite face à Lovely Alibi. Tu as quitté l'équipe et tu fais ton possible pour éviter de monter ses chevaux et même de rester trop longtemps en sa présence... »
Izikel garda le silence, le regard fixé sur le feu, les dents serrées. Que répondre à cela ? Il ne voulait pas devenir méchant. Pas avec eux.
« On dit qu'il n'y a qu'un pas entre l'amour et la haine. »
Il l'avait soufflé, mais dans le silence de la nuit, ils l'avaient tous parfaitement entendu. Le blondinet ouvrit sa bouteille pour re-remplir son verre et celui d'Izikel, se levant ensuite pour le lui donner. L'irlandais lui murmura un remerciement, tenant son verre entre ses doigts comme un enfant. Ale avait poursuivit son tour, remplissant de nouveau les autres verres, même s'ils n'étaient pas terminés, et reprit enfin sa place.
« Je ne crois pas que tu déteste vraiment Louna. Parce que, malgré tout, tu as été à son mariage. Et tu as même accepté d'être son témoin. Ça a dût te demander un effort immense... »
L'irlandais soupira entre ses dents et avala son verre d'un trait.
« C'était une erreur. Et effectivement, ça m'a demandé beaucoup d'efforts... Ce n'est jamais facile d'autant prendre sur soi. Mais cela a eu le mérite de m'apprendre quelque chose... » « Quoi donc ? »
Ils n'eurent pas de réponse. Seulement le regard noir de l'irlandais. Il se leva doucement et rendit son verre à Ale avant de s'éloigner dans la nuit, les mains dans ses poches. Personne ne l'en empêcha et personne ne dit un mot. Ezra se contenta de soupirer et le silence se poursuivit un moment avant qu'Alejandro ne le brise.
« Je ne crois pas qu'il porte autant Louna dans son coeur que ce que tu ne le pense Liam... »
L'éleveur soupira, finissant son verre d'une grande gorgée avant de le tendre à Ale pour qu'il le re-remplisse, ce que l'américain fit.
« C'est ce que je vois... Mais il est trop dur envers elle. Il n'a plus que la vision de l'amoureux blessé qui a, comme tu le disais, franchit le fossé qui sépare l'amour de la haine... Ce n'est pas de la faute de Louna ce qui nous arrive. Certes, elle au centre de toutes nos attentions et de beaucoup de nos intrigues, mais tout ne tiens pas qu'à elle. En fait, c'est surtout à cause de sa famille... » « Oui... Mais il ne le voit pas. » « Et c'est bien dommage parce que vraiment, ils forment une équipe exceptionnelle. Vous les auriez vu au début ! Quand on était encore que tous les trois... Izikel n'était pas comme ça. Il était bien plus bout-en-train que maintenant... » « Oh oui ! Ça je peux le confirmer ! »
Les deux hommes sourirent en restant un peu pensif.
« Le temps change les hommes... » « A qui le dis tu... ! »
Ezra but son verre et fit signe à Ale de lui faire passer la bouteille. Le breuvage n'était pas mauvais alors autant en profiter !
« En tout cas vous avez l'air d'avoir vécu pas mal de choses ! » « Plus que la plupart des gens, c'est certain... » « J'en ai beaucoup loupé je crois... » « Deux ans je crois... » « Et vu ce qu'il se passe en un an avec vous, t'as du louper pas mal en effet ! »
Ezra sourit mais Liam qu'à demi.
« Un jour je te raconterais Ale... Si tu souhaite rester assez longtemps avec nous pour ça. » « Ce sera avec plaisir. »
Ils se sourirent et levèrent une dernière fois leurs verres avant que Liam ne se lève et ne s'étire.
« Demain on a une dure journée en prévision ! Je préfère aller me coucher ! Merci pour le verre ! Bonne nuit ! » « Bonne nuit ! »
Ale lui sourit en le saluant de la tête. L'éleveur rejoignit la tente qu'il partageait avec l'américain. Ezra ne tarda pas à suivre, allant chercher Izikel qui avait été calmé ses nerfs un peu plus loin. Alejandro resta seul face au feu qui se transformait peu à peu en braise. Il s'allongea contre sa selle, regardant l'âtre baisser doucement d'intensité et peu à peu, se laissa emporter par le sommeil...
***
Ce qui réveilla l'américain, il ne sut pas vraiment le dire. Mais quand il ouvrit les yeux, il faisait encore nuit noire. Devant lui, le feu était éteint, mais pas depuis longtemps semblait-il, car une fine fumée s'échappait des cendres. La lune éclairait encore un peu la plaine, et ses yeux mirent un moment avant de s'habituer à la pénombre. Il sentait que quelque chose se passait, mais il avait du mal à définir l'origine des bruits qu'il entendait. Quand on est encore à demi endormi, ce n'est pas facile de faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Mais il se concentra, restant tout de même allongé. Il saisi un piétinement et des couinements pincés. Il tourna la tête vers les chevaux : c'était eux. Ils piétinaient et se bousculaient, ronflant doucement des naseaux. Mais pourtant, la plaine semblait calme. Le ciel était clair. Quelque chose clochait. L'américain se redressa doucement et souffla sur les cendres encore chaudes. Les braises se ravivèrent un peu. Il ajouta du petit bois et souffla encore jusqu'à obtenir une petite flamme. Il se releva ensuite doucement, laissant le feu prendre et alluma la lampe torche de son smartphone. A la faible lumière de celle-ci, il se dirigea vers les chevaux pour tenter de les calmer. En passant la main sur Orcanta, il constata qu'elle était humide de sueur. Quelque chose n'allait vraiment pas. Il se retourna dans l'optique d'aller réveiller Liam, mais quelque chose dans le coin de son champ de vision le stoppa. Il passa de nouveau la lampe dans ce coin mais ne vit rien. Mais en reprenant le chemin du camp, une ombre lui glaça de nouveau le sang. Il se stoppa net et attendit. Puis doucement, il se baissa et attrapa un caillou. Il attendit encore quelques instants, lampe coupée avant de viser et lancer le caillou. Un couinement canin lui apprit qu'il avait touché cible. Mais le grognement de l'autre côté qu'il n'avait pas qu'une seule cible. Il prit une grande inspiration et se précipita sur le feu pour raviver clairement celui-ci, criant après les autres pour les réveiller.
« AUX LOUPS !!! DEBOUT !!! DEBOUT !!! »
Cette fois, un cheval hennit. Il fallait absolument que le feu reprenne.
« DEBOUT !!! A L'AIDE !!! »
Cette fois Ezra se leva, suivit de très près par Izikel et Liam.
« Qu'est-ce qu'il se passe ?! » « Des loups ! »
Ni une ni deux et tous s'activèrent. Ezra découpa des bandes de tissu qu'il enroula autour de grands bâtons alors qu'Izikel et Liam sacrifiaient le reste de whisky pour accélérer l'allumage. Armés de leurs torches et Ale ayant une pelle-bêche, ils encerclèrent les chevaux pour les défendre de la meute qui s'y attaquait. La lutte dura une bonne heure et les laissa lessiver. Quand les loups finirent par déguerpir, le ciel s'éclaircissait à l'est, annonçant le début du jour. Ils ne se recouchèrent pas mais plièrent le camp, laissant toujours quelqu'un avec les chevaux. Décision fut prise de partir tôt, et à pied dans un premier temps. Les chevaux étaient assez éprouvés comme ça. Et bien que eux aussi furent à bout, ils commencèrent leur ascension de la montagne. Pas par le chemin le plus facile en vérité... Mais il fallait qu'il s'éloigne de la plaine, et le plus vite serait le mieux...
Avec Orcanta, Custom, Call, Mériador Choix B : Chemin raide
Il arrive un moment où l'on est face à un choix. Un choix simple, binaire. Mais un choix qui, quel qu'il soit, aura des conséquences. Izikel était face à ce choix. S'il restait, il deviendrait probablement de plus en plus aigri. Il ne pourrait jamais surmonté ce qu'il subissait depuis quelques temps en restant au Haras, il le savait. Pour cela, il devait prendre de la hauteur. S'il partait, les choses ne seraient plus jamais les même lorsqu'il reviendrait au Haras, cela aussi il le savait, au fond de lui. Les choses allaient de toute façon changer. Ce qu'il devait décidé, c'est s'il était acteur ou spectateur de ce changement. Est-ce qu'il allait subir les choses, ou saisir sa chance et tenter par tout les moyens de se relever, de renaître ? Il avait longuement réfléchi et avait décidé de prendre les choses en main. Et quoi de mieux que cette chasse à l'homme qui s'ouvrait à eux ?! Il n'avait pas meilleure occasion...
Il en avait discuté avec Alejandro. Longuement. Très longuement... Toute une nuit, assit tout deux sur le toit du manoir, à contempler la ville au loin, toujours illuminée, jamais endormie. L'américain lui avait raconté son histoire, en détail et il avait fait de même de son côté. Il savait que ce qui l'attendait n'allait pas forcément être tout rose. Il savait aussi qu'il allait devoir faire quelques sacrifices. Il savait qu'il ne reviendrait peut-être pas en un seul morceau, voir pas du tout. Que le chemin serait long. Dur. Qu'il baisserait peut-être les bras. Ou peut-être pas. Alejandro ne savait pas à quoi s'attendre et Izikel encore moins. Mais ce qu'il savait, c'est qu'il devait le faire. Et pour une fois, il devait y aller seul.
Jamais encore il n'avait vécu une "aventure" de cet ordre là seul depuis qu'il était au Haras. Kwaïgon était un habitué de ce genre de chose, Alejandro aussi. Mais lui, pas encore... Le coréen, avec qui il avait passé également une longue nuit à discuter en compagnie d'Ale, avait été de précieux conseil. Il avait des connaissances, des planques, des stocks, partout à travers le monde et il lui en avait donné les clés. Le coréen ne savait pas où cette piste le mènerait, mais qu'importe l'endroit dans le monde, il connaissait forcément quelqu'un ou avait forcément un endroit où aller s'il avait un problème. C'était en parti rassurant. Mais il savait aussi qu'il devrait faire l'impasse sur les voies "officielles". S'il devait prendre l'avion, se serait sous une fausse identité. Le bateau ? Il faudrait qu'il trouve un passeur qui le fasse grimper sur un cargo pour traverser un océan. Le coréen lui avait fournit une batterie de fausses pièces d'identité et de recommandations. Il serait armé, mais devrait se débrouillé seul s'il perdait cette arme. Il aurait des points de chute, mais serait seul.
Alejandro mourrait d'envie de partir avec lui, mais il se savait surveillé. S'il partait, ceux qui était à la recherche de Pierce le pisterait et serait sans arrêt sur ses traces. Izikel était un inconnu et il pourrait se fondre dans la foule sans mal. Il passerait inaperçu, sans arrêt. Et ce serait là le secret de sa réussite. Alejandro n'en doutait pas. Kwaïgon non plus à vrai dire. Et fort de leur confiance, il partait également serein, et décidé. La première étape de son voyage avait été le fameux casier de gare que le coréen avait été ouvrir. A l'intérieur, rien, si ce n'est une gravure dans un coin de la porte, à moitié masquée par un vieux chewing-gum. Au début, il avait cru que ce n'était rien, que la piste se stoppait avant même d'avoir commencé. Mais cette inscription avait quelque chose de familier pour le coréen et, après avoir décollé la gomme colorée (et s'être javellisé les mains), il avait prit le tout en photo pour l'étudier. Et en ce froid soir de novembre, alors qu'il était dans la chambre d'Ale en compagnie d'Ezra, Izikel et Liam, Kwaïgon leur exposa ce qu'il avait trouvé...
« Ce sont des coordonnées GPS. » « Encore ? » « Encore. »
Liam soupira, mais restait attentif. Il avait un peu de mal à joindre matin et soir en ce moment, mais il restait conscient du projet et de l'importance qu'il avait aux yeux des hommes de l'équipe. Il comprenait. Mais il était content que se soit Izikel et lui seul qui prenne par à cette aventure incertaine. Il avait été d'accord pour fournir des fonds au jeune homme et en cas d'extrême urgence, Ale et Kwaï viendraient à son secours, mais rien de plus. Mais l'un dans l'autre, cela convenait parfaitement à l'irlandais. Lui qui pensait ne pas pouvoir s'échapper du Haras, Liam lui avait trouvé les moyens de partir, et il lui en était reconnaissant.
« Ça ne m'étonne pas. Pierce a toujours aimé les chasses au trésors. Qu'il balade ses poursuivants dans le monde entier n'est pas très original de sa part... Plutôt classique en fait. Mais cela lui ressemble tellement ! Elles mènent où ? »
Il sourit un peu, pour rassurer les autres. Il était convaincu que tout cela venait de Pierce et non de ses ennemis.
« En Australie. Au milieu de rien, dans le désert. J'imagine que c'est un canyon au vue des images satellites, mais on ne voit pas grand chose. C'est une zone vide, sans aucun site touristique, trop éloignée des côtes pour qu'il n'y ai la moindre habitation. Vraiment au milieu du désert australien. » « Une idée de ce qu'Izikel pourrait y trouver ? » « Encore un autre message ? D'autres coordonnées ? Je ne sais pas... »
Liam acquiesça alors qu'Ezra soupirait. Le métis était loin d'être en accord avec cette idée... Cette mission. Mais la raison commune l'avait emporté, il n'avait pas le choix et devait se plier à la volonté du groupe. S'il ne le faisait pas, se serait faire imploser l'ordre qu'ils s'étaient imposé et aller à l'encontre de ce pourquoi ils étaient là. Et Ezra ne voulait pas de cela. Des temps sombres les attendait et ce n'était pas le moment de faire voler en éclat leur unité. Louna était certes hors de danger, mais elle était loin de pouvoir reprendre en main son élevage, ses chevaux, et même sa vie. Quand à Liam, la fatigue qui le rongeait et l'avait fait sombrer dans une presque dépression n'avait pas cesser de lui miner le moral. Il était plus fatigué mentalement que physiquement et le tout était difficile à vivre pour lui. Les autres étaient en plutôt bonne santé mentale et physique, mais ils se retrouvaient à devoir porter le groupe à la place de Liam, et ils n'en avaient pas forcément l'habitude. Liam avait toujours été derrière eux et les avait toujours tiré vers le haut. Mais si lui tombait, tomberaient-ils aussi nécessairement ? Non. Et ils n'en avaient pas envie. Alors ils devaient se serrer les coudes, rester là et soutenir. Izikel échappait à cela, mais seulement car il était bien plus bas que Liam et ce depuis longtemps. L'éleveur avait raison, inconsciemment, l'irlandais les avait averti et jamais ils ne l'avaient écouter. Izikel avait lentement sombrer dans une sorte de colère froide dont il ne pouvait plus se défaire. Il avait essayé, bravement, de garder la tête haute et de taire ses émotions. Ne pas les laisser paraître vraiment... Mais il arriva un moment où il ne le pu plus. Ezra comprenait maintenant le changement qu'il avait constaté chez son ami sans pouvoir en définir la cause ou l'origine. Lui le premier n'avait pas su voir la lente descente aux enfers de son ami. Entre les cachotteries de Louna, ses sautes d'humeur à son égard, le départ soudain de Jeff, et le reste, il n'avait pu que s'enfoncer. Il y avait eu des moments où il avait pu s'échapper. New York l'année précédente, puis leur randonnée en Mongolie. Mais l'un avait été trop sombre et l'autre trop rapide pour qu'il se relève de ses cendres. Sa force de caractère lui avait permit de tenir plus d'un an dans cet état d'esprit. Mais désormais, s'il restait, il ne cesserait de se consumer sans qu'aucun d'eux ne puisse rien y faire...
« Tu es certain que tu veux y aller seul ? »
Izikel posa sur lui un regard serein et calme, comme jamais Ezra ne lui avait vu depuis son arrivée au Haras. L'éthologue déprimait-il depuis si longtemps ?
« Plus que certain Ezra. Ça va aller. »
Il sourit et reporta son attention sur Kwaïgon et Ale qui examinaient une carte sur la tablette du coréen. Liam et Ezra échangèrent un regard, Ezra un peu perdu et Liam neutre. L'éleveur haussa des épaules, ce qui conforta le métis dans l'idée que l'équipe allait avoir grandement besoin de lui.
« Regardes, c'est ici. Au nord-ouest des Monts Musgrave. C'est un désert sec, type savane. Peu de plante, pas encore vraiment de sable. Attention aux bêtes qui piquent là-bas, les araignées y sont mortelles. » « Je ferais attention. » « Il faut profiter que l'on est à Singapour et donc pas très loin de l'Australie pour te faire voyager en tant que passager particulier. J'ai trouvé un capitaine qui accepte de le faire. Il part de Singapour dans deux jours -ce qui te laisse le temps de préparer tes affaires et d'organiser les chevaux- et il va directement à Sydney. Il te déposera à Darwin, c'est le seul détour que j'ai réussi à obtenir de lui. La traversé durera une dizaine de jour pour toi, un peu plus. Il en met environ quinze pour aller à Sydney. Une fois sur place tu auras la frontière à passer et tu devras te débrouiller pour rejoindre le désert. » « Ok, pas de soucis. » « Je t'ai préparé un nécessaire de survie pour ton voyage. Emballe tes affaires, prends deux trois fringues de rechange mais pas plus. Il faut que tu voyages léger voire très léger. » « D'accord. » « Ton back-up australien est à Sydney, il sera donc à plusieurs heures de route de toi, mais il a un réseau un peu partout. Par contre il est dans une position délicate, donc tu ne peux le contacter qu'en cas d'extrême urgence. »
L'éthologue acquiesça, concentré. Ezra était rassuré de voir que le coréen et l'américain avaient préparé minutieusement le périple d'Izikel. Ils ne laissaient rien au hasard.
« Je croyais que l'extrême urgence c'était vous deux ? » « Il y a différents degrés d'extrême urgence. Nous c'est vraiment le tout dernier recours, quand même le back-up est impuissant. » « Je vois... »
Liam sourit faiblement et se recentra sur le coréen qui sortait tout un tas de gadget d'un sac. Il tendit à Izikel ce qui ressemblait à un téléphone dans une carapace.
« Ton nouveau téléphone ! Il résiste à l'eau, aux chocs, à la chaleur écrasante et au froid polaire. Il passe partout et possède une connexion satellitaire. » « C'est pas un téléphone quoi. » « Non en effet... Souviens toi de nous appeler tous les deux jours. Si tu loupes un appel je lancerais quelqu'un à ta recherche depuis le point de ton dernier appel. » « D'accord. » « Je crois que l'on a fait le tour... Est-ce que tu as des questions ? » « Non aucune. » « Alors allons nous coucher, la journée de demain sera longue... »
Sur ce point, Liam n'avait pas tord. La matinée du lendemain fut consacrée, pour Izikel, à l'organisation. Il avait donné ses consignes au palefrenier pour Leota et Custom, et s'était arrangé avec Tom pour Arès. Maintenant que le pie acceptait de marché en main à côté d'un bipède, Tom pouvait le mettre au paddock. Aller l'y chercher demandait encore d'avoir du temps devant soi, mais l'éthologue avait une totale confiance en l'éleveur. Il avait ensuite empaqueté toutes ses affaires et le tout allait être expédié par Liam dans leur garde meuble. Enfin, il avait passé une grosse partie de l'après midi avec Alejandro qui lui présentait son kit de survie. Un simple sac à dos qui, selon Ezra, ne contenait pas grand chose... Mais finalement, il contenait le nécessaire. Le téléphone satellite que lui avait fourni Kwaïgon était un véritable mini ordinateur qui servirait même de boussole au jeune homme. Alejandro avait quand à lui fourni un sac de couchage ultra léger et compact ainsi qu'un hamac en filet. Une corde d'escalade d'une trentaine de mètres, très fine mais solide. Divers mousquetons et des mitaines pour l'escalade. Un kit de premiers soins avec plusieurs anti-venins. Des pastilles pour purifier l'eau. Des allumes feu. Des rations militaires compactes. Une pierre à feu. Une gourde pleine. Une serviette en microfibre compacte. Ses divers faux papiers. Un carnet et un crayon. Izikel avait ajouter un t-shirt, un caleçon et un pantalon en toile ainsi que son couteau de chasse. Liam avait céder son couteau multifonction. Ezra, une lampe torche dont les batteries se rechargeaient au soleil. Il avait aussi un chargeur de téléphone solaire, pour son satellitaire. Tout ce qui était sensible à l'eau et autre se trouvait dans une poche hermétique. Lou avait suggéré un piolet ou deux, qui avaient été ajouté au paquetage. Ainsi qu'un sweat à capuche chaud, accrocher sur le sac, à défaut d'y entrer. Un petit nécessaire de toilette et des chaussettes de rechange. Lou avait également ajouté de quoi faire des collets et une scie fil, ainsi qu'un affûteur. Le jeune homme se retrouvait avec une multitude de petits objets mais qui serait nécessaire à sa survie. Il voyageait plus que léger, mais ne s'en offusquait pas, au contraire...
Le soir, il sortait avec Inna et Ezra pour leur dire au revoir. Et au petit matin, avant même que le Haras ne commence à se réveiller, il grimpait sur le pont du cargo, son sac à dos à l'épaule, avec un dernier regard vers la cité état lumineuse...
Il était seul. Enfin seul. Et cela ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps. Trop longtemps même. Ce voyage était une véritable renaissance pour lui. Il ne faisait pas ce qu'il voulait mais en même temps, qu'aurait-il fait sans cette quête ? Ce voyage lui donnait un but, quelque chose pour lui vider l'esprit et c'est précisément ce dont il avait besoin.
Le voyage en bateau ne fut pas désagréable. Le capitaine lui avait accordé une cabine et il passait son temps entre le mess, le pont et sa cabine. Il disputait des parties de cartes avec l'équipage et admirait les mers qu'ils traversaient. Il avait très vite perdu la notion du temps mais ne regrettait pas son choix. En un peu plus d'une dizaine de jours, ils étaient à Darwin. Deux membres d'équipage l'avait accompagné à terre dans un petit zodiac. Le plus compliqué avait été de passé la douane. Mais il avait finalement réussi. Il avait donc loué une voiture tout terrain et avait prit la route en direction de ses coordonnées GPS, de la façon la plus directe possible. Il s'arrêtait dans des stations services et de petits motels pour passer la nuit et manger quelque chose sans puiser dans ses réserves, qu'il étoffa un peu d'ailleurs. Il dormait quand il en avait besoin, pas nécessairement toutes les nuits, mangeait quand il avait faim. Il se déconnectait doucement du monde pour s'enfermer dans le sien et prendre un rythme tout autre. Pour ne pas se laisser avoir par ce faux rythme, il avait programmé une alarme tous les deux jours sur son téléphone satellitaire. Il pouvait appeler Kwaïgon de façon fixe de cette manière... Il lui laissait souvent un message d'ailleurs et le coréen lui répondait de la même manière, par messagerie vocale. Pour l'instant, l'éthologue n'avait rien à raconté au coréen, mais en revanche, Kwaïgon lui donnait des nouvelles du Haras. L'équipe s'était remise au travail avec ardeur et une nouvelle organisation. De nombreux chevaux avaient besoin de se remettre sérieusement au travail et le programme qu'avait établi Logan et Liam ne leur laissait que peu de répit. D'ailleurs, le moniteur de saut, soulagé de revenir, avait aussi été presque abasourdi de l'état dans lequel il retrouvait l'équipe. Il avait bien vu que Liam avait du mal à reprendre pied et avec Ezra, ils avaient reprit l'équipe en main. Le coréen évitait toujours de parler de Louna et s'enquérait souvent de l'état d'Arès auprès de Tom ou d'Inna, et Izikel lui en était reconnaissant.
Pour l'instant, ce voyage lui faisait le plus grand bien. Il avait du temps pour réfléchir mais il essayait de rester concentré sur son voyage et de ne penser à rien. Il se vidait la tête, admirait le soleil se coucher quand il le pouvait. La route jusqu'à Warburton, sur route goudronnée, lui prit deux jours. Ensuite, il suivi des pistes en terre rouge, s'enfonçant peu à peu dans le désert de Gibson. A cette époque de l'année, le printemps laissait doucement place à l'été cuisant. La journée, le soleil illuminait sans une seule ombre le ciel d'un bleu éclatant au dessus de sa tête. La nuit, le ciel était clair mais il y faisait frais et il supportait très aisément son sweat. Il fit un jour entier de route de plus pour trouver le point exact donné par le GPS. Et une fois arrivé, il ne put s'empêcher de sourire. Il se trouvait devant une falaise de roche rouge, abrupte. Il gara son tout terrain à l'abri, et établit rapidement son camp. Il avait fait des réserves d'eau et de bois dans la voiture et il installa un feu de camp qu'il alluma. Le soleil se couchait, il n'allait pas fouiller les lieux maintenant, se serait inutile. Il était à une dizaine de mètre du point exact et il avait trois solutions : soit il devait aller au dessus, soit en dessous, soit à l'intérieur de la falaise. Dans tous les cas, il n'y parviendrait pas dans le noir. Il profita de ce temps de repos pour faire une première observation des lieux. Quelques plantes poussaient à l'ombre de la falaise et celle-ci comportait pas mal d'aspérités. Un peu plus loin se trouvait un trou, sorte de fin canyon qui devait capter sans mal l'humidité de l'air. La végétation était un peu plus foisonnante dans cette espace. Il pourrait s'y glisser au besoin mais il ne voyait pas où menait le canyon. Il décida donc de jeter un oeil à la carte satellite et constata vite qu'il ne pouvait pas faire le tour de cet obstacle en quelques heures. Et dans tous les cas, il devrait abandonner son tout terrain pour passer, ce qu'il ne voulait pas. Au dessus de lui, en haut de la falaise, c'était la plaine rase. Il était donc peu probable que quelque chose se trouve là haut. Il devrait donc trouver le moyen d'aller sous terre ou de s'enfoncer dans la falaise. Il soupira en arrivant à ce constat. Il aurait pas mal de boulot le lendemain. En attendant, il mangea un peu et s'allongea, plongeant rapidement dans un sommeil léger...
*** *** ***
Le jeune homme se réveilla quelques temps avant le lever du jour. Son feu s'était éteint, l'air autour de lui était immobile. Il se leva doucement et s'étira avant de mettre un peu d'ordre dans son camp de fortune. Il éparpilla les cendres par précautions et se débarbouilla comme il pu. Il fini par enfiler ses vêtements et des chaussures alors que le soleil pointait à l'horizon. Les chaussures que lui avait trouvé Alejandro étaient parfaites pour son aventure. A mi-chemin entre la chaussure d'escalade et de randonnée. Il fini par faire quelques étirement et parti courir aux alentours. En même temps, il observait les parois de la falaise, cherchant une faille ou un indice permettant de savoir où se trouvait le point qu'il devait rejoindre. Il ne trouva rien de probant et revint doucement au camp. La seule solution qu'il avait était de passer par la faille qu'il avait repéré la veille et qui formait une sorte de fin canyon. Il s'équipa donc en conséquence : son couteau de chasse sur une hanche, ses piolets de part et d'autre de ses hanches, sa corde, ses mitaines aux mains. Il rempli également les poches de son treillis de tout le petit équipement dont il pourrait avoir besoin : ses mousquetons et des accroches pour l'escalade, sa lampe frontale, ainsi que le téléphone et sa gourde d'eau. Il rangea complètement le camp, glissant les clés de la voiture dans sa poche et s'avança vers la faille rocheuse.
La forme naturelle de cette anfractuosité emprisonnait l'humidité. Le sol était en légère pente, en sable rouge, et les quelques plantes qui poussaient au pied des rayons de soleil étaient un peu plus vivace que celles au dehors. La faille n'était pas très large. En moyenne, il y avait un mètre. Parfois plus ou parfois moins, mais souvent moins. Le sol était relativement plat mais partait parfois en pente douce. Un faible courant d'air froid lui balayait les joues. Il avançait avec prudence dans la veine rocheuse, à l'affût de la moindre opportunité. Après quelques mètres, il repéra, à moins d'une dizaine de mètres au dessus de lui, une sorte de grotte. S'il continuait, il s'éloignait de son objectif. Il décida donc de rejoindre la grotte en s'appuyant contre les parois de roche pour grimper. La montée ne fut pas de tout repos ; la roche était lisse mais pas spécialement glissante, mais outre ce fait, il n'avait pas l'habitude de grimper autant et de cette manière. Il prit donc le temps de faire une pause arrivé en haut et observer ce qu'il venait de trouvé. La grotte s'enfonçait dans la roche en une sorte de tunnel rocheux. Des rayons de lumières tombaient ça et là, donnant au tunnel une faible luminosité. Le sifflement du vent se faisait entendre par rafale. Il n'y avait aucun autre bruit, pas même celui d'un animal.
Le jeune homme avança donc le long du tunnel. Il s'enfonça sur plusieurs mètres à l'intérieur de la roche. Il avançait lentement, plié en deux à cause de l'étroitesse du tunnel. Il devait parfois ramper ou enjamber un trou. Après une bonne heure d'avancée, il déboucha sur un espace un peu plus grand, complètement clos. Un cul de sac. Avec un soupir il s'assit le long de la paroi et sorti son téléphone de sa poche. Avec une certaine surprise, il constata qu'il était pile sur le point GPS qu'il cherchait à atteindre. Il farfouilla donc autour de lui, avec sa lampe de poche et il ne tarda pas à trouver des inscriptions gravée dans la roche. Il y avait des noms, des cœurs et autres déclarations d'amour. Ce lieu aux allures de grotte isolée et difficile d'accès ne l'était finalement pas tant que cela... A moins que ce ne soit encore une ruse ? Une inscription en particulier attira son attention : les initiales d'Ale et Pierce ainsi qu'une suite de lettre sans aucun sens. Ce n'était que le début de l'alphabet et au vu du nombre de lettre, il pensait à de nouvelles coordonnées GPS. Il ne lui fallu pas longtemps avant de décrypter et enregistrer les coordonnées dans son satellitaire. Le sud du Chili, sa toute pointe. Il soupira et restait un peu perplexe. Tout cela lui semblait pour l'instant trop facile...
Il resta un moment dans la fraîcheur de la grotte, avant de sortir, refaisant avec précaution le chemin inverse. C'est en sortant de la grotte qu'il remarqua une petite chose. Juste en face de lui, sur le rebord au dessus de la faille de départ se trouvait un ancrage d'escalade. Un piton, scellé dans la roche. Et un peu plus au dessus, à environ un mètre, se trouvait un autre piton. Son regard balaya la roche et il découvrit un chemin de piton allant vers le haut en diagonale. La configuration des lieux l'empêchait de voir au delà d'une dizaine de mètres ce qu'il y avait, mais le tout avait piqué sa curiosité. Il se prépara donc à escalader tranquillement. il n'avait qu'un seul tenant de corde mais assez long pour s'en faire un harnais ainsi que deux pendant qui serait ses cordes de sécurité. Il fixa un mousqueton à chaque bout et commença son ascension en prenant appuie sur les parois qui étaient encore assez étroites. L'ascension le mena, au bout de deux bonnes heures d'efforts, à une terrasse rocheuse. Là haut, l'air était plus chaud et plus sec. Il se posa un instant pour regarder aux alentours et découvrit un nouveau tunnel. Avec précautions, il descendit le long du boyau rocheux pour déboucher sur une nouvelle terrasse sans issue. Comme précédemment, il explora ce qui se trouvait autour de lui avec attention et ce fut payant. Dans un repli de roche, un morceau de plastique, renfermant un bout de papier. Il tira délicatement sur le tout pour dégager le papier et lu le message. Enfin... S'il pouvait appeler cela un message... Cette fois, il ne pouvait pas le décrypter sans l'aide d'Ale. Il entreprit donc de redescendre avec autant de précautions qu'à l'aller, faisant une pause arrivé en bas, profitant de la fraîcheur ambiante. Quand il se glissa hors de la faille, son campement était toujours là et la journée était bien avancée. Il se débarrassa de son équipement, rangea ses affaires et reprit la route en sens inverse pour rejoindre Warburton.
Il lui fallu une journée et demi pour rejoindre la petite ville. Il trouva sans mal un motel et après avoir prit une bonne douche et un peu de repos, il se décida à appeler Kwaïgon. Il n'eu pas à attendre longtemps avant d'entendre le coréen à l'autre bout du fil.
« Salut ! Tu es en avance d'un jour ! » « Salut ! Je sais, mais j'ai trouvé quelque chose. Je n'allais pas attendre demain. » « Ah ! Tu es déjà revenu de ton crapahutage dans le désert ? » « Oui. Je ne suis resté qu'une journée sur place. Ce n'était que beaucoup d'escalade mais rien de très compliqué. » « Parfait alors ! Qu'as-tu trouvé ? » « Oui ! Deux choses : une gravure, des coordonnées GPS et un message papier à l'attention d'Ale. Sans lui je ne peux pas le comprendre. » « Ale est avec moi, je te mets sur haut parleur... »
Izikel hocha de la tête et attendit. La voix du coach d'élevage ne se fit pas attendre.
« Et bien ! Déjà de retour ! » « Oui, avec un message pour toi. C'était un papier caché. » « Je t'écoute. » « "AC - En second ton lieu de formation"... Ça te parle ? » « Euh... Un peu. Tu as autre chose ? » « Des coordonnées GPS qui donne une pointe de falaise à l'extrême sud du Chili. »
Le jeune homme entendit l'américain soupirer et il attendit quelques minutes sans faire un bruit. Le coréen restait aussi dans l'attente, silencieux. Finalement, l'américain s'éclaircit la gorge et reprit.
« Tu peux m'envoyer une photo du mot et les coordonnées ? Pour l'instant l'un et l'autre n'ont que peu de sens. Essaie de voir s'il y a de l'encre invisible sur le papier en le passant sous une lampe UV ou à la chaleur d'une flamme. » « Je peux. » « Alors on se rappelle bientôt dès qu'on en sait plus l'un et l'autre. » « Ok ! On fait ça. La bise à tout le monde. Bonne soirée. » « Merci à toi aussi ! » « Bye Zik' ! »
L'éthologue sourit et coupa la communication. Il ne lui restait plus qu'une chose à faire à présent... Un petit tour en ville pour trouver du matériel...
« Les îles Samoa. C'est là-bas que tu dois aller. Je ne peux pas te donner le lieux précis, c'est à toi de le trouver, comme je l'ai fait auparavant. Il faut que tu t'enfonce dans la jungle, si tu progresse bien, c'est à trois jours de marche, au sud du Mont Matavanu. C'est de la jungle épaisse et sauvage. Tu trouvera une crique donnant sur une rivière souterraine. Il faut que tu plonge et que tu remonte la rivière sur environ cinq kilomètres. Là, tu trouveras une grotte. Il y a de l'escalade à faire, il faut remonter sur presque cinq cent mètres au cœur de la montagne. En haut, tu donneras sur une ouverture extérieure. Il vas te falloir aller le long d'une saillie rocheuse sur deux cent mètres. Et pour finir, tu trouveras un grotte à ciel ouvert. C'était là que j'avais trouvé mon "trésor". A l'époque il fallait que je ramène un couteau de chasse planqué là-bas, c'était un test physique. Il faut que tu fasse très attention : l'eau est glacée, la grotte est humide et donc glissante et il n'y a aucune installation d'escalade. La saillie rocheuse aussi est dangereuse car friable. Pour repartir, tu peux plonger dans une crique, quelque cent mètres plus bas mais très profonde, mais il faut bien plongé, droit, les pieds d'abord car la chute est très longue. Attention aussi au choc thermique, l'eau y est aussi froide que la première crique, particulièrement à cette époque de l'année... »
L'américain avait soupiré mais Izikel était resté attentif.
« Je suis désolé... Je ne pensais pas que se serait aussi dangereux... Fais très attention à toi Izikel, cette fois, ce n'est pas une balade de santé comme en Australie... » « Ne t'inquiète pas pour moi, ça va aller. »
Les deux hommes avaient échangés encore quelques mots, et avaient coupés la conversation. Le verdict était clair et précis et le jeune irlandais n'allait pas se dérober à sa tâche. Il était plus que motivé. Il rangea ses affaires et prit la route vers Sydney pour trouver une connexion rapide vers les îles Samoa, à seulement quelques encablures de là...
*** *** *** *** ***
Rejoindre les îles Samoa n'avait pas été compliqué pour le jeune homme. Être sur la bonne île non plus et trouver la route du mon Matavanu encore moins. Ce qui allait être compliqué en revanche, c'était de trouver la fameuse crique d'Ale. Car le jeune homme ne lui avait donné que de très maigres informations. Et Izikel était tout de même assez prudent pour ne pas se jeter dans l'inconnu les yeux fermé. Il avait loué une chambre dans un motel pour une semaine et avait revu son paquetage. Il laissait quelques affaires là, dans le coffre et partirait donc un peu plus léger. Il avait aussi acheter une protection contre les insectes de la jungle et s'était renseigné sur les bêtes qu'il pouvait croisé. Certaines étaient dangereuses, d'autres moins. Comme souvent, il fallait qu'il se méfie de ce qui se trouvait au sol ou près de celui-ci. Il avait ensuite fouillé les cartes locales pour trouver la crique qu'il devait rejoindre. Heureusement, une seule paraissait le choix le plus logique et il entra les coordonnée sur son satellitaire. Deux jours après son arrivée sur l'île, il se mettait en route.
Ses deux premiers jours dans la jungle furent les plus éprouvant. Il faisait dans la jungle une chaleur humide on ne peut plus suffocante. En moyenne, il devait subir vingt-huit à trente degrés le jour et en moyenne vingt deux la nuit. L'après-midi était marquée par des pluies épaisses et chaudes, qui, même si elles traversaient difficilement la canopée, empêchaient toute possibilité d'évaporation de l'humidité de la veille. Si bien que le jeune homme était en permanence trempé, que se soit par l'humidité ambiante ou sa propre sueur. Il n'avait qu'une hâte, trouver la piscine naturelle et plonger. La piste dans la jungle ne lui facilitait pas la tâche. Les fougères, arbustes et autres étaient plus grand que lui et il n'y avait pas de route tracé, par même de piste. Il devait se tailler un passage dans la masse, mais il évitait de le faire, préférant écarter les feuilles, ne couper que s'il n'avait pas d'autre choix. Cette technique rendait sa progression très lente. Il faisait des pauses régulières, son corps supportant mal cette condition. Il était rapidement essoufflé et son rythme cardiaque battait des recors sans arrêt. Il se retrouva également vite à cours d'eau mais la forêt en regorgeait. Il n'avait qu'à remplir sa gourde dans une grosse feuille et laisser tomber une pastille d'iode dedans. L'attente ensuite n'était que d'une demi heure avant que l'eau ne devienne consommable. Il avait vite prit le pli. Il dormait peu, par tranche de quelques minutes seulement, toutes les deux heures. La nuit, il en profitait pour avancer un peu plus, la température étant un poil plus supportable. Il mit quatre jours et trois nuits pour atteindre la piscine dont lui avait parler Ale. Il appela Kwaïgon de suite pour lui décrire l'endroit et savoir si c'était le bon. Apparemment c'était le bon.
Avant de plonger quelques trente mètres plus bas, il prit le temps de se reposer. Il mangea un peu et rempli sa gourde, et dormi véritablement durant quelques heures, perché dans son hamac. Il n'y avait rien dans cette jungle que des animaux et des plantes. Pour l'instant, il n'avait senti à aucun moment qu'il était suivi ou en danger à cause d'un être humain. Tout ceux qu'il avait rencontré avait été accueillant. Il n'avait aucune raison de se méfier et il avait raison. Le vraie danger ici était le parcours à accomplir. La traversée de la jungle, l'escalade, la plongée. Il resta longtemps assit au bord de la saillie rocheuse, penché au dessus du vide, à étudié le trou d'eau. Il pouvait descendre le long de la paroi rocheuse en s'accrochant aux arbres. Cela lui éviterait le plongeon. D'en bas, un air frais remontait. Au dessus, une percée dans la canopée permettait d'entrevoir le soleil et un morceau de ciel nuageux. Il laissa son corps se refroidir un peu, avant de descendre et prendre toutes les précautions possible pour entrer dans l'eau. Cette dernière n'était pas si froide que cela, mais il ne doutait pas qu'une fois sous la montagne, elle le serait. Il ne pu plus toucher le fond assez vite et se retrouva à nager. Il avait garder son short et ses chaussures par précaution, mais avait fourré son t-shirt dans son sac. Il avait une petite bouteille d'oxygène qui lui permettrait d'avoir une demi heure d'autonomie sous l'eau, au cas où, avec le temps, les poches d'airs de la rivière souterraine aient disparu. Il remonta donc la rivière, passant sous un arche de roche et s'enfonçant dans le tunnel...
Il n'y avait plus de lumière et l'air se rafraîchit considérablement au bout d'une cinquantaine de mètre. Au bout de cent, le silence se fit alors que la paroi rocheuse se rétrécissait. Il se retrouva vite dans un cul de sac en surface et plongea en apnée pour repéré le passage qu'il devait suivre. Il n'y en avait qu'un. Il enclencha donc sa bouteille, s'arma de sa lampe submersible et plongea. Le passage n'était pas forcément très large et il se râpa une épaule sur la roche, sous l'eau, dès les premières brasses. La température de l'eau s'était considérablement refroidi et ne devait plus dépasser les dix degrés désormais. Mais quand il déboucha sur une grotte souterraine plus large, l'eau ne devait plus dépasser les cinq degré. Alors qu'il dégoulinait de sueur à peine quinze minutes plus tôt, désormais il était grelottant. Mais il devait continuer, malgré l'engourdissement progressif de ses membres. Plusieurs fois il se retrouva face à des fourches et une fois, il du faire demi-tour, perdant un temps précieux et de l'oxygène. Finalement, il du finir en apnée et déboucha sur une grotte, éclairée par une percée tout en haut du dôme de pierre. Il ne pouvait pas aller plus loin, l'eau passait par des fissures ou par infiltration.
Au dehors, il faisait sombre. Probablement bientôt la nuit. Il n'y avait que sept heures d’ensoleillement par jour en moyenne, ce qui faisait de longues nuits. Mais le jeune homme avait d'autres priorités : il devait se réchauffé. Cela devenait presque vital au vu des picotements qu'il ressentait au bout des doigts et des les jambes. Il commençait à être en hypothermie. Il sorti donc de son sac une serviette sèche -enrobée dans le plastique hermétique- ainsi qu'un short de rechange et un t-shirt sec. Il se changea et mangea un peu, la digestion aidant au réchauffement du corps. Il parti ensuite à l'exploration de la partie sèche de la grotte. Les plantes vertes poussant ça et là lui indiquèrent que le niveau de l'eau ne montait pas plus haut, ou peu. La roche était cependant humide et glissante à cause des infiltrations d'eau. Plus encore en cette période de pluie que d'habitude sans doute ! Mais il devrait faire avec. Il trouva finalement le passage dont lui avait parlé Ale. Un sorte de canyon, à une dizaine de mètres au dessus de sa tête. La roche montrait de nombreux points d'appui, mais il ne serait pas chose facile de monter là haut. Le rayon de sa lampe avait des limites et il ne pouvait pas voir le haut du canyon. Il devrait donc le découvrir au fur et à mesure. Il nota aussi qu'une chute lui serait sans doute fatale, ce qui lui arracha un frisson... Mais il préféra ne pas y penser. Il prit un peu de repos, envoya un message à Kwaïgon, ignorant depuis quand le dernier datait et commença son ascension.
La fatigue se fit sentir dès les premières prises. Ses bras, encore en hypothermie, avaient du mal à soutenir son poids. Il tremblait et ressentait souvent des crampes. Mais il serrait les dents. Il ne pouvait pas redescendre sans risquer la chute. Et s'il ne mourrait pas en tombant, il le serait en quelques jours vue l'accès quasi impossible pour une équipe de secours. Il lui fallu une bonne demi-heure pour atteindre le canyon. Il pu reposer ses bras à ce moment là, les parois rocheuses étant proches l'une de l'autre, il était assit au dessus du vide. De là, il eu une meilleure impression de ce qui l'attendait : de la roche à perte de vue. Une fissure rocheuse qui montait doucement. Tantôt dans le noir, et parfois éclairé. Parfois étroite et d'autres fois plus large. A certains endroits, des racines pendaient, ancrées dans la roche. Elles seraient une aide ou un obstacle. Sans se décourager et chassant les crampes de ses bras, le jeune homme poursuivit. Au bout de quelques mètres, il était de nouveau en nage et plein de crampes. L'air était cependant plus supportable qu'à la surface. Même si un peu de chaleur descendait, l'air frais du dessous empêchait l'intrusion massive de l'air chaud. Mais le pire fut la première pluie subit depuis cette fissure. Il dû s'arrêter, suspendu durant deux heures à un enchevêtrement de racine, à attendre que la pluie cesse. L'eau, tiède, s’engouffrait dans la fissure et rendait la roche trop glissante et dangereuse. La fatigue commençait aussi à prendre le dessus sur lui. Il ripa et glissa à plusieurs reprises, se rattrapant souvent de justesse d'une main peu assurée. L'ascension dura trois longues heures dont il perdit vite le compte. Quand il se laissa tomber sur la terrasse de roche, il était épuisé et se laissa tomber dans un demi sommeil qu'il savait non réparateur...
Lorsqu'il rouvrit les yeux, son satellitaire n'avait plus de batterie et il faisait nuit noire. Il pleuvait, mais il était à l'abri, sous un appentis rocheux. Il était au même niveau que la canopée et, à perte de vue, il ne voyait que des arbres d'un vert sombre. Les bruits de la forêt étaient intense ici. Il faisait chaud, mais c'était supportable car une légère brise s’engouffrait dans la fissure, sifflant dans la roche. Il se sentait mieux, mais avait des courbatures dans tout le corps. Il savait que son périple n'était pas fini, mais il n'avait qu'une envie, rester là, à l'abri, sur la terrasse de roche. Il décida qu'il était plus sage d'attendre que le jour se lève et se pelotonna contre un mur, un peu à l'abri du vent. Il n'avait pas prit son sac de couchage, mais au vue de la température ambiante, ce n'était pas bien grave. Il mangea un peu, remarquant qu'il n'avait plus qu'un seul repas en réserve et bu en se rationnant : il n'avait plus d'eau à disposition. Mais normalement, il était presque au bout de son voyage.
Quelques heures plus tard, un soleil blafard perça entre quelques nuages cotonneux. La jungle retrouva sa couleur vert émeraude, et la chaleur accompagna cette percée du jour. Un épais brouillard plana un moment au dessus de la canopée avant de disparaître progressivement. L'irlandais admira le paysage avant de se remettre en route. Il repéra vite la saillie dont lui avait parler Ale et constata avec une certaine inquiétude qu'elle était moins large que prévue. Sans doute les stigmates du temps. Le sac à dos serré, au plus près de son corps, il trouva ses premières prises et commença sa progression le long de la paroi rocheuse. Il s'efforçait de ne pas regarder en bas, seulement où il mettait les pieds : s'il chutait, la forêt ne se trouvait qu'à une dizaine de mètres en dessous de lui et le sol bien plus loin encore. Une chute serait mortelle, à n'en pas douter. Il essayait donc de ne pas y penser et d'avancer. Il progressait lentement, la fatigue et la chaleur ne l'aidant en rien. Ses prises n'étaient pas toujours sûres, la pierre tremblait sous ses doigts et sous ses pieds. Il avait deux cent mètres à faire avant d'atteindre la dernière plate forme rocheuse. Les deux cent mètres les plus long de sa vie... A plusieurs reprises, il ripa sur la roche, perdant sa prise et se retrouvant suspendu à quelques doigts, au dessus du vide. Dans ces moments là, il s'efforçait de se vider l'esprit pour se rattraper et continuer.
Il lui fallu trois longues heures plus que laborieuse pour atteindre l'entrée de la grotte, inaccessible autrement que par le chemin qu'il venait de faire. Lorsqu'il fut en entier sur le sol rocheux et à quelques mètres du bord, il se laissa glisser par terre, secoué de spasmes musculaires. Il resta étendu longtemps à l'ombre de la grotte, à repenser au trajet qu'il venait de faire. Comment un vieil homme aurait-il pu faire le même parcours ? C'était insensé. Impossible même. Il fallait être dans une condition physique irréprochable pour faire ce parcours. Il remerciait d'ailleurs toutes les heures de sport imposées par Ezra depuis l'arrivée d'Ale au Haras. Et même les précédentes. Il n'aurait jamais pu arriver au bout sans cela... Et encore ! Dans quel état était il ? Il était à bout physiquement, et le trajet était loin d'être fini. Il devait ensuite plongé quelque cent mètres plus bas dans une eau glaciale et finalement retraverser la jungle épaisse pour retourner au motel. Il n'en était qu'à la moitié du chemin.
Il s'arracha à sa torpeur avec un soupir et s'étira. Il avait des crampes et déjà des courbatures. S'il ne s'étirait pas maintenant, il se retrouverait bloqué dans la jungle... Ou pire, il pourrait se blesser. Et ce n'était pas le moment. Il en profita aussi pour remettre son satellitaire en charge, profitant des derniers rayons de soleil de la journée. Vu sa position dans le ciel, il ne lui restait plus qu'une bonne heure avant que la nuit ne tombe. Avant de fouiller la grotte, il prit le temps d'envoyer de ses nouvelles à Kwaïgon. Cela faisait trois jours qu'il crapahutait dans la jungle sans lui donner signe de vie. Connaissant le coréen, il devait certainement s'inquiéter au fond. Après cela, il fouilla dans la grotte. Elle était sèche : pas d'infiltration d'eau aussi, et chaude. Peu profonde aussi, sans autre moyen de sorti que la bouche béante qui s'ouvrait sur la canopée. Au fond, il trouva un tas de terre retourné. La terre n'était pas fraîche et tassée. Il était là depuis longtemps... Quelques années. Izikel creusa avec son couteau pour découvrir un petit coffret de dix centimètres sur quinze. Il était en bois sombre, en bon état de conservation. Le jeune homme l'ouvrit avec précaution pour y découvrir une feuille d'arbre séchée. Une languette de papier portait les lettres « PF ». Il n'y avait rien d'autre. L'irlandais se mit au soleil pour prendre en photo le tout et des détails de la feuille pour l'envoyer à Kwaïgon. Il n'avait aucune idée de l'essence à laquelle elle appartenait... Par précautions, il mit tout dans son sac à dos, dans la poche hermétique, reboucha le trou et examina le reste des lieux, mais il n'y avait rien d'autre. Il n'avait plus qu'à examiner sa solution de sortie...
La piscine naturelle se trouvait pile sous l'entrée de la grotte. D'en haut, elle n'était qu'un point turquoise entouré de vert. Un trou de deux mètres de diamètres dans la canopée permettait de la voir. L'irlandais n'aimait pas cela. Pas du tout même. Mais il n'avait pas le choix. Il n'y avait pas besoin de viser pour passer entre les arbres : même s'ils avaient du pousser depuis le passage d'Alejandro, il n'y avait qu'à se laisser tomber bien droit. Il n'avait plus qu'à se lancer à priori... L'irlandais n'avait pas le vertige, mais la perspective de la chute ne lui plaisait guère. Cependant, il n'y avait pas cent mètres de chute libre comme lui avait annoncer Ale. Mais il devait bien y avoir une bonne quarantaine de mètres. Ce qui était déjà plus qu'honorable. Il atteindrait l'eau en quelques secondes, il devait donc bien réfléchir avant de se laisser tomber, pour éviter la blessure. La surface de l'eau ne serrait pas aussi molle que lors d'un plongeon banal... avec un dernier soupir, il regarda autour de lui : il n'avait rien oublié. Avec le reste d'eau de sa gourde il s'aspergea la nuque. Il assura le sac sur son dos et sans réfléchir plus longtemps, se laissa tomber à travers la canopée.
La chute dura cinq secondes. Il resta bien droit et s'enfonça profondément dans l'eau glaciale. Malgré ses précautions, le choc thermique eu bien lieu. Immédiatement après son entrée dans l'eau, il ressentit des picotements dans ses bras et ses jambes. Il fit de son mieux pour sortir au plus vite de l'eau, et s'écroula sur la berge, prit de violent maux de tête et de vertiges. Sa respiration était haletante et son cœur lui donnait l'impression de vouloir s'éjecter de sa cage thoracique. Il était à demi conscient, étendu sur la berge. Heureusement, la chaleur ambiante était en sa faveur et il retrouva peu à peu un rythme cardiaque normal. Sa respiration était encore sifflante et sa tête douloureuse mais le pire était passé. Il resta longtemps étendu sur le sol humide et rocheux et quand il se releva enfin, les vertiges et la douleur étaient encore là. Il s'efforça de remettre son gps en route pour retrouver son chemin et se dirigea avec difficulté vers son point de départ. Son chemin dans la grotte et sur les hauteurs lui avait tout de même fait gagné une journée de marche à travers la jungle. Mais le retour lui paru bien plus long que l'aller, même s'il ne passa qu'une nuit complète dans la jungle. Ses pas étaient hésitants et son regard trouble. Mais il avançait. Il était à bout de force et c'est à peine s'il se rendit compte qu'il sortait de la jungle avec les premiers rayons de soleil. Il se laissa tomber sur son lit et sombra dans le sommeil en un rien de temps...
Lorsqu'il ouvrit les yeux, le mal de tête avait cessé et il n'avait plus de vertige. Il avait faim cependant et un peu froid aussi. Ses vêtements étaient encore humides : il n'avait pas dormi très longtemps. Il se débarrassa de ses vêtements et se plongea sous une douche brûlante avant de faire quoi que se soit d'autre. Finalement il mangea, envoya un message à Kwaïgon avec les photos et s'écroula de nouveau sur son lit.
Quand il refit surface, il faisait nuit noire. Il avait eu la bonne idée de mettre le ventilateur en route avant de s'effondrer, ce qui contribuait à donner à sa chambre un air frais. Il émergea doucement, s'asseyant sur le bord de son lit et regardant autour de lui pour bien se situer. Un sourire apparu sur son visage alors qu'il se remémorait ces derniers jours : il avait réussi. A plusieurs reprises il avait bien cru ne pas y arriver. Mais finalement il était arrivé au bout. Il espérait simplement ne rien avoir loupé Son corps entier criait au scandale et l'idée seule de devoir refaire tout le chemin à travers la jungle et la roche lui donnait des vertiges... En attendant, il consulta son satellitaire : le coréen avait bien reçu son message et ils étudiaient la chose. Il n'avait plus qu'à prendre du repos en attendant de leurs nouvelles... Seul dans sa chambre d'hôtel, fatigué, il se sentait un peu las. Il avait complètement occulté le Haras jusqu'à maintenant. Voilà quinze jours qu'il était parti et il devait bien avoué que quelque chose lui manquait. Les chevaux, et son binôme adoré : Inna et Ezra... Il reprit donc le téléphone qu'il avait jeté sur son lit et envoya un message commun à ses deux meilleurs amis.
« Salut les amoureux ! Alors quoi de neuf au Haras ? Vous me manquez... W. »
L'air de guitare résonnait dans l'air, suspendu dans la fraîcheur du matin. Voilà une semaine qu'Izikel avait débarqué sur la côte ouest canadienne. L'océan s'étendait à ses pieds et une brise légère emportait les quelques notes de musiques que distillaient la guitare. Mais ce n'était pas lui qui jouait. Il se laissait seulement porter par la musique. Et pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien. Serein même. L'air se termina et la tignasse rousse lui fit face avec un grand sourire.
« Alors qu'est-ce que tu en pense ? » « J'aime beaucoup ! C'est très doux ! Mais ça ne me dit rien… C'est toi qui l'a composé ? » « Oui ! Je m'y suis mise cet hiver seulement. C'est ma première composition ! »
Le jeune homme sourit, complimentant encore la jeune femme. Derrière eux, une voix de femme les appela. Ils tournèrent tout les deux la tête dans un même mouvement pour découvrir Siobhan et la mère de Lou leur faire signe. Il était tant de les rejoindre. Ils se relevèrent et remontèrent doucement la pente douce menant à la maisonnette.
Son périple autour du monde à la poursuite de Pierce Finnegan l'avait conduit au Canada. Il y avait contacté Lou, qu'il savait passer les fêtes chez ses parents. En vérité, elle était chez sa grande tante, avec tout le reste de sa nombreuse famille, au bord de la mer, un peu au nord de Vancouver. Noël venait de passer mais Lou et Siobhan ne rejoindraient le Haras qu'après le jour de l'an et le changement de pays. Enfin, en tout cas, pour Lou c'était une certitude. Siobhan serait certainement rappeler par le Haras pour faire le changement de pays avec les chevaux du centre de soin. Revoir un visage familier et dans une ambiance autre que celle dont il avait l'habitude avait quelque chose d'agréable et de vivifiant. Au départ, il n'avait pas voulu venir directement chez la grande tante de Lou-Khyan, mais cette dernière avait tellement insisté qu'il avait dû céder.. Ils avaient fait de la place dans le salon et il dormait sur le canapé en face de l'immense cheminée de la pièce. Cela lui convenait parfaitement. Il ne demandait rien de plus. Il allait resté quelques jours seulement avant de reprendre la route. Il n'avait pas encore fini son tour du Canada… Les coordonnées qu'Ale lui avait donné pour cette fois concernaient un endroit perdu au milieu du parc naturel Riding Mountain, dans les terres canadiennes, un peu au dessus de la frontière avec les Etats-Unis. Il partirait le lendemain, ne voulant pas abusé de l'hospitalité de la famille de Lou.
La solitude ne lui avait pas pesé jusque là mais il appréciait de se retrouver dans cette maison pleine de monde durant quelques jours. La famille de Lou était plutôt nombreuse. Elle avait quatre frères -deux grands et deux petits, des jumeaux- et sa grande tante avait eu deux enfants -son père et son oncle Ben. Ben et sa femme, Sarah, avaient eux même trois enfants, deux filles et un garçon. Il y avait aussi leur grand-oncle, ainsi que les grands-parents paternels. Siobhan, Claire, la fiancée de son frère aîné, ainsi que Carole, la femme de son cousin -l'aîné de toute cette génération. Chaque couple avait sa chambre dans la maison au bord de la plage, mais les célibataires et les enfants plus petits se partageaient un grenier-dortoir et une caravanes dans le jardin. Izikel avait hérité de la dernière place restante : le canapé du salon. Logé tout ce monde là n'était pas une mince affaire ! L'irlandais en était même admiratif.
Il entra dans la salle à manger avec Lou et s'arrêta un instant sur le seuil, ne sachant pas où se mettre. Les patriarches étaient en bout de table, avec le père et l'oncle de Lou. Les enfants étaient tous rassemblés à l'autre bout de la longue table de bois massif de la salle à manger. La mère, la tante et grande-tante de Lou étaient encore dans la cuisine et papotaient joyeusement en préparant les plats à amener à table. Finalement Lou lui prit la main et l'emmena de l'autre côté. Elle s'assit à côté de ses frères, prenant le jeune home à côté d'elle. Siobhan ramena un gros saladier de purée de patate douce qu'il déposa devant eux avant de servir les enfants à recours de grands cris et de rires. Finalement il s'installa en face de Lou et tout le monde prit place naturellement autour de la table. Les conversations étaient animées. Les plats passaient avec fluidité devant lui et s'il voulait goûter de tout, il fallait se dépêcher de se servir. Avoir un repas chaud dans son assiette était un luxe qu'il ne s'était que rarement offert jusqu'ici et cela avait un effet revigorant qu'il avait toutes les peines du monde à imaginer. Le repas se passa sans heurts. A la fin, les mères accompagnèrent les enfants se laver et se coucher, alors que les plus grands se rassemblaient en petits groupes. Quelques hommes se mirent à jouer aux cartes. Izikel préféra raviver le feu de la cheminée et s'installer au calme sur le canapé. Lou le rejoignit et se pelotonna dans ses bras. Siobhan s'installa dans un fauteuil à côté d'eux, nullement gêné par cette proximité physique. Il devait avoir l'habitude avec la rouquine de toute façon… Elle était assez tactile. Izikel ne le voulait pas vraiment, mais la conversation dévia doucement sur le Haras. Il serra les dents et se montra d'une humeur égale, faisant preuve de curiosité. En fait, il en avait, de la curiosité, mais pas pour tout. Pas pour Louna.
« Alors, comment va Liam et sa petite famille ? » « Beaucoup mieux ! Il adore le nouveau, Dean. Il est tout le temps fourré avec lui c'est assez impressionnant. Mais il lui remonte le moral alors personne ne dit rien. »
Le jeune homme fronça des sourcils. A la façon dont la jeune femme en parlait, quelque chose n'allait pas avec ce Dean.
« C'est mal ? Qu'ils soient tout le temps fourré ensemble ? » « Non mais… On ne le connaît pas ce Dean… Il vient tout juste d'arriver et il fait des projets de partout… Comme s'il allait révolutionner l'équipe… On ne remet pas en cause sa capacité à faire remonter la pente à Liam, mais on se méfie un peu quand même… On ne sait jamais. » « Ok. Je ferais attention en rentrant alors… » « Sinon tout le monde va bien. Inna est de plus en plus souvent avec nous. Enfin, surtout avec Ezra. Ce qui est une très bonne chose ! Il regrette ton départ même s'il sait que c'est temporaire… Tu lui manques beaucoup… Tu leur manque beaucoup ! » « Tu manques à tout le monde en fait. »
L'irlandais jeta un regard à Siobhan. Le vétérinaire souriait et avait un regard doux. Il avait un effet bénéfique sur Lou, qui était moins feu follet avec lui. Il était sincère en tout cas et se voulait rassurant. Izikel ne voulait pas le rembarrer alors qu'il faisait preuve de gentillesse. Il se contenta donc de sourire et de le remercier. Mais intérieurement, une petite voix cinglante répliquait « Non, pas à tous... ».
« Et toi Siobhan ? La vie au Haras te plait toujours autant ? Pas trop dur de s'intégrer ? » « Ça va ! Je m'y fait bien. »
Lou explosa d'un rire cristallin et se tortilla dans les bras du jeune homme.
« Tu aurais vu sa tête quand il a vu mes deux grands frères et mon cousin qui nous attendait à l'aéroport ! C'était mémorable ! »
Siobhan grimaça et les trois amis rires de bon coeur.
« En même temps, ça ne doit pas être facile pour lui ! » « Merci ! Enfin quelqu'un qui me comprend ! »
De nouveau les rires reprirent avant qu'ils ne soient rejoint par les mamans et que la discussion ne divague sur autre chose, à des millions de kilomètres de leur quotidien. Izikel écoutait en se laissant bercé, souriant quand il le fallait, acquiesçant quand il le devait et donnant une réponse aussi honnête que possible quand une question se posait. La soirée fut tout de même agréable et quand il se laissa tomber en travers du canapé qui lui été dévolu pour la nuit, il s'endormit tout de suite…
*** *** ***
Le lendemain, la mère de Lou insista pour qu'il ne reparte qu'après le déjeuner. Dans la matinée, la demoiselle et le vétérinaire l'accompagnèrent en ville pour loué une voiture tout terrain et passé un peu de temps avec lui. Cette petite parenthèse chez Lou lui avait fait du bien même si, à peine la maison hors de vue, c'était déjà un souvenir lointain pour lui. Alejandro été maintenant certain de la destination du jeune homme. Pierce lui faisait faire le trajet qu'il avait fait plus jeune, à la recherche de divers objets. L'objectif était de lui apprendre à survivre quelques jours en milieu hostile. Il ne rencontrerait jamais personne, mais le défi physique serait bel et bien là. Il avait commencé par le désert, puis la jungle et sous terre et maintenant, il devrait faire face au froid et à la montagne. Cette étape, selon l'américain, serait la dernière et celle où il devrait trouvé Pierce. Mais il ne savait pas encore où...
Il avait roulé durant deux jours, dormant dans son pick-up, et cela faisait deux jours qu'il était dans le parc naturel de Riding Mountain quand il se mit à neiger. Il avait eu la présence d'esprit d'acheter un manteau d'hiver et des gants à l'approche de la saison froide, mais ses chaussures seraient de moins en moins adaptés. A la fin du deuxième jour, il atteignit la grotte désirée. Il était épuisé et il avait froid. Avec la scie fil de Lou, il coupa des branches et fit un feu à l'entrée de la grotte. Elle lui paru tout de suite beaucoup plus amicale. Mais il n'était pas au bout de ses peines. Un bref coup d'oeil dans la grotte lui apprit qu'il devrait grimper encore un peu plus...
Une journée entière. C'est le temps qu'il avait passé à fabriquer un échafaudage avec les arbres alentours pour atteindre le haut de la grotte. Pour cette épreuve, il y avait la montagne, le froid, mais aussi l'ingéniosité. Il ne pouvait pas avoir le message sans construire une structure, avec ses mains transie de froid. Il essayait de ne penser à rien, sauf à ce qu'il faisait. Isolé du monde, il ne se rendit pas compte du temps qui passait autour de lui. Ce n'est que lorsqu'il retrouva la chaleur de sa chambre d'hôtel qu'il comprit : une semaine venait de s'écouler. Prit de vertige il se laissa tomber sur son lit et sombra dans un sommeil agité...
*** *** ***
« Izikel ! Izikel !! »
Des mains qui le secouent fermement, une odeur de cerise dans l'air. Et son nom, encore et encore. Il ne lui fallu que quelques secondes pour émerger mais c'était déjà trop. Il soupira et secoua doucement la tête pour chasser le brouillard devant ses yeux. Il releva le nez sur la silhouette floue qui se tenait devant lui, les mains ancrées sur les hanches.
« Moïra ? » « Non le pape ! »
Elle soupira rageusement et s'éloigna, le temps pour Izikel de se remettre les idées en place dans un soupir. Il était épuisé. La jeune femme poussa une chaise jusqu'à lui alors qu'il s'asseyait sur le bord de son lit. Elle s'assit et lui tendit une tasse de café brûlant, qu'il garda dans ses mains.
« Merci. » « Kwaï a essayé de t'appeler trois fois en vingt quatre heures ! Qu'est-ce que tu foutais ? » « Je dormais ! Tu ne l'as sans doute pas remarqué peut-être ? »
Cette fois le ton du jeune homme était cinglant et empli de reproche. Il dormait, mais sans avoir un sommeil réparateur. De toute façon, au vue de la quantité de cauchemar qui emplissait ses nuits, il comprenait aisément qu'aucune de ses nuits de sommeil ne puisse être réparatrice. Ils se toisèrent un instant en silence avant que la demoiselle lui tende un morceau de papier. Elle reprit la parole d'un ton apaisant.
« Ta prochaine destination. » « Merci... » « Ale m'a dit que tu semblais désorienté au téléphone mais que le code que tu lui as donné était correct... Qu'est-ce qui s'est passé ? » « Je ne sais pas. Je me souviens à peine du trajet du retour... En fait je ne sais pas comment je suis revenu ici. Je sais que je suis monté sur l’échafaudage, j'ai grimpé le long de la paroi de glace et de roche... Et je ne sais pas. Mais ça sentait bizarre là dedans... J'ai mit ça sur le compte de l'air qui circulait mal mais... » « Tu as sans doute été drogué. »
Le jeune homme haussa des épaules. Peut-être ou peut-être pas. Après tout, personne ne saurait vraiment. Et il n'avait aucune envie de retourner là bas pour aller voir... Un boyau d'à peine un mètre de large sur des dizaines de mètres de long en pente douce... L'air devait extrêmement mal circuler... Il était fort possible qu'un gaz ait été laissé dans ces sortes de capsules qu'il a dû ouvrir... Il fronça les sourcils mais rien ne vint. Il avait beau se concentré, il n'arrivait pas à se souvenir. Heureusement qu'il avait eu la présence d'esprit de prendre des photos sur place et les envoyé à Ale immédiatement... Sinon il aurait peut-être même oublier ce qu'il venait faire là... Moïra sourit, comme pour le rassurer, et lui caressa amicalement le bras.
« On peut traverser la frontière ensemble si tu veux. J'ai un contrat à Seattle. »
Il jeta un vague coup d'oeil au papier. Il ne connaissait pas la ville mais l'état et le pays oui. Sa dernière destination serait le Montana, aux USA.
« C'est une bonne idée. »
Il sourit faiblement et avala une gorgée de son café avec précaution. Maintenant qu'il y était, il ne savait pas s'il avait envie que ce voyage se termine ou non...
L'homme, assit sur sa rocking-chair, regardait l'horizon de son regard gris. La poussière avait laissé la place à une neige fine, craquant délicieusement sous les pas de ceux qui venaient à lui. Il n'était pas de ces hommes qui regardaient le monde avec sévérité et puissance. Il était de ceux qui observait avec sagesse. Qui imposaient le silence d'un simple regard, tout en restant calme et silencieux. Il n'avait pas une voix très forte, mais il savait que s'il parlait dans un amphi bondé, même ceux du fond l'entendrait, sans qu'il n'ait besoin de hausser le ton pour cela. Il ne croyait en rien, sinon en l'homme. En certains hommes plus exactement. Car tous n'étaient pas apte à toucher les autres, et à vraiment aller au bout de leurs idéaux et de leurs convictions. Mais quand il rencontrait l'un de ces hommes, capable de grandes choses, il les reconnaissait immédiatement. Ils avaient quelque chose dans le regard qui intriguait. Une lueur de désespoir particulière, une rage contenue, et une volonté de fer. Un mélange qui passait souvent pour de la haine, ou du désespoir pur. Lui y voyait autre chose : la possibilité de faire devenir quelqu'un à ces hommes perdu.
Il ne s'était jamais marié et n'avait jamais eu aucune attache. Rien « à lui » qui puisse l'enchaîner. Les choses matérielles étaient remplaçables. L'argent se gagnait. Les femmes se séduisaient. La famille, il n'en avait plus depuis longtemps, que celle qu'il s'était construite. La famille de cœur comme certains aiment à dire. Il n'avait jamais vraiment suivi les règles dictées par les hommes, autres que celles qu'il s'était dicté à lui même. Il avait partagé cette vision des choses à ceux qui avaient croisé sa route, acceptant que d'autres les voient différemment, conseillant ceux qui partageaient son point de vue. Il ne forçait la main à personne, ne voulant faire à autrui ce qu'il ne voulait pas qu'on lui fasse à lui. Il restait égal à lui même, malgré le cumul des années, pesant de plus en plus lourd sur ses épaules.
La silhouette fine qui marchait dans sa direction avait l'air décidée. En tout cas, c'est la première impression que les yeux gris perçant de l'homme lui délivra. Une écharpe lui remontait sur le nez et le protégeait de la légère brise. Il portait un pantalon de type treillis, gris, des chaussures de montagne, à moins que ce ne soit d'escalade… Un sweat bleu ciel, dont il avait fourré les mains dans les poches. Un sac à dos de randonnée sur le dos. Il voyageait léger. Il n'était pas du coin. L'homme l'avait tout de suite deviné, à sa façon de marcher. Et il devait être cavalier, car il avait jeté un regard particulier aux deux chevaux qui broutaient les herbes rares dans le pré bordant la route. Les équidés lui avait rendu son regard et quelque chose dans sa façon d'être les avait fait reculer légèrement. Il avait un regard décidé et perçant, que les épreuves de la vie avait rendu un peu trop dur pour son âge. Après le regard aux chevaux, il avait posé les yeux sur l'homme dans la rocking-chair pour ne plus le quitter. L'homme le fixait lui aussi, et n'avait pas bougé. Il attendait tranquillement d'être rejoint, étudiant les traits de celui qui venait. Plus il s'approchait et plus il pouvait le détailler. Il pouvait maintenant voir que son regard, en plus de véhiculer une volonté proche de l'obsession, trahissait une très grande fatigue, autant physique que mentale. La dureté de son pas était emprunte d'une hésitation que le l'homme aux yeux gris mettait sur le compte de courbatures nombreuses, de nuits d'insomnies, et d'un manque de nourriture seine et régulière. Il semblait venir de loin et avoir longtemps été dans les ombres, tourmenté par ses propres ténèbres et ceux des autres. Au fond de ses yeux, ses démons étaient encore là, tapis dans les profondeurs de son âme, à attendre leur heure. Il avait une certaine prestance, l'homme devait bien l'avouer. A vrai dire, ce jeune voyageur lui plaisait, mais il n'en montra rien. Il restait stoïque et dans l'attente, une certaine curiosité au fond des yeux.
Le jeune homme s'arrêta à quelques pas de lui. Il se fixèrent un moment et voyant que l'homme ne prenait pas la parole, il le fit. Il avait une voix calme, bien qu'un peu rauque. Un accent trahissait son origine que l'homme détermina comme irlandaise. Plus précisément du Connemara. Une région de cheval, ce qui expliquait peut-être sa relation particulière avec les équidés.
« Bonjour… Vous êtes bien Pierce Finnegan ? »
Pour la première fois, le regard gris de l'homme trahit une certaine surprise ; il ne s'attendait pas à ce que se soit ce visage là qui prononce son nom. En attendait, maintenant qu'il l'avait en face de lui, il pouvait voir à quel point cet homme était fatigué. Fatigué du monde dans lequel il évoluait. Fatigué de lui même. Fatigué des autres. Cependant son regard bleu ne cillait pas. C'est d'ailleurs à peine s'il clignait des paupières. Il attendait, avec la patience et le calme vide des hommes las.
« Je m'attendais à un autre visage. »
Il ne trahit aucune réaction, comme s'il s'attendait à cette réponse. Il sembla même retenir un soupir consterné. Il cligna des paupières et hocha doucement de la tête. Il était désolé et il attendait une réponse.
« Je suis cet homme. Mais… Si je puis me permettre, qui le demande ? » « Izikel Todd. Ale m’envoie à vous car vous êtes en danger. » « Alejandro craindrait-il pour ma vie ? » « Oui. »
Un fin sourire passa sur les lèvres exsangues de l'homme et il baissa les yeux sur la fine couche de neige aux pieds de l'irlandais. Si Alejandro Cowie pensait que sa vie était en danger, alors c'est qu'il avait raison. Qui était-il pour discuter de cela, lui qui était coupé du monde depuis des années ? Et si Alejandro lui avait envoyé cet homme, c'est qu'il en avait toute confiance. Son élève n'était pas du genre à laisser quelque chose au hasard. Doucement, Perce se leva de son siège et fit un signe à l'irlandais pour qu'il le suive à l'intérieur de la maison. C'était une maison de ranch en bois et en pierre. L'intérieur était rustique mais confortable. Une femme originaire d'Amérique latine, aveugle, découpait avec une vivacité et une précision remarquable des pommes de terre. L'irlandais lui jeta un bref regard en fermant la porte et traversa le salon à la suite du vieil homme. La femme aveugle s'interrompit alors et adressa des paroles inquiètes, en espagnol ou en portugais au vieil homme, mais Pierce la rassura en quelques mots, et elle se remit à la tâche. Ils traversèrent un couloir étroit avant que le vieil homme n'ouvre une porte. Elle donnait sur une petite chambre austère. L'irlandais s'arrêta sur le seuil et dévisagea la pièce du regard avant d'en interroger celui de Pierce.
« La salle de bain est en face. Installez-vous, nous mangeons dans une heure. »
Cette fois, l'irlandais soupira, mais il ne dit aucun mot. Il entra dans la pièce, posa son sac et attendit que le vieil homme referme la porte derrière lui. L'homme aux yeux gris retourna lentement sur sa rocking-chair et attendit en silence l'heure du dîner, en observant avec sérénité les derniers rayons orangers dans le ciel du soir…
*** *** ***
Le vieil homme s'avança dans la fraîcheur du matin. Il avait chaussé ses bottes pour ne pas risquer de se mouiller les pieds et enfilé un manteau et une écharpe. Il était encore tôt, le soleil se levait à peine sur la plaine. L'irlandais n'était pas venu dîner. Quand il avait entrouvert la porte de sa chambre pour le prévenir qu'ils passaient à table, il l'avait trouvé endormi en travers de son lit et n'avait pas osé le réveiller. Il avait dû se lever très tôt ce matin là. En tout cas, Pierce ne l'avait pas entendu se lever et Sophia ne lui avait rien dit, donc il avait dû se lever avant elle. Il se tenait devant le pré des chevaux et les regardait. Il leur avait amené du foin, car les deux chevaux mangeaient avec allégresse un tas de foin qu'ils n'avaient pas la veille. Ils restèrent un moment silencieux avant que l'irlandais ne prenne la parole. A son ton il était plus reposé et plus vif.
« Ils sont à vous ? » « Presque. Le noir est vendu, il part cette après-midi. Quant à l'autre, personne n'en veut. Il n'est pas dressé, et le boucher le trouve trop maigre, il ne veut pas me le racheter… J'ai même proposé de le lui donner… Mais il a refusé. »
L'irlandais acquiesça, mais une once de reproche passa dans son regard. Il regardait le cheval avec une certaine nostalgie. Peut-être lui en rappelait-il un autre ? Le vieil homme serait bien incapable de le dire.
« Venez prendre le café, on pourra discuter un peu comme ça. »
Il détourna difficilement les yeux des deux chevaux et suivi sagement le vieil homme. Quand ils entrèrent, Sophia était sur le point de partir. Elle allait faire des courses, avec une voisine. Elle en aurait pour toute la matinée, mais le déjeuner était prêt et dans le frigo. Pierce la remercia et ils se retrouvèrent entre homme, assit dans les fauteuils du salon, faisant face au feu de cheminée ronronnant.
« Alors dites-moi Izikel, comment avez-vous rencontré Alejandro ? »
L'irlandais avait rapidement laisser son regard sombré dans le vague, fixant le feu sans le voir, serrant sa tasse de café avec intensité. Mais en entendant son nom, il s'était très vite concentré sur le vieil homme.
« Il a essayé de tuer ma meilleure amie. »
On sentait une sincérité sans faille dans ses paroles et dans ses yeux. Pierce savait à quoi s'en tenir, mais il ne cessait d'être surprit par les réponses de ce jeune homme. Il ne manquait pas d'assurance, mais il n'était pas pour autant arrogant. Il était vif, répondait sans hésitations, mais trahissait toujours d'une grande lassitude.
« Et bien… Et qu'est devenu votre amie ? » « Elle est vivante... »
Quelque chose dans le ton de sa voix, dans sa façon de détourner le regard, interpella Pierce. Une douleur sourde transparaissait de son être.
« Et pour vous ? » « Elle ne sera plus jamais celle que j'ai aimé. » « A cause d'Alejandro ? » « Non… A cause du destin, et sans doute un peu d'elle-même. »
Pierce acquiesça gravement. Il ne savait pas qui elle était, mais elle avait sans doute beaucoup compté pour ce jeune homme.
« Et que devient Alejandro ? » « Nous travaillons ensemble. Il est dans le monde des chevaux maintenant. Coach dans un élevage, faisant lui-même partie d'une académie équestre nomade. » « Il s'y plaît ? » « Il a l'air oui. »
Un fin sourire passa sur les lèvres de l'irlandais alors qu'il croisait le regard gris de l'homme. A tout bien réfléchir, ce jeune homme avait tout simplement l'air en deuil… En deuil d'une amitié perdue… Il souffrait et faisait face avec autant de droiture et de courage qu'il le pouvait. Le vieil homme ne pouvait que saluer cette performance.
« Bien… Alors dites-moi pourquoi Alejandro me pense en danger et ce qu'il attend de moi… ? »
Le jeune homme prit une grande inspiration, le temps d'avaler une gorgée de café, et prit la parole, comptant ses mots, les choisissant avec soin pour ne pas en donner trop et être le plus clair et concis possible. Un trait que Pierce appréciait.
« Il y a quelques temps, il a été contacté par un homme cherchant un tueur à gage. Non seulement cet homme semblait ne pas savoir qu'il n'était plus dans le métier, mais il lui a également dit que vous le lui aviez conseillé. Il a trouvé la référence étrange et m'a envoyé vous chercher, se pensant lui-même surveillé. Il n'a pas voulu prendre bêtement le risque de conduire vos « ennemis » jusqu'à vous. » « Et il a eu raison. »
Ils restèrent un moment silencieux, à contempler l'âtre, chacun perdu dans leurs pensées. Finalement, c'est Pierce qui reprit la parole.
« Sait-il qui en a après moi ? » « Non. Mais je dois l'appeler ce soir. Vous n'aurez qu'à le faire avec mon téléphone et il vous en dira un peu plus. » « C'est une ligne sûre ? » « Oui. » « Très bien. »
De nouveau un temps de silence s'installa entre eux, que seul le hennissement d'un cheval au dehors vint bouleversé. L'irlandais n'avait pas l'air de savoir grand-chose et le vieil homme y vit là la marque de son élève. Ne rien dire, au cas où il serait prit. Il soupira et finalement, s'adressa de nouveau au jeune homme.
« Vous qui vous y connaissez en chevaux, vous voudrez bien attraper le noir pour le mettre dans le camion tout à l'heure ? » « Si vous voulez. »
Un temps de silence léger passe, mais très vite, l'irlandais reprend la parole avec une pointe d'inquiétude.
« Qu'allez-vous faire de l'autre ? » « Je ne sais pas. Sans doute le laisser dans le pré. » « Seul ? » « Sans doute. Pourquoi ? » « Le cheval est un animal grégaire… Il ne sait pas vivre seul. » « Alors vous le prendrez avec vous quand vous partirez. Ça m'évitera de le faire abattre… »
L'irlandais lui jeta un regard à la fois reconnaissant et de reproche, mais il ne fit aucun commentaire. Il se plongea dans son café, et dans la contemplation de l'âtre.
Le reste de la journée fut d'une grande tranquillité. L'irlandais était une ombre. Il était souvent devant la cheminée, ne se levant que pour remettre une bûche ou donner un coup de main à Sophia. Il semblait à Pierce être un homme brisé, en passe de se reconstruire, mais ne sachant pas par où commencer. L'après midi il avait aidé à la séparation des deux chevaux en faisant preuve d'un professionnalisme qui impressionnait encore le vieil homme. Il avait appelé Alejandro après le dîner et avait laissé le téléphone entre les mains de Pierce avant de se retirer dans sa chambre. Il n'était ressorti que pour aller voir si le cheval du pré avait encore de l'eau et s'il s'était un peu calmé. Il n'avait pas dit grand-chose d'autre de la journée, hormis les réponses brèves qu'il avait donné à Pierce quand celui-ci lui posait des questions sur sa vie. Il répondait avec honnêteté, cela se voyait dans son regard. Mais il montrait peu d'émotions, même quand Pierce abordait des sujets qui semblaient délicats. Il fut décidé que l'irlandais resterait avec eux, le temps pour Alejandro d'organiser le rapatriement de Pierce et Sophia dans une nouvelle planque qu'il choisirait lui-même, à l'aide de deux amis proches et de confiance. Une tueuse à gage du nom de Moïra -que Pierce connaissait d'ailleurs très bien- et un coréen du nom de Kwaïgon, qu'Izikel connaissait très bien. Izikel resterait ensuite dans la maison de bois le temps de la vendre et il retournerait chez lui. C'était à lui de décider s'il gardait le cheval du pré ou s'il s'en débarrassait. Ce compromit semblait convenir à tout le monde. En tout cas, personne ne fit aucune objections…
*** *** ***
Très tôt ce matin là, avant que le soleil ne se lève, Izikel avait prit la voiture -un vieux pick-up rouge orangé- et roulé jusqu'au premier voisin, un ranch se trouvant à une dizaine de kilomètre de leur propre petit ranch. Alors que le soleil se levait, il était revenu avec des barrières de métal qu'il avait installer près de la grange. Il avait aménagé un abri pour le cheval du pré, et plus tard dans la matinée, deux camion avaient déversé du sable dans le rond de dizaine de mètres de diamètre qu'il avait fait. A midi, il était en sueur, plein de poussière, fatigué, mais il semblait plutôt content de son installation. Il avait expliqué à Pierce et Sophia qu'il se servirait de cette installation pour travailler le cheval du pré et voir ce qu'il pourrait en faire. S'il pouvait le débourrer et le vendre à une exploitation du coin, ce ne serait pas plus mal. Sinon, il le ramènerait peut-être… Dans tout les cas, il se donnait du temps. Il ne partirait pas de la maison avant quelques semaines, ce qui lui laissait le temps de faire reprendre un peu de poids à l'animal et le dresser. Le vieil homme avait seulement demander s'il pouvait le regarder travailler. Les journées ici étaient monotones et il devait lui aussi attendre un peu de temps avant de déménager.
L'après midi, le jeune homme parti en ville et en revint avec de la corde marine fine, un lot de brosses diverses et du matériel de maréchalerie et des cartons. Les cartons étaient pour le déménagement, alors que la corde et le reste étaient destiné au cheval. Il racheta aussi une botte de foin et plusieurs de paille qu'il entreposa dans la grange, au dessus du sol. Il étala une botte de paille entière dans l'abri qu'il avait fait, et déposa cinq bons kilos de foin dans un coin. Le cheval, malgré sa détresse depuis le départ de son copain de pré, ne se fit pas prier et vint manger immédiatement. Jusque là, les chevaux étaient seuls dans les quatre hectares de pâture qui bordaient la maison. Ils avaient de l'eau grâce à un cours d'eau qui traversait le pré. Les clôtures étaient en bon état, en bois assombrit par les intempéries. L'hiver, l'herbe se faisait rare, mais personne ne leur donnait de complément. Il y avait des arbres pour leur tenir d'abri et leur poil se faisait très épais durant la saison froide. Il voyait un maréchal une fois tout les six mois pour un parage sommaire et c'était à peu près tout. D'après Pierce, ils étaient déjà là quand il s'était installé dans la maison, quelques deux années auparavant. De temps à autre il leur donnait du pain dur ou des carottes, mais guère plus. Ils faisaient parti du paysage mais pas de la famille. Le noir avait été débourré selon son ancien propriétaire, mais l'autre non. Il était tout petit à l'arrivée de Pierce et désormais, c'était un solide cheval qui ne semblait avoir peur de rien. Un peu brut mais toujours attentif à lui quand il allait les voir.
Le soir, alors que les deux hommes étaient assit au coin du feu, Izikel découpa des sections de sa corde et commença à y faire des nœuds. Pierce le regarda faire un moment avant de briser le silence. Il avait longuement observé cet homme calme et travailleur et il en arrivait à la même conclusion que celle du premier jour : il était en reconstruction et ne savait pas par où commencer. Il s'occupait pour s'empêcher de penser ou de réfléchir trop longtemps à ce qui le tourmentait et pour l'instant, cela fonctionnait bien. Jusqu'ici, son but avait été de le trouver lui, Pierce Finnegan. Mais maintenant, il avait besoin d'un nouveau but pour avancer. Pour l'instant, le cheval du pré lui en donnait un, mais qu'aurait-il ensuite ? Cette idée qu'il ne doive repartir d'où il venait avec les même blessures lui fendait le cœur. Ils ne se connaissait pas, mais ce jeune homme avait traversé le monde pour venir à lui, passant par des épreuves physiques plus dangereuses les unes que les autres, apparemment sans jamais ciller. Tout ce chemin était normalement destiné à Alejandro, qui le connaissait en grande partie. Il était sensé semer ses poursuivants s'il en avait et perdre ses ennemis s'il en venait sur ses traces. Mais jamais Pierce n'avait pensé qu'un néophyte comme Izikel doive le faire, simplement par bonté d'âme. S'il avait d'autres motivations, elles lui étaient obscures.
« Alors Izikel… Dis moi un peu d'où tu viens. Ça égayera ma soirée ! »
Ils échangèrent un sourire et un regard. Pierce était un vieil homme, mais il gardait une certaine fermeté dans sa posture qui le faisait sembler plus jeune que ce qu'il n'était vraiment. Mais une certaine lassitude s'emparait peu à peu de son esprit. Il n'avait plus l'âge de former des jeunes comme il l'avait fait avec Alejandro. Il se contentait désormais d'apprécier la solitude du quotidien et la compagnie éphémère des gens de passage. Il aimait connaître les histoires de chacun. Il avait l'impression de vivre une autre vie, à travers les récits des autres.
« Et bien… Par où commencer... » « Commencer par le début me semble une bonne chose. »
Un sourire léger passa sur les lèvres du vieil homme, son regard incitant Izikel à poursuivre. Et c'est ce que fit le jeune homme, sans pour autant quitter des yeux son cordage.
« Je suis né en Irlande, près de Galway. Je ne sais pas où exactement… Encore bébé, après quelques jours de vie, on m'a déposé à la porte d'un couvent de sœur bénédictines. J'ai été élevé par elles. Malgré la religion qui imprégnait le lieu et les règles strictes qui régissaient le couvent, je n'ai jamais été très croyant. Après mon diplôme de fin de secondaire, j'ai rejoint la capitale, Dublin et suivi des études pour devenir moniteur d'équitation… J'avais un cheval, que j'ai eu tout jeune au couvent. J'ai tout apprit avec lui… Mais il est mort d'une maladie foudroyante… » « Et vous avez rejoint l'école nomade ? » « Oui, mais avant sa mort. Après mon diplôme j'ai travaillé un peu en Irlande et ai été passer quelques mois aux Etats-Unis pour apprendre au contact d'hommes de chevaux… Je voulais comprendre le langage du cheval plus encore que de savoir les dresser... » « C'est un parcours atypique… » « C'est vrai... »
Le jeune homme sourit doucement mais ne poursuivit pas son histoire.
« Et cette personne qui cause tout vos tourments… Est-elle à cette école ? »
Pour la première fois depuis son arrivée, le jeune homme semblait surprit. Mais il se reprit bien vite et eut un sourire amer.
« Oui. Mais elle ne devrait plus m'en causer… Enfin j'espère. » « Que s'est-il passé ? »
L'indiscrétion n'était pas quelque chose dont Pierce avait pour habitude de s’embarrasser. Il allait toujours droit au but, sans vraiment se formaliser. Izikel était certes assez avare de paroles, mais il se montrait aussi franc que celui qu'il avait en face de lui. Un trait de caractère qui plaisait beaucoup à Pierce.
« Je l'ai aimé… J'ai essayé de la protégé, mais cela n'a pas suffit. Elle… Elle a fini par m'oublier. Au sens littérale du terme. » « Alors que vous vivez au même endroit ? » « Non… Elle a eu un accident de voiture et est tombé dans le coma. A son réveil je n'existait plus. Je n'étais qu'un inconnu à ses yeux. » « Un inconnu… Après tant d'années passé ensemble à rire, pleurer, se disputer et se protéger... » « C'est exactement cela… »
Le jeune homme soupira et se laissa tomber dans son dossier. Il laissa son regard se perdre sur le feu. Ses pensées lui arrachèrent un nouveau soupir et le silence perdura un moment avant que Pierce ne le brise à nouveau.
« Que penses-tu que tu doive faire ? »
Le jeune homme soupira. C'était là la clé de toutes ses questions. Que se devait-il de faire ? Fuir ? Se relever ? Se reconstruire ? Il arrivait au terme de son voyage et il devait désormais choisir. Répondre à la question qu'il s'était posé au début. Il y était ! C'était maintenant que son avenir au Haras se jouait. Et il en était parfaitement conscient. Un rire narquois lui échappa avant qu'il ne pince les lèvres. Comme si un souvenir désagréable mais drôle avec le recul traversait sa mémoire. Il se redressa et jeta un regard à l'homme aux yeux gris.
« Et vous, que feriez-vous ? »
Cette fois c'est le vieil homme qui eu un sourire narquois.
« Si c'est une personne à laquelle je tiens vraiment, j'imagine que j'en profiterais pour repartir sur de nouvelles bases avec elle… Que je reconstruirais notre amitié en faisant table rase du passé. Se donner une nouvelle chance de grandir ensemble. »
L'irlandais eu un sourire féroce et soupira, se replongeant sur ses nœuds. Il serrait avec une vigueur nouvelle, témoin de la colère intérieure qu'il maîtrisait dans sa voix, moins dans ses gestes.
« C'est ce que tout le monde semble attendre de moi. » « Et toi, qu'attends-tu de toi ? » « De gagner du temps, pour acquérir cette capacité qu'on les sages de taire leurs émotions et les oublier à jamais. »
Il sourit, mais sans conviction. C'était un sourire triste, qui laissa voir, le temps d'un éclair, la souffrance qui l'habitait. Ce n'était pas vraiment la réponse qu'attendait Pierce, et, une fois encore, il fut étonné par le jeune homme. Jusque là, personne n'avait semblé voir à quel point il souffrait de la condition dans laquelle il se trouvait. La déception, la perte de confiance, la peur et le mensonge l'avaient rongé, jusqu'à lui faire perdre toute envie de se battre. C'est cela que l'on nommait dépression… Sans doute devait-il se dire chaque matin que ce n'était qu'une mauvaise journée de plus, et que demain apporterait de bonnes nouvelles. Qu'il irait probablement mieux en parcourant le monde. Que cette mélancolie permanente s'estomperait avec le temps. Que se forcer à sourire rassurerait les autres et qu'ainsi, ils ne verraient pas cette comédie qu'il joue, jour après jour. Que les cauchemars finiraient de hanter ses nuits s'il ne dormait plus que par nécessité, dû à une grande fatigue. Que se tuer à la tâche rendrait le temps moins long, et les journées moins pénibles. Peut-être même qu'à certains moments, il avait pensé que se donner la mort serait une délivrance. Qu'il avait réfléchi à quel moyen, comment s'y prendre pour ne pas souffrir, ne pas se louper. Mais jusque là, la force de passer à l'acte ne l'avait pas envahit… Alors il s'efforçait d'enfiler chaque matin son masque et endurer la nouvelle journée de travail, surchargeant son emploi du temps pour espérer passer une nuit calme et moins courte que la précédente…
« Et voilà ! Je ferais les derniers réglages demain. »
Il tira une dernière fois sur le cordage, coupa une lanière et le leva fièrement devant le feu. Pierce regarda attentivement et constata que le jeune homme avait fabriqué un licol pour le cheval du pré avec sa cordelette noire. Avec le reste de sa corde il compta cinq envergure de ses bras, et fixa un mousqueton d'un côté et deux petites flottes de cuir de l'autre. Il coupa au milieu et fit deux boucles, de façon à pouvoir les rattacher ensemble et faire une sorte de grande longe, ou une plus petite et une flotte de chambrière. Finalement il roula le tout et jeta un coup d’œil à l'horloge dans la cuisine.
« Vous devriez aller vous coucher, il est plus d'une heure du matin. »
Pierce lui servit un regard reconnaissant. Il se doutait que le jeune homme souffrait de quelque chose, mais jusque là, il n'avait pas ressenti que sa peine était si profonde et si ancré. Il se leva avec douceur, sourit, le remercia, et gagna sa chambre. Il ne savait pas vraiment s'il pouvait l'aider en quoi que se soit, mais il essaierait…
L'échec. C'est le premier mot auquel il pensait, quand il se demandait ce qu'était devenu sa relation avec Louna. Un échec. Rien de plus, rien de moins. La fatigue avait fait place à une certaine colère, mais aussi un vide immense, qu'il comblait par le travail. Cela faisait une semaine qu'il était chez Pierce. Il avait aidé le vieil homme à rassembler ses affaires, et les empaquetées, puis avait aidé au déménagement lorsque Kwaïgon et Moïra étaient arrivés, ne gardant que le strict nécessaire pour lui. Il avait ensuite acheté par mal de matériel et avait entreprit un grand nombre de réparation sur la maison. Réparer le toit de la grange, repeindre, refaire la terrasse. Il entrecoupait le tout de temps de travail avec le cheval du pré, qui n'avait toujours pas de nom. Pierce avait tenu à assister à leurs premières séances. Le champagne se laissait approché, ce qui rendait les choses assez simple. Il se laissait manipuler et avait accepté le licol. L'éthologue lui avait paré sommairement les pieds et il travaillait dans le rond de longe. Le cheval était très réceptif, attendant presque leur séance quotidienne au bord du rond de longe. Il devait s'ennuyer, seul dans son très grand pré...
Il avait passé beaucoup de temps à discuter avec Pierce. Mais il avait très peu parler de lui. Il avait laissé le vieil homme parler. Il y avait beaucoup de sagesse dans sa manière de voir le monde et il avait réussi à débloquer quelques situations épineuses dans l'esprit du garçon, même si le brun ne lui en avait pas dit un seul mot. Les adieux avaient été brefs et très vite, le jeune homme s'était retrouvé seul dans la maison de bois. Il comptait finir de la remettre en état avant de la vendre. Et voir ce qu'il pourrait faire du cheval. Ce qui n'était pas une mince affaire ! Mais il s'était fait une liste de choses à accomplir et chaque jour il se donnait un petit but. Cela lui permettait de voir où il en était. Il ne savait pas où allait Pierce et il ne le reverrai sans doute jamais. Et c'était sans doute mieux ainsi de toute façon. Cependant, il se souviendrait sans doute encore longtemps de leurs adieux ; un échange de regard qui voulait tout dire à l'éthologue sans pour autant qu'il ne soit lourd. Ils s'étaient découvert beaucoup de points communs en cette semaine de vie commune. Selon Pierce, Izikel était comme lui, mais en plus jeune, et avec une sagesse qu'il n'avait pas encore au même âge, sans doute dû à de trop grandes épreuves en peu de temps. Il lui avait donné un ultime conseil avant de monter dans la Range Rover de Moïra, avec un sourire léger, plein d'espoir.
« Ne te laisse pas ronger par le passé Izikel. Il est certes là pour que nous ne fassions plus les même erreur à l'avenir, mais ne le laisse pas te ronger. Affranchis toi de tes douleurs, ne les laissent pas hanter tes nuits. Apprivoises les et libères les. Ce n'est pas en les enfermant et les ignorant que tu les verras disparaître... Au contraire, elles gagneront en force et en haine. Laisses les passer à travers toi, laisses les te consumer une bonne fois pour toute... Et laisses toi le temps de renaître de tes cendres... »
L'éthologue avait hoché doucement de la tête et serrer la main du vieil homme avant de lui sourire. Un vrai sourire, pour la première fois depuis trop longtemps.
« Merci. »
Un simple mot, qui, il le savait, dans l'esprit de Pierce, traduisait tout ce qu'il n'avait pas dit et qui restait en suspend dans l'air. Un regard entendu et il avait disparu. Izikel avait attendu de voir la voiture disparaître complètement avant d'aller donner une caresse au cheval du pré et rentrer dans la maison vide, las et fatigué...
*** *** ***
Cela devait faire une semaine qu'il était là, depuis le départ de Pierce et Sophie, à remettre la maison en état. La solitude ne lui pesait pas, comme elle ne lui avait jamais pesé durant sa traque aux indices pour retrouver Pierce. Kwaïgon lui avait ramené un sac de vêtements et quelques affaires. Il avait pu récupérer son téléphone portable et son ordinateur, mais il n'avait pas encore ouvert une seule fois le pc et ne regardait que rarement l'écran de son téléphone. Il avait eu des nouvelles d'Inna et Ezra, ce qui était plaisant. Liam lui avait également passé un coup de fil, en lui demandant s'il voulait bien accueillir un cheval de plus avant que celui-ci ne vienne au Haras. Il avait accepté et Dean, le dernier arrivant de l'équipe, devait le lui amener dans la journée. Ce n'était pas une mauvaise chose, il tiendrait compagnie au champagne, qui n'avait toujours pas de nom... Il attendait donc le maréchal, sur la rocking-chair de Pierce, assit au soleil.
Il était un peu plus serein depuis quelques jours. Les journées lui étaient moins pesantes à vivre. Il se disait enfin les choses en face : il était au fond du trou et devait maintenant faire le point pour essayer d'en sortir. Il savait que le chemin serait encore long et empli d'embûches, mais au moins, il savait à peu près où il allait. Il soupira en voyant le petit camion remonter la route. Le cheval du pré releva le nez et émit un ronflement ténu, avant de rejoindre l'entrée du pré au pas. Il devait être curieux de voir ce qui allait sortir du camion. Izikel se leva pour accueillir Dean, qui se garait sagement devant la maison. Quand il sorti, il fit un grand sourire à l'éthologue et s'approcha avec un enthousiasme certain. L'irlandais sourit en retour et serra la main tendue.
« Bienvenue ! » « Merci ! Ça fait plaisir de te rencontrer enfin ! » « C'est un plaisir partagé ! On décharge la bête ? » « Oui ! Il doit en avoir marre d'être là dedans... »
Les deux hommes se mirent en action. L'étalon palomino dun qui se trouvait dans le camion était amaigri et semblait fatigué. Il avait presque vingt quatre heures de voyage dans les pattes maintenant, venant du sud de la France et devait effectivement être fatigué. Il descendit du camion sagement. Dean le débarrassa de ses protections de transport, troqua sa polaire et couverture de voyage pour une imperméable et ils le mirent au pré avec le champagne. Ils se reniflèrent un moment avant de partir brouter chacun de leur côté. Au vue de l'état de chacun, Izikel doutait qu'il y ai bagarre. Et de toute façon, le pré était assez grand pour qu'il le coupe en deux au besoin. Ils nettoyèrent le camion et partirent en ville pour manger un morceau. Ils trouvèrent leur bonheur dans un vieux bar / diner qui servait à peu près à toute heure à peu près la même chose. Ils se trouvèrent une table tranquille, près d'une fenêtre et une fois installé avec deux bières sous le nez, ils se détendirent un peu. C'est Dean qui ouvrit la conversation au sens propre du terme, jusque là, ils n'avaient échangés que des banalités sur le lieu et le voyage de Dean.
« Alors c'est toi le fameux Izikel dont tout le monde me parle ? »
L'éthologue rit un peu cyniquement et détourna un instant le regard. Il lui était étrange que Dean lui parle ainsi. Comme s'il était une sorte de Graal intouchable et au dessus de tout... Ce qui était bien loin d'être le cas.
« Tant de monde t'as parlé de moi ? Je suis curieux de savoir ce qu'ils t'ont dit de moi... » « En réalité, c'est Louna qui a commencé... Elle a demandé à ce que les autres lui parlent de toi. Alors il y a eu grand rassemblement dans le salon et j'ai demandé à y aller aussi... Je ne pouvais pas participer bien sûr mais je suis du genre curieux alors... »
Dean sourit, avec un air véritablement gentil et content de lui. Mais Izikel n'était pas vraiment dans cette optique ; au nom de Louna, une rage flamboyante avait illuminé son regard. Il s'était contenté de serrer les dents et avait soupiré en détournant les yeux, pour se concentrer un instant sur un pick-up qui se garait dehors. Le sourire de Dean disparu aussitôt et il grimaça un peu. Il allait reprendre la parole mais Izikel le coupa, lui adressant aussi un sourire rassurant ; après tout, ce n'était pas de sa faute, l'américain ne lui avait rien fait.
« Et bien... En tout cas ça fait plaisir de voir autant d'enthousiasme chez toi ! Tu te plais au Haras ? » « Oui... Beaucoup. Je... Je n'ai pas l'impression d'être très apprécié par tout le monde mais... Liam est vraiment un type bien, il fait tout pour que tout aille pour le mieux pour moi... Et puis je connaissais déjà Logan donc bon... Je ne suis pas tout seul. »
Il sourit doucement et bu une gorgée de sa bière. Izikel pour sa part fronçait les sourcils. Pas très apprécié ? Lou l'avait plus ou moins prévenu qu'il y avait une certaine méfiance à son égard, mais il ne voyait absolument pas sur quoi elle se fondait maintenant qu'il avait le maréchal en face de lui. D'autant plus que c'était Logan qui avait conseiller le garçon et le moniteur de saut n'était pas du genre à traîner dans des choses louches et avait plutôt d'excellentes connaissances. Ce ressentiment général était donc bien étrange...
« Comment ça pas apprécié ? » « Oh c'est pas grave... On ne peut pas être aimé de tous non ? »
De nouveau il sourit doucement. Izikel voyait maintenant ce que Liam devait apprécié chez Dean. Sa franchise et son enthousiasme sans faille... Lui, avant de vivre toutes les horreurs qu'il avait surmonter en quelques années...
« Ne t'inquiète pas. Une fois que Kwaï aura trouvé que tu as un passé aussi clean que celui d'un poussin, ils t'apprécieront tous à ta juste valeur... »
L'éthologue leva son verre et Dean l'imita, avant de boire une gorgée. Il était plaisant de discuter avec l'américain, et il était content d'avoir des nouvelles du Haras. Mais il se rendait compte au fil de leur conversation, qu'il ne voulait pas rentrer au Haras dans l'immédiat. Il ne voulait pas se retrouver en face de Louna, il ne voulait pas vivre ce moment. Il la détestait pour ce qu'elle lui avait fait, même si elle ne s'en était pas rendu compte et même si elle n'en savait plus rien aujourd'hui. Il la haïssait... Et cette vérité le frappa avec tant de violence qu'il en perdit un instant le fil de la conversation. Heureusement, il saisi la dernière question de Dean dans son entier.
« Et tu pense que tu rentreras quand au Haras ? » « Je ne sais pas. Il faut que je vende la maison, que je décide quoi faire du champagne et que je fasse le bilan avec celui que tu m'as ramené. » « Tu ne vas pas garder le champagne ? » « Pour quoi faire ? J'ai déjà deux chevaux à Full Horse qui m'appartiennent... Sans compter qu'à mon retour on me confiera sans doute un cheval, et qu'il y a aussi ceux des élevages... D'autant qu'il y a de nouvelles têtes à ce que j'ai compris. Et puis il y a Arès... » « Tout le monde s'attend à ce que tu rentre avec lui. » « Tout le monde s'attend à beaucoup de choses de ma part... Et je crois que beaucoup de monde va être déçu. »
Cette fois, le ton était un peu rageur, plein de reproches, mais pas envers Dean, et celui-ci le comprit très bien. Jusque là, l'irlandais s'était toujours plié en quatre pour tout le monde. Risquant sa vie pour les autres, et mettant la sienne entre parenthèse, allant de déception en déception. Le seul rayon de soleil dans tout ses cauchemars étaient Inna et Ezra. Il était grand temps que les choses changent.
« Et bien... Je ne sais pas si c'est de bon augure ou pas pour les autres... »
Izikel sourit. Rit même. Franchement. Il se calma au bout de quelques secondes cependant, et bu une nouvelle gorgée de sa bière alors que leurs burgers arrivaient. Dean afficha une mine tellement ravi qu'il fit de nouveau sourire Izikel.
« Je crois que je suis en face d'un vrai amateur de burger ! » « Si tu savais ! Qu'est-ce que ça me manque au Haras ! Liam s'est mit en tête de nous faire manger sain... Quelle plaie ! Je l'adore hein, mais sur ce coup là... » « Manger sain ? Comme si on mangeait n'importe quoi... Il a de ces idées parfois... » « Hum... Je crois que c'est Ale qui a soulevé l'idée. »
L'américain avait dit cela avec une pleine bouchée de burger dans les joues. Il y mettait du coeur, comme tout ce qu'il avait l'air d'entreprendre. Une bonne chose, encore une fois et Izikel appréciait cela. L'irlandais sourit, sans pour autant faire de commentaire. Tout cela leur ressemblait tellement à tous... Une part de lui aurait bien voulu vivre cela, mais elle était encore trop petite par rapport à la part qui souhaitait prendre du recul et ne pas rentrer. Il était perdu dans ses pensées quand Dean reprit la parole avant d'engloutir une rasade de bière.
« Tu sais, je pense que tu devrais prendre ce cheval. Profites de ton temps ici pour construire quelque chose de solide avec lui et après ramènes-le. Il te fera penser aux semaines que tu as passé ici. Et pour l'instant, elles me semblent être positives... Alors ce cheval, ce ne serait que du bonus. Après... Tu fais ce que tu veux, je ne juge pas. »
L'irlandais eu un sourire narquois. Ce petit maréchal ne disait pas n'importe quoi. Il y avait un côté ingénu et naïf dans sa façon d'être, un peu à l'image de Lou-Khyan. Mais contrairement à elle, ce qu'il disait cachait une vérité profonde dont il était conscient... Le ton n'était qu'une façade !
« Je vais réfléchir encore un peu je pense. »
Dean sourit et mordit à nouveau dans son burger. Izikel délaissa son verre pour imiter le jeune homme et s'attaquer enfin à son dîner...
*** *** ***
L'éthologue regardait le camion repartir, les mains dans les poches de son blouson, immobile sur la terrasse de la maison. Dean repartait après quelques jours passé avec Izikel. Ces quelques jours avaient été enrichissants, et ils avaient apprit à se connaître un peu mieux. L'éthologue appréciait beaucoup le maréchal et il avait hâte de le retrouver au Haras. Il lui faisait penser à beaucoup de monde : la naïveté de Lou, l'enthousiasme d'Inna, l'humour et l'entente d'Ezra, les réflexes et la séduction d'Ale, l'organisation de Liam, mais aussi la discrétion de Kwaïgon quand il observait les séances d'Izikel avec les chevaux... Et lui-même aussi... Son professionnalisme et sa patience avec les équidés. Il comprenait pourquoi Liam l'appréciait tant : il l'appréciait pour les même raisons. Dean était un concentré de presque toute l'équipe, ce qui impliquait pas mal d'avantages.
L'éthologue soupira et regarda les chevaux, tous les deux à la barrière, fixant Izikel avec intensité. Ils s'entendaient à merveille, ce qui était une bonne chose. Le palomino dun -ou sooty, il avait du mal à le déterminer- était un Lusitanien, étalon de son état, certainement croisé avec autre chose, américain. Il était amaigri et portait quelques cicatrices sur les flancs et la tête, mais son passage chez Pierre en France lui avait fait du bien et il reprenait doucement du poids. C'était un cheval que Liam avait repéré l'année précédente sans l'acheter, et le voyant à nouveau dans une association, il avait regretté son choix et l'avait prit, encouragé par Dean. L'équidé demanderait du travail et de la patience, mais en s'y mettant tous ensemble -Liam, Dean et lui- ils arriveraient à vite le remettre sur pied. Le champagne quand à lui était un quarter horse pure souche. Des voisins lui avait donné ses origines et il lui avait fait faire des papiers. Il portait le doux nom officiel de "Rise of Ireland" mais l'éthologue n'allait jamais jusqu'au bout et se contentait de l'appeler "Rise" ou comme jusque là, simplement "Champ'". L'ibérique quand à lui se nommait "Insane Boy"... Nom qui ne lui allait pas selon l'éthologue mais il n'y pouvait rien.
« Allez brouter les garçons ! On travaille pas maintenant. »
Il fit un geste de la main dans leur direction avant de rentrer dans la maison pour se changer. Il devait poursuivre les réparations du toi aujourd'hui !
*** *** ***
Il clouait des lattes de bois sur le toit, sous le frais soleil d'hiver, quand il aperçu une silhouette inconnue remonter doucement l'allée. Elle semblait frigorifiée, enroulé dans un sweat fin. Izikel posa son marteau et la regarda avancer doucement. Elle ne tarda pas à arriver à la hauteur de la maison et elle leva les yeux vers Izikel, qui la regardait avec une certaine curiosité, mais aussi une dureté nouvelle.
« Je peux vous aider ? »
Incapable de parler elle hocha de la tête et éclata en sanglot, s'écroulant sur elle même, sur le sol gelé. L'éthologue descendit du toit en passant par celui de la pergola et sautant au sol et s'approcha doucement de la jeune femme. Il s'accroupit auprès d'elle et posa une main amicale sur son épaule. Il la sentit tressaillir à ce contact et se contenta donc d'une simple pression amicale.
« Hey... Ça va aller... Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Entre deux sanglots, la demoiselle releva les yeux sur lui. Elle était perdue et effrayée, cela se lisait dans ses yeux.
« Ils sont tous morts... Je... Elle m'a dit de... De venir ici, que vous pourriez m'aider... »
Elle pleura de plus belle alors que le jeune homme restait perplexe. Que pouvait-elle bien raconter ? Et qui l'avait envoyé ici ?
« Qui t'as dit de venir ici ? » « Ma grande soeur... Moïra Abraams... »
Nota Hors sujet : Pour raviver le souvenir de ceux qui ne saurait plus, ou tout simplement ceux qui prennent les choses en route : Moïra -dont on apprend le nom de famille seulement maintenant- a toujours été présente dans mes résumés, en tant que PNJ. Elle était là presque dès le début (en tout cas dans leur première aventure parisienne) et est une connaissance à la fois de Louna, Kwaïgon et Alejandro. Elle connait aussi désormais très bien Myriam, Izikel, Ezra et Logan. Peu ou pas les autres (soit Lou, Siobhan et Dean). Moïra est un tueur à gage en activité dont on a toujours su très peu de choses, mise à part qu'elle file très souvent un coup de main à la troupe. On la retrouve principalement dans le Hors Série de Kwaïgon à NY, car elle passe toute cette partie là avec lui. Elle a souvent eu plusieurs visages, mais je me la représente souvent sous l'avatar de Fo Porter. Sur ce, je vous laisse sur ce petit cliffhanger de l'amour ! Merci ! ^^
« Liam ? » « Je t'entends mal mais ça va... Il y a un problème ? » « Oui... Je ne vais pas pouvoir rentrer tout de suite. J'emmène les chevaux avec moi pour quelques temps. » « Tu quitte le Montana ? » « Oui. » « Et tu vas où ? » « Je ne peux pas te le dire. » « Bon... Fais attention à toi. » « Ne t'inquiète pas. » « La maison est vendue ? » « Oui, un fermier m'en a proposé un bon prix. » « Et tu gardes le champagne alors ? » « Pour l'instant oui. » « C'est une bonne nouvelle... » « Merci. Passes le bonjour à tout le monde pour moi ! » « Je n'y manquerais pas ! Reviens nous vite quand même... »
*** *** ***
Le désert qui s'étendait à perte de vue. Les montagnes se détachant dans le lointain, un ciel bleu, sans aucun nuages, un air pur, mais malgré le manque d'humidité, frais. Le désert d'Acatama au Chili est réputé le plus aride au monde. Il y pleut moins d'un millimètre par an... Mais lorsqu'il pleut, le désert entier se couvre de fleurs colorés, qui n'attendaient que quelques goûtes d'eau pour sortir du sable brun. Malgré qu'il soit sec, il n'est pas chaud, la température moyenne à l'année oscillant entre seize et vingt degrés. Autant dire que c'était pratiquement l'endroit idéal pour ceux qui aimait le soleil sans la chaleur excessive... Des plaques d'eau stagnaient en altitude, laissant des dépôts blanc sur le sable. Des observatoires et des mines parsemaient son paysage. Il n'y avait pas grand chose d'autre à part les trois cent mille habitants se partageant trois ou quatre villes disséminés près de la côte. Ils étaient arrivé par l'aéroport d'Antofagasta, Andrès Sabella Galvèz, et avaient ensuite prit en ligne droite vers l'est, à travers le désert, à cheval. Ils cherchaient à rejoindre Toconao, une petite ville pittoresque planté au milieu d'une oasis, au pied des montagnes.
Naïg était perché sur Rise, le quarter horse champagne, dont Izikel avait fait le débourrage en accéléré. Heureusement, le champagne n'était pas difficile et s'était laissé posé une selle sur le dos sans rechigné. Quand le jeune homme avait posé ses fesses dans la selle, le jeune étalon avait tourné la tête pour lui sentir les pieds, avant de soupirer. Il avait eu un peu de mal à se mouvoir au début mais le poids plume de Naïg ne semblait pas le gêner. Le jeune éthologue n'avait pas eu le coeur de lui mettre un mors dans la bouche, il était donc en licol en corde, celui-là même qu'il lui avait fabriqué en arrivant dans le Montana. Quand à lui, il était sur le dos d'Insane, le nouvel ibérique de Liam. Il passait plus de temps à marcher à côté de lui que sur son dos, l'étalon étant complètement démusclé, il voulait l'épargné, mais lui aussi se montrait plutôt calme.
L'air frais du désert rendait la traversée agréable. La terre presque plate et rocailleuse n'était pas trop difficile à appréhender. Ils mirent tout de même une vingtaine d'heure à traversé, s'arrêtant seulement quelques instant pour manger quelque chose de plus consistant que des barres de céréales et donner une ration de grain aux chevaux. L'inquiétude et l'adrénaline gardaient Izikel éveillé et plus remonté que jamais. Naïg avait commencé à sentir le poids de la fatigue et du stress peser sur ses paupières quand le soleil avait disparu à l'horizon. De toute leur journée de marche, ils n'avaient croisé aucune âme qui vive hormis quelques animaux sauvages, de petite taille. Les chevaux marchaient sans broncher, se montrant plus brave et courageux que le jeune éthologue ne l'aurait imaginé. Ils était en vu du village, à une demi heure encore environ, quand la voix de Naïg flotta dans l'air, à peine plus forte qu'un murmure. Ils marchaient côte à côte, Izikel à pied, comme la majeure parti de son voyage.
« Izikel... Pourquoi tu... viens à notre secours ? »
Le jeune homme ne répondit pas immédiatement. Il était surpris de l'entendre et au départ, il s'était même demandé si ce n'était pas une hallucination auditive. Il tourna son regard gris vers elle, et comme elle le fixait, il fut certain que cela venait d'elle. C'était pratiquement les premiers mots qu'elle prononçait depuis une dizaine d'heures. Il inspira profondément et pris quelques secondes pour bien choisir ses mots.
« Et bien... Ta grande sœur a toujours été là pour moi, quand j'en ai eu besoin. Alors c'est à mon tour d'être là pour elle. »
Il fixa de nouveau le village, droit devant lui. Il était plus de minuit et les lumières filtrant des maisons s'éteignaient peu à peu. Mais il en restait une dont le seuil restait baigné de lumière, phare dans leur nuit fraîche.
« Merci... »
Il croisa son regard et lui adressa un fin sourire. Elle ne dit plus rien jusqu'à ce qu'ils atteignent la maison. Elle se laissa mollement tomber par terre alors que sa grande soeur se précipitait sur elle sans un mot, se contentant de l'étreindre. Elles restèrent là, à genoux dans la poussière, pleurant en silence sur l'épaule l'une de l'autre. Pierce apparu sur le seuil et échangea un regard triste avec l'éthologue. Tout deux savaient très bien que la suite des événements ne serait pas bien joyeuse. Izikel mena les chevaux à l'arrière de la maison, dans un petit abri et s'occupa d'eux, avec application. Quand il franchit enfin la porte de la maison, seul Pierce se trouvait dans le salon, assit dans un fauteuil, devant un feu de cheminée mourant. Il était endormi. Quelqu'un avait laissé une couverture sur le canapé. Avec un soupir, il se blotti dedans et se laissa emporter par ses divagations. Il savait qu'il ne pourrait pas s'endormir, pas dans l'état d'alerte dans lequel il était. Mais il s'efforça de se détendre pour se reposer un peu. Et une bonne heure plus tard, le sommeil l'emporta enfin...
*** *** ***
Lorsque le jeune homme ouvrit les yeux le lendemain matin, il était seul dans le salon. Au dehors, le soleil commençait à peine à se lever. Il n'avait dormi que quelques heures et la longue journée de marche qu'il avait eu se rappelait douloureusement à lui. Avec un soupir las il s'assit sur le canapé qui lui servait de lit et s'étira avec précautions. Les coudes sur les genoux, il se frotta la tête de ses mains avant d'observer calmement ce qui l'entourait, le menton dans les paumes de ses mains. La petite maison en pierre avait des murs épais, recouvert d'une sorte de crépis blanc, le même autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les fenêtres n'étaient pas grande et pourvu de volets en bois intérieurs. Une cuisine rustique occupait tout un angle, à côté de la porte d'entrée. Une table en bois, de belle essence, prenait place dans la suite de la cuisine. En miroir, en face, il y avait la cheminée, dont les cendres étaient désormais froides, deux fauteuils de cuir style club, trônant face à la cheminée, sur un tapis moelleux, puis une table basse de la même essence sombre que la table de salle à manger et enfin, le canapé dans lequel il était, assorti aux fauteuils. Un buffet en bois habillait le mur de l'autre côté de la cheminée, un vase empli de morceaux de bois flotté distillant des senteurs forestières était sa seule décoration. Au fond, un escalier se trouvait au centre du mur, faisant face à la porte d'entrée, était entouré de deux portes en bois. Il n'y avait aucune décoration, et le tout était d'une propreté sans pareille. Le sol en tomette rouge portait quelques traces de pas, mais rien de plus. La maison était silencieuse, sombre dans ce petit matin. Le plafond en bois nu, strié de poutres, renforçait cette impression.
Rien, si ce n'est le bruit des chevaux au dehors, ne venait troubler le silence de la pièce. Pas même le ronronnement d'un appareil ménager. Pourtant il y avait bien un frigo, mais il restait silencieux. Un ordinateur gris métallisé, posé sur la table basse attira son attention. Mais il se retint de tendre le bras ; il n'avait pas envie d'avoir des nouvelles du monde, pas avant que tout cela ne soit terminé. Un frisson le parcouru. La fraîcheur matinale n'était pas qu'une illusion. Il se leva, perclus de douleur, et serra les dents pour en faire fi. Avec des gestes lents, en essayant de faire le moins de bruit possible, il vida la cheminée de ses cendres et fit un nouveau feu. Une chaleur douce irradia rapidement du brasier, l'enveloppant d'un sentiment de sécurité bienvenue. Il sorti, pour aller voir les chevaux. Tout deux étaient affairé à manger une balle de foin et ils avaient encore de l'eau. Ils levèrent vers lui leurs têtes gloutonnes avant de replonger le nez dans leur foin. Il ne les sollicita pas et retourna dans la chaleur de la maison.
Il y faisait un peu plus clair, mais le silence était toujours de mise. Un regard sur l'écran de son téléphone lui apprit qu'il n'était pas encore six heures. Dans cette parti du monde, le soleil se lèverait vraiment dans une grosse heure, pour l'instant, il ne faisait qu'éclaircir le ciel sans nuage. Le jeune homme avait dormi quelques heures à peine, mais il savait que le sommeil ne le cueillerait pas de nouveau. Pas avant le soir en tout cas. Il soupira donc et se laissa tomber mollement sur un fauteuil face à la cheminée, contemplant l'âtre sans réellement la voir. Son tour du monde l'avait finalement conduit ici, pour Moïra. Jamais il n'avait imaginé, une fois Pierce mit en sécurité, qu'il ne pourrait pas rentrer au Haras dans l'immédiat. Mais surtout, qu'il y aurait encore un peu d'action dans cette aventure. La douleur physique, le pression psychologique qu'il avait subit durant ce voyage commençaient à être un mauvais souvenir quand un coup du sort l'avait remit sur les rails. Le destin ne voulait-il donc pas qu'il se repose enfin ? Certes, il en avait assez de toutes ces aventures improbables, des cauchemars qui hantaient ses nuits, des fantômes de ceux à qui il avait ôté la vie... Mais il ne pouvait pas abandonner Moïra. Pas après tout ce qu'elle avait fait pour eux. Pas après tout ce qu'elle avait fait pour lui... La tueuse à gage était un membre à part entière de leur équipe, même s'ils ne la voyaient pratiquement jamais. Elle était toujours là pour eux, alors pourquoi lui ne le serait pas pour elle ? Il ne s'imaginait pas l'abandonner ici...
Perdu dans ses pensées, il ne vit pas la jeune femme s'approcher silencieusement de lui. Elle portait un pull noir près de corps, troué, sous lequel on voyait la bande blanche d'un pansement. Un jean noir, près du corps lui aussi, habillait ses jambes. Elle était en chaussettes, s'entourant de ses bras, ses cheveux bruns en bataille. Sans un mot elle prit place sur les genoux du garçon et se blotti contre lui. L'irlandais l'entoura de ses bras et posa ses lèvres sur son crâne. Peu à peu, les tremblements de la jeune femme cessèrent et elle fini par se détendre dans les bras de l'éthologue. Ils n'échangèrent pas un mot ; ils n'en avaient pas besoin pour se comprendre. Elle parlerait quand elle en éprouverait le besoin.
Il restèrent ainsi durant une bonne heure. Le soleil eut le temps de se lever et inondé la pièce de lumière. Pierce se leva quelques minutes après le lever de soleil et le charme de leur étreinte fut rompu. Moïra se dégagea doucement de lui, déposant un baiser sur sa joue et lui adressant un sourire empli de gratitude et disparu dans la pièce de droite, qu'Izikel comprit être une salle de bain. Pierce était sorti de celle de gauche, sa chambre et Moïra était venu de l'étage. Le plan de la maison commençait à se former dans son esprit, mais ce n'était pas ce qui comptait. Il se leva, s'étirant doucement et serra la main de Pierce qui se dirigeait déjà vers la cuisine.
« Je ne pensais pas que l'on se verrait aussi vite. » « Moi non plus... » « Mais je suis heureux que tu sois là. » « Merci... »
Pendant qu'il parlait, le vieil homme sortit une vieille cafetière italienne d'un placard et la rempli d'eau. Il versa ensuite du café, qu'il tassa avec attention avant de mettre le tout sur le feu.
« Tu veux bien aller chercher le pain ? La voisine a dû le déposer dans la boite aux lettres déjà. » « Ok j'y vais. »
Ils échangèrent un sourire et le jeune homme sorti d'un pas vif. L'air extérieur s'était un peu réchauffer et il y avait un peu d'activité au dehors. Des travailleurs partaient aux mines ou rejoignaient des échoppes d'un pas lent, discutant entre eux. Une grosse boîte en bois blanche plantée sur un poteau se tenait à quelques mètres de la maison. Quand le jeune homme l'ouvrit, il découvrit un gros pain rond, enveloppé dans un torchon bleu. Il était encore chaud au touché, certainement frais du jour. L'éthologue emporta le tout et découvrit à l'intérieur que Moïra était de retour, les cheveux un peu plus coiffé, le teint plus frais. Elle aidait Pierce à dressé la table du petit déjeuner. Quand le jeune homme entra, elle croisa son regard.
« Avant que l'on prépare quoi que se soit, il faut que tu prévois le rapatriement des chevaux au Haras. J'ai eu Kwaï au téléphone hier pendant votre trajet. »
La nouvelle le surprit un peu, mais il ne sourcilla pas. Il déposa le pain sur la table et attrapa le couteau que lui tendait Pierce.
« Ok, pas de soucis. »
Ce ne serait pas une mince affaire mais il ne semblait pas avoir le choix. En attendant, ils s'attablèrent à la table du petit déjeuner, n'attendant pas les autres. Izikel apprit que Sophia était dans sa famille pour quelques temps. Naïg resterait pour aider Pierce jusqu'à ce que Moïra et lui règle les comptes de la famille Abraams et trouvent une solution pour la jeune fille...
L'irlandais se plia à la volonté de Moïra tout au long de la journée. Un coup de fil à Liam lui permit d'organiser le déplacement des chevaux et de contacter divers transporteurs pour le trajet jusqu'à l'aéroport. Il accompagnerait ses chevaux, puis ils prendraient chacun un vol différent. Ce serait Liam -ou d'autres membres de l'équipe- qui réceptionnerait les chevaux une fois arrivé à Dunedin. Ils arriveraient un peu avant Louna, ce qui leur permettrait de faire la quarantaine et à l'équipe de récupéré tout le monde en même temps. Organiser tout cela lui prit toute la matinée et il s'accorda une pause pour le déjeuner. Entre temps, Moïra faisait sa propre préparation, tandis que Naïg et Pierce s'occupaient de leur côté à coup de lecture et partie d'échec ou de dame. La journée fut paisible malgré l'anxiété qui habitait Moïra et se propageait chez tout le monde.
Ce ne fut que le soir, après un après-midi partagé entre le soin aux chevaux et une sieste réparatrice, que le jeune homme pu en savoir un peu plus sur le plan de la jeune femme. Naïg et Pierce s'étaient éclipsé, invité chez une voisine pour le dîner.
« Ce ne sont que des gens que tu ne connais pas et que je ne nommerais pas spécialement. Tu n'as pas besoin de connaître leurs noms. C'est la mafia ukrainienne qui cherche simplement à se venger. Un contrat été sur la tête de leur ex-chef et je l'ai prit. Ils cherchaient à se venger depuis plusieurs années, ils ont réussi à remonter ma trace en torturant mon employeur de l'époque et ont tué mes parents. Naïg a réussi à s'enfuir et je l'ai envoyé à toi. Je veux simplement me venger à mon tour et dissoudre ce réseau mafieux. Tous les abattre, sans exception. La bonne nouvelle c'est qu'on m'a donné un contrat pour ça. » « Qui t'as mandaté ? » « Le gouvernement américain. Enfin, une de ses organisation. Ce groupuscule est gênant et ils n'arrivent pas à les piéger. Donc ils passent par les voies détournés que nous sommes, tueurs à gage... C'est aussi simple que cela. »
Le jeune homme soupira. Ce n'était pas bon du tout tout cela. Et de très loin. C'était même une très mauvaise idée. Mais il avait donné sa parole à la jeune femme et il ne faillirait pas. Cela pouvait lui coûter son âme. Il n'en avait plus rien à faire. Rien d'autre à part elle comptait à partir de maintenant. C'était vital pour lui de s'ancrer cela dans la tête. S'accrocher à son partenaire comme à sa vie... Et puis il ne fallait pas oublier qu'il lui devait beaucoup. Sans doute plus que ce qu'il s'imaginait lui devoir... Ses yeux gris restèrent un moment fixé sur les siens avant qu'il ne soupire doucement.
« Très bien... c'est quoi ton plan ? » « C'est une infiltration type. Un immeuble en chantier, ils ont réunion de famille au cinquième étage. La zone sera gardé par leurs hommes, une trentaine. Aucun prisonniers Walig. »
De nouveau il soupira. Dans quoi s'était-il encore embarqué ? ...
Une pluie fine et froide tombait sans relâche depuis le milieu de la nuit. C'était le genre de pluie qui s'insinue au plus profond de vous et vous glace les os. Elle avait complètement détrempé le sol argileux du chantier et rendait le sol dangereux, même alors que le petit matin se levait. L'irlandais se tenait là, debout sous cette pluie fine, fixant d'un regard dur et hostile celui qui se tenait devant lui. Il tremblait, mais il ne savait pas vraiment si c'était de rage ou de froid. Son instinct lui disait de fuir, le plus loin possible, mais il ne le pouvait pas. La raison le lui interdisait. Il ne pouvait pas faillir à sa parole, ne pas tenir sa promesse. Il n'était pas comme ça. Il n'était pas comme cet homme en face de lui, sans honneur et sans valeurs, mercenaire des temps modernes. Il fallait qu'il en arrive à bout. Qu'il le détruise. Cela faisait presque deux heures qu'ils étaient tombés dans le puits de boue et qu'ils se battaient à mains nues, ayant perdu leurs armes. Le cercle d'une dizaine de mètres carrés dans lequel ils étaient se remplissait d'eau, doucement mais sûrement. Leurs blessures les handicapaient tout les deux rendant la chose plus cruelle encore. Il fallait pourtant qu'il en finisse. Qu'il puise en lui les ressources et attaque. C'est ce qu'il fit, au prix d'un effort monstrueux. Il approcha de son adverse, plus encore à bout que lui et après une lutte au corps à corps, il réussi à le faire basculer et lui maintenir la tête dans la boue, jusqu'à ce que la vie le quitte...
Il s'effondra sur lui même après avoir fait quelques pas et éclata en sanglot. Que venait-il de faire ? Pourquoi était-il là ? N'y avait-il donc pas assez de fantômes pour peupler ses nuits ? « Reprends-toi. » Il stoppa ses sanglots, fermant les yeux pour se concentrer sur sa respiration. « Pourquoi es-tu là ? » Aider Moïra. La venger, et l'empêcher de faire l'impardonnable. Il rouvrit les yeux et se hissa avec difficulté sur ses pieds. Il fallait qu'il sorte de là et qu'il retrouve Moïra. Au prix d'un effort titanesque il escalada la mare de boue qu'étais devenu le puits. Il rampa au dehors avant de se remettre sur ses pieds et observer un instant les alentours. Les réverbères lointains illuminaient la scène en douceur. Des corps inertes parsemaient le terrain boueux. Des dizaines. Il réprima un sanglot et avança à pas lent vers l'entrée du bâtiment, récupérant au passage un AK-47 et son chargeur plein. L'arme braquée devant lui il monta un à un les étages, avec prudence -ou du moins autant qu'il lui était possible. Il monta les cinq étages qui le séparait normalement de Moïra et pénétra dans le grand open space à peine achevé. Moïra était là, tenant en joue un homme assit sur une chaise. Autour d'eux, une dizaines de corps inertes, au sol ou affalé sur la grande table de réunion qui trônait au milieu de la salle. Aucun ne disait un mot : ils se fixaient avec autant de rage dans le regard l'un que l'autre. Le coup de feu ne le surprit même pas. Silencieux, seul le chuintement de la balle sortant de son silencieux se fit entendre et la chute du corps mort sur la table de bois. Moïra baissa doucement son bras le long de son corps et resta immobile. L'irlandais baissa lui aussi sa garde et attendit un moment, sans que rien ne se passe. La voix rauque du jeune homme fini par percer ce lourd silence.
« C'est fini Moïra. Allons nous en. »
Sans un mot, la jeune femme se retourna et le vit, pour la première fois depuis le début de leur opération. L'horreur se peint sur son visage et elle se précipita dans ses bras, retenant ses gestes tant son état était lamentable.
« Mon Dieu Izikel... Qu'est-ce qui s'est passé ? » « J'ai eu quelques coriaces. Partons, s'il te plait... Je... »
Submergé par la douleur, il lâcha son arme et tituba, tendant un bras pour trouver un appui, mais il n'y en avait pas. Il entendit Moïra répéter son nom plusieurs fois et vit brièvement qu'ils partaient, avec difficultés. Il se laissa choir dans la voiture de la jeune femme et ce fut le noir total...
***
Lorsqu'il ouvrit les yeux, il faisait jour. Il le voyait à la lumière grise qui s'infiltrait entre deux lourds rideaux bordeaux. Il était allongé sur un lit, dans une chambre. A la décoration, il s'agissait d'une chambre d'hôtel. Il n'y avait aucun bruit de l'extérieur, soit c'était bien isolé, soit il était dans un étage à deux chiffres. Il prit quelques minutes pour émergé complètement. Son corps entier était douloureux et même respirer lui était difficile. Il fini par se retourner pour constater que la place à côté de lui était vide. Elle avait été occupé, cela se voyait aux draps froissés et au drap rabattu vers le centre du lit, comme lorsqu'on se lève. Il se redressa doucement pour s'appuyé le dos contre la tête de lit matelassée et observer un peu plus son environnement. Ce seul geste lui arracha un gémissement de douleur. L'immobilité lui allait mieux. Mais il devrait bien finir par se lever à un moment ou un autre...
Il était bien dans une chambre d'hôtel, la carte d'un menu sur sa table de chevet en témoignait, tout comme le nom de ce dernier sur différents objets de la pièce. Il savait où il était désormais... La porte de la salle de bain attenante s'ouvrit, laissant s'échapper un nuage de vapeur et apparaître Moïra, nue et humide. En le voyant réveillé elle sourit et s'approcha du lit en quelques bonds avant de lui sauté dessus, lui arrachant un petit cri de douleur.
Elle fit la moue et s'approcha plus en douceur, collant ses lèvres sur les siennes pour un baiser langoureux. Le jeune homme se laissa faire, avec un certain flegme.
« Tu me pardonne ? »
La jeune femme fit une grimace ressemblant fort au chat poté du célèbre animé à l'ogre vert. Izikel ne put que rire, grimaçant rapidement à cause de la douleur causé par ce geste.
« Oui, je te pardonnes. Mais ne me fait pas rire, c'est douloureux. »
La jeune femme se redressa pour lui faire un garde à vous, ce qui lui arracha un nouveau sourire.
« Oui, chef ! »
Elle se reprit cependant bien vite et se glissa sous la couverture pour se coller à lui en douceur. La chaleur de ce contact provoqua une douce vague de frisson chez l'éthologue. Il ferma les yeux, savourant la simplicité de ce moment.
« Je pense que tu as une côtes ou deux cassées. Tu es sûr que tu ne veux pas aller voir un médecin ? »
L'irlandais soupira sans pour autant ouvrir les yeux. Lorsqu'il avait reprit conscience dans la voiture de Moïra, il lui avait raconté ce qu'il s'était passé pour lui durant leur petite opération. Ils n'étaient que deux et au vu de l'ampleur de la tâche, ils s'étaient séparé au bout d'un certain temps. Ils avaient éliminés silencieusement la première vague de gardes armées avant de pénétrer à l'intérieur. Izikel s'occupait du rez de chaussé -le plus fourni en homme- alors que Moïra montait dans les étages à la recherche de sa cible. Il avait fait du mieux qu'il pouvait pour ne pas trop attiré l'attention de suite, mais le nombre était contre lui. Et immanquablement, le tout avait fini en une fusillade furieuse, jusqu'à ce que leurs chargeurs soient vide et qu'il termine au corps à corps. Cette seule image lui arracha un frisson d'horreur. Il ne voulait plus y penser, c'était terminé, Moïra et sa soeur n'étaient plus en danger.
« Oui, je suis certain. Je n'ai pas prit de balle, c'est l'essentiel. » « Je dirais même que c'est un miracle ! »
De nouveau le jeune homme sourit, sans pour autant ouvrir les yeux. Il sentit la jeune femme bouger de nouveau, se décoller de lui pour venir l'embrasser de nouveau. Avec délicatesse, elle se mit à califourchon sur lui, passant délicatement une main dans ses cheveux. Ils étaient désormais plutôt long d'ailleurs, il faudrait qu'il pense à en faire quelque chose... Le baiser s'estompa alors que la jeune femme lui murmurait doucement à l'oreille.
« Tu es certain de vouloir rentrer au Haras ce soir ? »
Cette fois il ne sourit pas, malgré que l'envie ne lui manque pas. Liam avait insisté pour qu'il les rejoigne au plus vite. Le Haras venait de déménager et il y avait eu une véritable hécatombe de petits bobos au sein de l'équipe. Il avait terminé sa mission, il pouvait revenir, ils avaient besoin de lui. Liam avait essayé de le convaincre que c'était pour son bien mais il avait décelé sans mal l'inquiétude profonde qui teintait son ton. Cela l'avait touché, même s'il aurait préféré rester un peu plus longtemps éloigné du Haras.
« Oui... Et puis tu dois retrouver ta soeur toi aussi. »
Moïra eu une moue dubitative et fini par soupirer, l'embrassant de nouveau avec une langueur nouvelle. Elle ne dit rien mais l'éthologue savait qu'elle aurait préféré qu'il reste...
Spoiler:
Cette fois, son baiser dura et elle n'empêcha pas ses mains, encore chaudes de son passage sous les jets brûlants, d'explorer le corps de son partenaire. Izikel se laissa faire, posant ses propres mains sur les cuisses de la jeune femme, de chaque côté de ses hanches. Il ne réprima pas non plus le désir qui courrait dans ses veines, atténuant quelque peu la douleur qui l'envahissait à chaque mouvement. Heureusement pour lui, Moïra avait des gestes doux et lent, effleurant sa peau à vif et meurtrie. Son baiser sembla durer à l'éthologue une éternité et quand elle s'écarta de lui, il lui sembla qu'un vide se formait. Rapidement comblé par le regard brûlant et fiévreux qu'elle lui lança. Ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre, mais cela avait toujours été ainsi entre eux. Délicatement, elle l'invita à s'allonger de nouveau, se débarrassant avec une lenteur calculé du boxer qu'il portait. Il gardait son regard fixé sur elle, alors qu'elle revenait au dessus de lui en effleurant sa peau du bout de ses lèvres. Arrivé à ses hanches, elle se redressa et, d'une main délicate, releva le t-shirt qu'il portait, dernier rempart de tissu sur sa peau. Au prix d'un effort douloureux, il se redressa pour lui facilité un peu la tâche et qu'il puisse ôter son t-shirt. Il se laissa retomber avec mollesse, réprimant une grimace de douleur. Sa respiration se faisait haletante à cause de cela, bien qu'il aurait préféré que se soit pour une autre raison.
La jeune femme le laissa se détendre, à nouveau à califourchon au dessus de lui, dessinant du bout des doigts le contours de ses muscles, évitant les ecchymoses qui lui coloraient le torse. Une fois le calme revenu et la douleur passée, elle se pencha à nouveau sur lui, tendre. Un baiser sur les lèvres, un échange de regard fiévreux, le désir, de plus en plus ardent, qui monte au creux de ses reins pour se propager dans le reste de son être. Il se laisse faire, incapable de prendre les choses en main sans hurler de douleur. Mais la chose semble convenir à Moïra. En véritable experte, elle fait attention, reste douce dans tout ses gestes. Leur étreinte est lente, presque silencieuse, ponctué seulement de leurs soupirs lascifs. Le plaisir endort ses sens mais il sait que tôt ou tard, il paiera ce moment, aussi agréable soit-il. Les mouvements se répètent, à peine plus rapide, exacerbant leurs sens. Jusqu'à cet instant ultime qu'est celui de la jouissance.
La demoiselle reste un instant au dessus de lui, perdu dans le baiser qu'elle lui donne, avant de basculer sur le côté et se blottir contre lui. Il ne tarde pas à s'endormir, complètement détendu et pour la première fois depuis longtemps, serein...
Lorsque le jeune homme émerge à nouveau, Moïra est assise au bord du lit et enfile une chemise à lui. Elle lui sourit en découvrant qu'il est éveillé et s'approche de lui pour l'embrasser à nouveau.
« Tu te sens comment ? » « Mieux, bien qu'un peu douloureusement... »
Elle sourit de nouveau, caressant sa joue de sa main posé en coupe sur sa mâchoire.
« Tu devrais aller prendre une douche, l'eau chaude te ferais du bien. Je vais aller chercher un truc à grignoter en attendant. » « D'accord. Merci... »
Un dernier baiser, plus chaste et elle se lève pour enfiler un jean et disparaître avec son sac. De son côté, il se lève doucement et se dirige vers la douche, grimaçant à chaque pas. Malgré tout, la jeune femme avait raison, les jets d'eau chaude lui font du bien et détendent ses muscles douloureux. Il passe beaucoup de temps sous la douche et l'entend revenir, mais elle ne vient pas le voir. Il fini par coupé l'eau, se sécher et s'habiller. Un coup d'oeil à sa montre lui indique qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps avant de prendre son avion. Tout à coup, il regrette de ne pas avoir été plus ferme et rester plus longtemps en compagnie de la jeune femme. Son coeur se serre à cette pensée et il ferme un instant les yeux. Ce n'est pas un adieu. Ils se reverront. Il franchit la porte de la salle de bain et retrouve son sourire. Un mauvais pressentiment le gagne, mais il n'y prend pas garde. Il faut profiter de ces instants, et faire fi des sentiments qui s'emparent tout à coup de lui. Dans moins d'une journée il sera de retour au Haras... Il soupire et s'approche de la jeune femme pour la prendre dans ses bras. Elle répond à son étreinte, douce. Il hume le parfum de ses cheveux -aux fruits rouges- comme pour s'en imprégner.
Au petit matin, le Haras était toujours calme. Il y avait une heure, entre le lever de soleil et les premières rations donné par les palefreniers où il ne se passait rien. Les habitants du domaine dormaient et les chevaux somnolaient encore. C'était une heure où personne ne traînait dans les salles communes. Les fêtards venaient à peine de se mettre au lit, alors que les autres ne se lèveraient que dans quelques heures. Il n'y avait presque pas âme qui vive... Presque. Izikel était assit dans un fauteuil du salon, face à la baie vitrée, embrassant du regard le paysage qu'était le Haras. Les bras sur les accoudoirs, il ne bougeait pas, attendant que le temps passe et que le Haras se réveille, incapable de rester allongé dans son lit, ses côtes étant trop douloureuse. D'autant plus que les effets du décalage horaire étaient encore bien présent et rendait ses journées assez pénibles à vivre. La fatigue était son quotidien, du matin au soir, tout comme la douleur physique, qu'il s'entêtait à ignorer du mieux qu'il pouvait. Il se noyait dans le travail pour y faire abstraction, sachant pertinemment que c'était la mauvaise solution : à trop forcer, il allait finir par aggraver son cas.
Il sentit plus qu'il n'entendit la jeune femme dans son dos. Il ferma un instant les yeux, soupirant, faisant le vide en lui. Il sentit les bras de la jeune femme autour de ses épaules, sa chaleur l'apaisant doucement. Il ne bougea pas, se laissant faire avec un soupir mi-soulagé mi-triste, profitant simplement de l'instant. La petite brune dépose un léger baiser sur sa joue, et reste encore un peu contre lui avant de faire le tour du fauteuil. Il ouvre les yeux à ce moment là, lui adressant un regard reconnaissant.
« Tu veux un café ? »
Il croise son regard et pince les lèvres en hochant doucement de la tête.
« Oui, avec plaisir si tu m'accompagne. »
La demoiselle sourit et pose un baiser léger sur sa joue avant de s'éclipser. Il n'a pas encore la force de la suivre et elle le comprend, sans un mot. Le jeune homme plonge de nouveau dans le vague, perdu dans la contemplation du paysage. Quelques minutes seulement s'écoulent avant que la brunette ne reparaisse, deux tasses fumantes dans les mains.
« Tu sais qu'il faut faire du sport pour bien dormir ? »
Le jeune homme sourit en se décollant de son dossier pour prendre sa tasse, la remerciant à demi-mot. Elle fait des efforts pour le voir sourire et il lui en est reconnaissant. Plus que cela même... A part Ezra, Inna est la personne la plus proche de lui au Haras et dans des moments comme celui qu'il vit, elle seule peut lui arracher de vrais sourires. L'inquiétude cependant se lit sur ses traits et l'éthologue s'en veut de lui causer tant de tracas intérieurs. Il se laisse doucement de nouveau basculer sur le dossier et souffle en douceur sur sa tasse, profitant du silence léger qui s'est installé pour un moment. Inna s'installe à côté de lui, se faisant une place qu'il lui laisse volontiers dans le large fauteuil en cuir qu'il s'est approprié.
« Plus sérieusement Walig, qu'est-ce que je peux faire pour t'aider à dormir ? »
Cette fois c'est un soupir de désespoir qui s'échappe des lèvres du jeune homme. Il est trop expressif, il le sait. Mais il ne pourra jamais rien cacher à une Inna aussi proche et attentive de lui. Il laisse passer quelques secondes, le temps de choisir ses mots, avant de répondre dans un murmure.
« Tu peux faire apparaître Moïra ? Comme les magiciennes ? »
Il croise son regard, feignant l'espoir et l'amusement mais sans réel grand succès. Inna compati et une vague de chagrin l'envahi. Elle posa amicalement une main sur le genoux de l'éthologue avec un sourire triste. Walig avait le chic de se mettre dans des situations amoureuses délicate. Inna savait combien son coeur était brisé et espérait qu'un jour il puisse retrouver la paix.
« Walig, je suis tellement désolé. Il faut que tu te changes les idées » « Je sais... Mais c'est pas évident... Pour la première fois depuis longtemps je suis tombé amoureux... Et il a fallu que ça tombe sur elle. Pourquoi j'ai jamais de chance Inna ? »
Le jeune homme soupire en posant la tête sur l'épaule de la demoiselle, se tortillant un peu pour se mettre à sa hauteur, ignorant la douleur qui lui mordait les muscles. Inna avait enlacé Walig et lui caressait les cheveux d'une main.
« Tu es un ange tombé du ciel Walig et comme tous tu n'as pas de chance en amour. La vie ne t'a pas épargné mais tu es toujours là et tu sais qu'on sera toujours là avec Ezra. »
La jeune femme savait qu'elle ne pouvait pas combler ce sentiment de solitude mais elle l'avait serré doucement en lui embrassant le front. Elle souffrait terriblement de voir ainsi, après Louna, voila qu'il perdait Moïra. Combien de fois allait-il avoir le coeur brisé ? Le jeune homme soupire encore aux paroles de la jeune femme et se laisse faire, acceptant ce calme nouveau, en profitant pour recharger ses batteries pour la journée dans cette étreinte. A chaque fois qu'il tombait amoureux d'une femme, c'était dans la violence d'une situation extrême. Sa vie était-elle si décousue et affreuse pour qu'il ne ressente que de si violente émotions dans des situations affreuses ? Il n'en savait rien. Et il ne voulait pas y croire.
« Merci Inna. Toi aussi tu es un petit ange ! Le mien en tout cas ! »
Il sourit et serre brièvement la jeune femme un peu plus fort, à défaut de pouvoir déposer un baiser amical sur son front, comme il aime tant le faire. Mais cette fois, ses côtes fêlées ne lui laisse guère le choix. Inna l'avait remercié en se collant à lui puis elle avait reprit d'un ton plus léger.
« Heureusement qu'on a nos chevaux, eux ont toujours besoin de nous. D'ailleurs tu ne risque pas de t'ennuyer avec ta nouvelle recrue, Rise c'est ça ? Il s'habitue bien ? » « Oui ça va, il a l'air. Il passe ses journées au paddock et je le rentre une nuit sur deux. Il ne connaît pas le box, je ne veux pas l'en agresser... Mais c'est un jeune assez flegmatique... Il suit sans faire d'histoires... Par contre j'aimerais commencer le vrai boulot avec Arès... Tu sais si ça a été pendant mon absence ? Il n'a pas trop fait de misères à Tom ? »
Son ton sur la fin est un mélange de crainte et d'espoir. Même s'il arrivait à faire marcher le pie en longe à côté de lui sur des courts trajets avant de partir, Arès était loin d'être un animal simple et facile à gérer au quotidien...
« Rise ressemble à un gros nounours, il a le caractère qui va avec du coup... Tom ne parle pas trop des réfugiés, y parait qu'il donne de la voix le matin. »
Inna était soulagée de voir que Walig s'impliquait dans la conversation. C'était leur façon de se changer les idées. Après avoir bu une gorgée de café, elle reprit.
« Tom sera ravi de te voir revenir. » « Tant mieux. Il faut que je le trouve pour qu'on en discute d'ailleurs... »
Le jeune homme sourit sans pour autant que la demoiselle ne puisse le voir et finalement, se redresse en grimaçant pour boire une gorgée de son café désormais tiède.
« Tu es sur que ça va ? Tu ne devrais pas te remettre à cheval aussi tôt... » « Ça va aller. Ne t'inquiète pas, j'ai connu pire ! Et pour l'instant, j'ai trop de travail à pied à faire... Mais Liam a insisté pour me faire participer aux FHE... Alors je n'aurais pas trop le choix... Et toi, ça se passe bien avec Kaiser ? » « Ne va pas de casser quelque chose ! Tu devrais te ménager... Kaiser est égal à lui même, lunatique et brutal mais on avance doucement. »
Inna était inquiète de l'état physique et mental de son ami. Malheureusement elle ne pouvait pas l'attacher au lit pour le soigner. Ils s'étaient promis avec Ezra de veiller sur lui, de le surveiller discrètement - ou pas - Walig avait changé de sujet et Inna ne pouvait pas revenir dessus, espérant sincèrement qu'il ne leur cachait rien de grave.
« J'aurais bien besoin des conseils d'un pro. »
Elle lui adresse un clin d’œil alors qu'il croise son regard en haussant un sourcil.
« Ah ? Il te fait des misères ? On peut faire des séances ensemble si tu veux ! Est-ce qu'on a même déjà bosser ensemble ? Je n'en ai pas le souvenir... »
Il fronce légèrement les sourcils, fouillant sa mémoire. Ils avaient sans doute travailler en selle mais à pied ?
« Non on n'a pas eut trop d'occasion faut dire. Mais je me lasserais jamais de bosser avec toi, faut aussi qu'on se fasse une sortie. Ezra attend ça avec impatience. »
Une lueur d'admiration s'était allumé dans ses yeux. Elle voulait toujours travailler en compagnie d'Ezra et Walig mais ce dernier n'était que rarement là depuis quelques années. Elle espérait qu'aujourd'hui, il ne partirait plus en sauvetage périlleux et resterait avec eux, avec elle - jalouse, non pas plus que son cheval. Les yeux du jeune homme se mirent à pétiller un peu et il adressa à la jeune femme un doux sourire.
« Tu as déjà été voir un match de rugby ? Trente mecs musclés en maillot moulant qui courent et se tapent dessus pendant quatre-vingt minutes, avec de la bière à volonté pour accompagné le tout. Un vrai régal ! En plus on est dans le bon pays. C'est presque une religion ici ce sport ! »
Cette fois c'est un sourire malicieux qui habite son visage. Il ne cache pas ses tendances et en profite même parfois...Un sourire radieux s'était dessiné sur le visage d'Inna. Cette proposition était plus l'alléchante et elle ne pouvait pas refuser, d'autant plus qu'Izikel avait l'air plutôt enthousiaste, ce qui était rare.
« Oh viiiiii !!! Comment refuser ?! Surtout vu l'équipe nationale ! Y faut en parler à Ezra ! On pourra faire les commères ! » « Oh oui ! Il ne nous laissera pas y aller tout les deux en amoureux de toute façon ! Lui aussi est fan de rugby ! On est pas irlandais pour rien en même temps... On pourra convier Dean peut-être aussi... Et Ale et Kwaï ? D'ailleurs tu as rencontré Dean ? Tu en pense quoi ? »
Il eu un bref froncement de sourcil et but une gorgée de son café. Il savait que le jeune maréchal avait eu du mal à s'intégrer et que l'équipe s'en méfiait mais il n'avait pas vraiment comprit pourquoi...
« On va réunir la fine équipe ! En bon supporter je vous maquillerais !! Dean est sympa. C'est souvent le premier au petit déjeuner. Kwai s'en méfie mais tu le connais. Moi je le trouve plutôt cool et plutôt agréable à regarder tu trouve pas ? » « Cool ! Je vais nous organiser ça alors. Peut-être qu'on devra prendre un avion pour aller voir un match mais tant pis. J'arriverais à convaincre Liam de nous laisser un weekend à tous. Après tout, Louna est revenue elle peut bien reprendre ses responsabilités... »
Il avait été amer sur sa dernière remarque, le regard un peu vague et perdu dans ses pensées. Mais il avait reprit trop vite pour laisser le temps à Inna de rebondir sur ce sujet.
« Et c'est vrai que Dean est pas mal ! Je le trouve sympa aussi, je ne comprends pas pourquoi les autres s'en méfiaient... » « Tu les connais puis Dean est pas prise de tête, c'est surement ce côté là qui les inquiètes. »
Il soupire, haussant doucement des épaules. Mais son regard s'était radoucit.
« Tu veux pas qu'on sèche un peu et qu'on reste là ? On est bien dans ce fauteuil en fait... »
Il se recale sur l'épaule de la jeune femme avec un soupir. Il sait très bien que l'heure du déjeuner approche et son ton était enfantin mais on ne savait jamais... Sur un malentendu...
« Je pourrais rester là un siècle entier. »
Inna n'avait pas soulevé le souci de Louna. Elle savait que malgré les apparences cette histoire n'était pas totalement enterré et devait encore travailler Walig. Ce n'était pas le moment de faire remonter des vieux souvenirs. Elle avait préféré délaissé son café froid et se blottir contre son ami, observant l'aurore colorer le ciel.
« Si Liam ne vous laisse pas de week-end, je te jure que je le pends par les pieds jusqu'à ce qu'il accepte ! »
Le jeune homme rit de bon coeur, grimaçant de suite à cause de la douleur que cela provoque. Il se calme doucement et un doux silence s'installe entre eux. Mais seulement pour quelques minutes, une masse de muscle fondant rapidement sur eux, les enveloppant de ses bras.
« Câlin collectif !! » « viiiiii ! »
Inna l'avait enlacé de son bras libre en lui embrassant la joue à portée. Ezra colla un baiser léger sur le front d'Inna avant de faire de même sur la jour d'Izikel avant de se redresser. Les mains sur les hanches, il leur lança un regard faussement colérique.
« J'ai failli lancé les affreux à vos trousses ! Faut pas disparaître comme mes chéris. Je m'inquiète déjà bien assez pour vous ! »
Izikel se redressa et sourit doucement suivit d'Inna.
« A force de vous chaperonnez on a appris à se faire discret »
Le métis sourit à cette remarque et tend la main à la jeune femme pour l'aider à se relever et l'entraîner dans ses bras pour l'embrasser rapidement. Il se libère un bras pour aider Izikel à son tour sans pour autant lâcher la jeune femme.
« Aller ! Petit déj' ! » « T'as l'air mort de faim ! » « Je le suis ! Mais pas de nourriture... » « La prochaine fois je viens te rejoindre promis ! »
Izikel sourit. Cette dernière remarque n'est adresser qu'à Inna et accompagnée d'un sourire en coin du grand métis. Inna sourit en rougissant. Le trio infernal se dirige vers la salle à manger pour le petit déjeuner. Ale est déjà là, en grande conversation avec Dean et Liam, en bout de table. Kwaïgon arrive en même temps qu'eux, son attelle de nez toujours en place et les deux yeux cernés, à cause de la fracture. Chacun prend sa place à table à la suite des autres, Izikel et Kwaï avec un peu plus de précautions que les autres. Rapidement, les cafés sont servi et les toasts beurrés et distribués. Inna s'applique à en donner à Izikel pour s'assurer qu'il les mange. L'irlandais les prend un à un avec flegme et les mange lentement, laissant le temps s'écouler tranquillement, écoutant les conversations plus qu'il n'y participe. Il refuse d'un sourire désolé le quatrième toast que lui tend la jeune femme et se retrouve avec un toast sous le nez et un regard de chien battu. Izikel est incapable de résister plus de quelques secondes et après un regard au plafond prend le toast et le grignote.
« Mais c'est le dernier hein... »
Ezra, concentré sur ce que lui dit Liam garde tout de même une oreille sur eux et tend la main à Inna sans les regarder pour qu'elle frappe dedans en signe de victoire. Ce qui ne fait que soupirer encore plus l'éthologue.
« Tu vas directement chez Tom après Inna ? » « Je t'accompagne pour sortir mon monstre »
Ezra tourne brièvement la tête pour s'immiscer avant de repartir répondre à Liam.
« Je viens avec vous. »
Izikel acquiesce et se plonge dans son café un moment.
« Tu crois que Tom sera là ? » « Je pense oui. » « Tant mieux... »
Il reste un instant pensif. Lou-Khyan et Siobhan arrivent, le vétérinaire visiblement inquiet, ne prenant qu'un mug de café et sortant en vitesse. La rouquine pour sa part prend le temps de collé un bisou sur le joue de tout le monde, sans aucune distinction, avant de s'asseoir à la suite des autres. Neyla les suit de près, visiblement fatiguée. Logan, également, suivit de son Légolas. Ne reste plus que Myriam et Maël, mais eux se lève généralement un peu plus tard. Aujourd'hui, la matinée est consacrée aux chevaux de quêtes mais Izikel n'est pas concerné. Il a prévenu Liam : de toute façon, il n'est pas encore en état de se remettre en selle. Il faudra attendre le début des FHE pour cela. Liam n'a pas fait d'histoire et lui laisse prendre le recul nécessaire. Il est indulgent pour ce genre de chose, connaissant la douleur aussi bien qu'eux voir plus : c'est lui qui a été victime de tortures physiques lors d'un kidnapping...
Le petit déjeuner terminé et la table débarrassée, chacun part de son côté : Dean, Ale, Logan, Neyla et Lou vers les box de missions, Liam vers le bureau pour finaliser des papiers, Kwaïgon à l'infirmerie et les trois autres vers le refuge de Tom. L'irlandais marche en silence, victime d'un coup de barre soudain, écoutant les deux autres se taquiner joyeusement. Perdu dans ses pensées, l'éthologue ne voit pas le petit Maël filer sur lui en courant. Depuis qu'il est revenu, il n'a pas vu le petit garçon du tout. Ezra n'a pas le temps de réagir et la collision est inévitable. Maël percute Izikel de plein fouet, entourant autant que possible ses petits bras autour du brun, qui devient livide instantanément. Le souffle coupé, il est incapable de répondre et fait son possible pour ne pas s'évanouir et rester camper sur ses pieds.
« TONTON WALIIIIIIIIGGGG !!! »
Ezra récupère Maël d'un geste, le soulevant dans les airs pour le faire tournoyé, souriant à l'enfant.
« Par là bonhomme ! »
Inna s'approche du jeune homme et l'entoure doucement de ses bras pour le soutenir. Izikel S'y accroche et se penche en avant, comme pris d'un haut le coeur. Il croise brièvement le regard interrogateur de la demoiselle et répond à demi-mot, le souffle saccadé.
« Non... Du tout... »
L'éthologue tente de se relever mais ne peut empêcher le grognement de douleur qui lui échappa. Instinctivement il se mordit la manche et ferma les yeux. Maël était tout penaud à côté d'eux, les yeux brillants de larmes.
« Pardon tonton... »
Izikel lui sourit aussi gentiment qu'il le put mais était incapable de répondre, le souffle toujours haletant. C'est Ezra qui prit très vite le relais.
« C'est rien bonhomme... Et qu'est ce que tu fais là tout seul toi ? » « Je cherchais papa ! Il est pas à l'élevage... » « Il est au bureau, je vais t'accompagner. Je reviens vite ! Pas de gestes brusques toi. »
Il pointe un doigt menaçant vers Izikel et entraîne rapidement le petit homme, laissant l'éthologue entre les mains de la demoiselle. Inna s'était penché en même temps que son ami, le fixant inquiète. Elle était incapable de le soutenir en cas de malaise et voir partir Ezra ne l'avait pas rassurée.
« Tu veux rentrer t'asseoir un peu ? »
Tom était sorti fumer une clope. Les réfugiés étaient tous sortis, nourris. C'était la pause avant le nettoyage des box. Quand il vit Inna et l’éthologue plié en deux, il s'approcha rapidement.
« Hey ça ne va pas ?! »
L'éleveur vient en soutien à Inna pour aider Izikel à se redresser. Toujours incapable de dire un mot, le jeune homme tend un doigt faible vers l'écurie, acquiesçant silencieusement à l'idée d'Inna. Encadrant Izikel, ils emmènent doucement celui-ci vers l'écurie, Tom lui laissant prendre place sur la chaise postée devant l'allée. L'éthologue reprend doucement son souffle et quand il sent que parler sera moins douloureux, il prend la parole d'une voix un peu rauque.
« Merci... » « Tu veux un peu d'eau ? Tu veux que j'appelle Ale ? »
Le jeune homme secoue la tête avant de se raviser et lève les yeux vers Inna.
« Je veux bien un peu d'eau... Merci... » « Je m'en occupe. »
L'éleveur s'éclipse. Izikel reprend peu à peu des couleurs sous le regard inquiet de la jeune femme. Ezra les rejoint à grand pas, le regard furieux. Tom revient également avec un grand verre d'eau qu'il tend à l'éthologue. Le métis s'arrête devant le groupe, les mains sur les hanches. Il laisse Izikel terminer son verre et lance d'une colère à peine contenue :
« Le détail des blessures. Maintenant. »
Izikel ne cherche pas à le défier du regard. Il ne gagnera pas cette fois, pas avec Ezra et Inna contre lui, en comptant Tom comme neutre bien sûr.
« C'est juste une ou deux côtes fêlées et beaucoup de courbatures. Quelques plaies, mais pas de balles... Je te promets que ce n'est rien de grave, j'ai été surpris par Maël. Si je l'avais vu, il ne m'aurais pas percuter avec autant de violence... »
Le regard du métis se radoucit mais il reste un peu en colère.
« Ouai... On verra ça à midi. Je me ferais ma propre opinion sur la gravité de ton cas. Tu as de la chance que je ne puisse pas te traîner par la peau du cul au centre de soins maintenant. Merci Tom en tout cas... Inna, on se voit vite ma puce. Et toi ! Toi fais gaffe ou je te tue moi-même. »
Le regard envers Tom est reconnaissant, celui envers Inna est doux, pour Izikel, il est menaçant. Le métis dépose un baiser léger sur la joue de la jeune femme et file à petites foulées vers l'écurie des missions. Il doit sans doute être en retard. Le métis parti, l'éthologue soupire et lance un faible sourire à ses compagnons. Il se relève doucement, bien que légèrement plié en deux et tend une main amicale à Tom.
« Ça tombe bien que tu sois là, je voulais qu'on parle un peu d'Arès... Tu as un peu de temps à m'accorder ? » « Bien entendu, il est au paddock, suis moi. » « Je vais voir Kaiser, on se voit plus tard Walig et pas de bêtises ! »
Inna était resté silencieuse jusqu'à présent, encore scotchée par la détermination d'Ezra. Au moins elle était à demi rassurée sur la gravité des blessures, sachant que le métis s'occuperait de l'éthologue. Après un baisé sur la joue des deux hommes, elle rejoint son prince bai. Tom avait invité Izikel à le suivre jusqu'au paddock après une poignée de main douce. L'éthologue lui emboîte doucement le pas, reprenant peu à peu une allure normale.
« Il a beaucoup d'énergie et parfois je le laisse dehors quand le temps est clément. Sinon il rentre le soir, il se laisse mettre le licol pour quelques contrôles mais la plupart du temps je le sors en liberté. » « D'accord. Il a retrouver un peu de sérénité malgré tout ? A force de te côtoyer tous les jours... »
Le regard de l'éthologue acquiesce pour lui plus que sa voix, resté enrouée. Les deux hommes s'approchent du paddock où se trouve le baie et Izikel s'accoude à la barrière de bois en soupirant.
« Dés qu'il est dehors il est plus à l'aise, guettant à loisir les humains qui s'approchent. A l'écurie c'est toujours un peu l'angoisse mais les autres n'aident pas vraiment. Je pense qu'il pourrait rester dehors pendant la belle saison pour être au calme. Il faudrait lui trouver un compagnon de paddock, ça l'aiderait sûrement. » « C'est déjà pas mal... Je vais essayer de voir avec Liam si il peut laisser un de ses poneys... Ou alors si je le mets avec mon dernier venu ? C'est un cheval très froid dans sa tête malgré sa jeunesse... Mais ça te ferait un nouveau pensionnaire... »
L'éthologue quitte le cheval des yeux pour faire une petite grimace à Tom. Il déteste embêter les gens et l'éleveur est déjà bien gentil avec lui... Il lui a laissé Arès durant toute son absence...
« C'est simplement une suggestion, n'y voit rien d'autoritaire. Pour la mise en pratique, ne t'inquiète pas, un de plus ne bousculera pas mon organisation. »
Tom avait posé une main amicale sur l'épaule de l'éthologue, accompagné d'un regard sincère et amical.
« Merci. »
L'éthologue sourit doucement à l'éleveur et re-concentre son attention sur le pie. Il broute tranquillement, sans leur accorder trop d'importance mais l'oreille braqué sur les deux hommes le trahit. Il les garde à l’œil et est prêt à bondir au moindre problème.
« Tu veux le bosser un peu ? Je voudrais recommencer doucement la désensibilisation à tout et reprendre son débourrage à la base, comme si c'était un poulain... » « D'accord, je n'ai pas eu de temps ces derniers mois avec le nouveau poulain de Nara mais je serais heureux de reprendre le travail avec toi. »
Le regard de l'éthologue s'illumine soudain. C'est vrai qu'il avait oublié un instant ce paramètre.
« Oh oui d'ailleurs ! Je ne l'ai pas vu encore ! Inna m'a dit qu'il était crème ? Et encore un petit mec... J'espère qu'il sera comme ses demi-frères... Bien qu'à mon sens, c'est l'homme qui fait son cheval en l'éduquant... » « J'espère bien qu'il sera aussi joueur que ses demis frères mais tu as raison, j'ai de grands espoirs pour lui »
L’éleveur était honnête mais se gardait bien d'évoquer ses craintes. L'éthologue fraîchement de retour n'avait pas envie d'écouter un vieil homme se plaindre.
« D'ailleurs ce trimestre sera déjà lourd en travail avec les compétions, nous serons plus au calme cet été. En attendant Arès se sociabilisera encore un peu. » « Oui... De la compagnie ne pourra pas lui faire de mal... Je ne vais pas te retenir plus longtemps... Merci beaucoup Tom en tout cas ! Et bon courage pour les FHE ! Peut-être qu'on se croisera sur les terrains de concours ! »
Sans un mot l'éleveur acquiesce et lui adresse un signe de la main avant de retourner vers refuge. Izikel reste là, accoudé à la barrière, empli d'une reconnaissance sans faille envers ce grand homme... Il soupire et se détache finalement de la vision du pie broutant sagement. Il n'avait plus qu'une chose à faire, aller retrouver Inna et son monstre...
*** *** ***
« Putain Izikel. Elle est pas que fêlée cette côte, elle est cassée ! Et elle a commencé à se ressouder. T'as de la chance qu'elle t'ai pas perforé le poumon ! T'as du être à deux doigts de t'éclater la rate aussi... Et t'as vu l'état de ton épaule ? Un peu plus et elle t'éclatait en morceau à l'intérieur... »
Le métis continu de maugréer mais l'éthologue ne l'écoute plus. Il enfile son t-shirt avec un grimace, évitant soigneusement le regard de son ami et du vétérinaire. Ezra fulmine en rangeant le matériel, retenant à peine ses gestes rageurs. Il sait que le métis va rester en colère un moment et qu'il va devoir faire profil bas. Mais au moins maintenant il est fixé. Il encaisse une insulte bien sentie de la part d'Ezra et soupire à nouveau. Il attend patiemment que sa leçon de morale se termine. Au fond, si Ezra est dans cet état, c'est parce qu'il s'inquiète pour lui. Finalement le métis tape d'un poing rageur dans le mur le plus proche et se tait. Enfin !
« C'est bon t'as fini ? »
La voix de l'éthologue est plus sarcastique qu'il ne l'aurait voulu. Le métis le foudroie du regard mais ne répond rien. Ils se toisent un moment avant que le cavalier disparaisse sans un mot. A tout les coups il est parti courir ou alpaguer Ale pour une séance de combat improvisée, histoire d'évacuer la colère et la frustration. Quand il sera de retour, il ira mieux. Izikel croise le regard gêné de Siobhan et lui sourit gentiment.
« Ne t'en fais pas, il ira mieux tout à l'heure. Merci en tout cas pour le prêt de... tout ça. »
Il fait un geste vague autour de lui, désignant la salle de radiologie. Le vétérinaire soupire et hausse des épaules avec un sourire rassuré.
« Ce n'est rien. Tout le monde s'est beaucoup inquiété pour toi tu sais... »
Izikel sourit, sans pour autant que le sourire atteigne ses yeux. Il saute aussi gracieusement et doucement que possible de la table d'examen immense et soupire de nouveau.
« Tu as eu des nouvelles de... »
Le vétérinaire est hésitant. Izikel plante un regard sombre dans le sien. Le souvenir est douloureux plus que les bleus qui le parcourent. Il se radoucit cependant, ce n'est pas le faute de Siobhan.
« Moïra... Non. Elle doit prendre le large un moment. Je ne sais pas quand je la reverrai... C'est à elle de décider cela... »
Le jeune éthologue soupire encore alors que Siobhan lui sert un regard compatissant. Ils se quittent à l'accueil. Siobhan est de service au centre de soins tout l'après-midi et Izikel a... sans doute du boulot. Mais cette évocation de Moïra le laisse sans envie, vide de toute émotion. Il glisse les mains dans ses poches et marche doucement jusqu'à l'élevage de Liam. L'allée semble vide. Le chat touffu de Liam, dont Izikel ignore encore le nom, s'approche de lui d'un pas nonchalant, queue en l'air, ronronnant. L'éthologue se baisse pour le caresser et se fige en entendant les pas feutré sortir du bureau. Il ne lève pas les yeux mais inspire sèchement, serrant les dents. Il n'a pas besoin de croiser son regard pour savoir que Louna se tient devant lui. Il reste concentré sur le chat, qui s'est affalé devant lui, les pattes en l'air, pour se faire caresser le ventre. De longues secondes s'écoulent avant que la jeune femme ne brise le silence d'une voix faible, à peine un murmure.
« Salut... »
Izikel lève enfin les yeux. Un gris sombre, comme un ciel d'orage. Louna se tient dans l'encadrement de la porte, les bras croisé sous sa poitrine, enroulée dans un gilet de laine écru.
« Salut. »
Le jeune homme baisse de nouveau les yeux sur le chat, le caresse une fois encore et se lève, tournant les talons pour partir. Il n'a aucune envie de rester là, seul avec Louna. Mais la voix de la jeune femme dans son dos l'immobilise.
« Je suis désolée ! »
Il ferme les yeux et soupire, serrant les dents. Il n'a vraiment pas envie d'entendre ça et la vague de colère se répand dans tout son être. Il se retourne pour lui faire face, les mains dans ses poches, la mâchoire crispée, sans dire un mot. Louna semble un peu décontenancée mais elle poursuit. Elle sait très bien qu'elle n'aura pas d'autres chances que celle là d'être seule avec lui.
« Je suis désolée de tout ce que je t'ai fait. »
Des larmes de colères menacent au bord des yeux de l'éthologue. Un sourire ironique déforme ses lèvres et il détourne un instant le regard, cherchant ses mots.
« Comment peux tu l'être, tu ne me connais même pas. Comment peux tu être désolée de quelque chose alors que tu ne sais même pas ce que tu as fait ? »
Le ton est froid et calme. Trop calme. Empli d'une colère contenu et d'une frustration sans fin. L'éleveuse ouvre la bouche un instant avant de la refermer. Izikel tressaille, prêt à se retourner de nouveau mais encore une fois, elle choisi ce moment pour parler à nouveau. Au moins, elle n'a pas perdu son sens du timing.
« Je sais. Les autres m'ont raconté. » « Et ? Tu ne te souviens encore de rien. » « Tu es parfois présent dans mes rêves. Le psy pense que c'est des souvenirs qui refluent. »
Le psy ? Tiens, première nouvelle. Malgré son étonnement premier, l'éthologue balaie l'idée d'un revers de main. Il soupire.
« Tu ne le pense pas. » « Pourquoi je ne le penserais pas ? Ce n'est pas parce que je suis amnésique que je ne suis pas sincère. »
Elle fronce les sourcils, vaguement vexée. Izikel éclate d'un rire jaune et lève les yeux au ciel encore une fois.
« Toi ? Sincère ? Laisse moi rire. Tu ne l'as jamais été. »
Cette fois c'est la douche froide. Toute couleur quitte le visage de la jeune femme d'un coup et ses bras retombent le long de son corps.
« En tout cas, jamais avec moi. Mais je commence à avoir l'habitude, ne t'inquiète donc pas. »
Izikel affiche un sourire narquois et fait une légère révérence avant de tourner les talons. Il semble que Louna murmure quelque chose mais il l'ignore. Elle répète plus fort, implacable et Izikel ne peut plus l'ignorer.
« Expliques moi. »
Il se retourne, la colère déformant ses traits.
« Que je t'explique quoi ? » « Donnes moi ton point de vue. J'ai eu celui des autres mais pas encore le tien. Alors dis moi pourquoi tu me déteste autant ! Dis moi ce que je t'ai fait ! »
Elle crie presque à la fin et recroise les bras sous sa poitrine. Izikel pèse le pour et le contre, la mâchoire crispée et les yeux noirs. Quand il prend la parole, il n'arrive plus à masquer la colère. Le ton est froid, empli d'une rage non contenue.
« Bien ! Si tu veux savoir... Tu m'as menti et trompé. Avec les autres, on a toujours tout fait pour que tu sois protégée, et heureuse. Et comment tu nous le rends ? En nous cachant un déplacement. Tu as été à New York seule, alors que nous étions sur place, en train de risquer nos vies pour toi. Tu savais que le déplacement était dangereux et tu y as été quand même. J'ai failli me noyer Louna ! J'ai failli mourir pour toi ! Est-ce que tu t'en rends compte ? »
Il monte d'une octave, incapable de caché la colère, son corps entier se crispe.
« Je t'ai aimé, longtemps et tu m'as rejeté, sans arrêt. Dès que tu as rencontré Enzo, je suis devenu le boulet de l'équipe. Tu passais tes nerfs sur moi sans arrêt. Tu as même été jusqu'à m'interdire de mettre les pieds dans ton élevage et de toucher à tes chevaux. Et après c'est moi qui te déteste ? J'ai subi tes sautes d'humeur sans rien dire. J'ai même accepté d'être ton témoin ! Est-ce que tu te rends compte de l'effort que ça m'a demandé ? J'espérais qu'une fois mariée, si je répondais à ta demande en me montrant présent, en te soutenant, je reviendrais peut-être dans tes grâces. Et pour quoi au final ? Être oublié ? Balayé ? Relégué dans les tréfonds de ta mémoire à jamais ? Quand j'ai appris que tu nous avais tous trompé, je me suis senti particulièrement trahi. Tout le chemin parcouru, toutes ces années passé ensemble, cette confiance tissé au fil du temps... Pour rien ! Illusoire ! »
Le jeune homme cherche ses mots un instant. Une larme de rage s'échappe et roule sur sa joue. Il la balaie d'un revers de main avant de secoué la tête, déconcerté. Il reprend la parole d'une voix glaciale, sa hargne en sourdine, les yeux noir, les poings serré le long de son corps.
« On m'accuse de te détester, et ce n'est pas faux, mais j'en suis à me demander si toi, tu m'as déjà aimé, ne serait-ce qu'une fois. »
Ils se dévisagent un instant. L'éleveuse est blême et quand elle prend la parole, c'est d'une voix blanche, à peine un murmure. Son regard est dans le vague, quelque part à ses pieds.
« Oui... » « Oui quoi ? »
Cette fois, le regard de la jeune femme, empli de larmes, se pose dans celui de l'éthologue, toujours aussi colérique et sombre.
« Oui je t'ai aimé. »
Izikel soupire alors qu'une larme s'échappe des yeux noisette de la jeune femme et trace un sillon salé sur sa joue.
« Et bien permets moi d'en douter. » « S'il te plait... »
Izikel crispe la mâchoire sans dire un mot. Insensible à la détresse du regard de la jeune femme et à ses joues trempées de larmes.
« S'il te plait, laisses moi me rattraper. Reprenons du début... »
Son regard est implorant. Son corps entier est implorant. Mais l'éthologue reste inflexible.
« Non Louna. » « Pourquoi ? » « Parce que je ne peux pas ! J'en suis incapable ! Vis ta vie et laisse moi essayer de vivre la mienne. Maintenant tu m'excuseras mais j'ai du boulot. »
Sans lui laisser le temps de répondre, il fait demi tour et sort de l'élevage en trombe, manquant de percuter Liam de peu. L'éleveur s'étonne mais il n'a pas le temps de demander ce qui se passe. Louna apparaît sur le seuil.
« Izikel ! » « NON ! BORDEL !? COMMENT JE DOIS TE LE DIRE ? FOUTEZ MOI LA PAIX TOUS ! »
Cette fois, il n'a pas retenu le hurlement qui grondait sourdement dans sa voix jusque là. Sans un regard à Liam il s'éloigne, sous les regards ébahi de l'équipe qui suivait, un peu plus loin. Il entend Lou-Khyan l'interpeller et il sent sa main proche de lui attraper l'épaule mais il l'esquive et lui souffle un « Non » ferme. Il s'éloigne à grands pas et croise Ezra un peu plus loin mais il lui sert le même « Non » qu'à Lou et l'esquive. Il n'a qu'une envie, retrouver Moïra. Mais il ne peut pas. Son cœur se serre à cette pensée alors qu'il verrouille la porte de sa chambre derrière lui. Pourquoi est-il revenu ? La pensée de Rise et Arès l'apaise. Il est revenu pour ses chevaux. Il fait les cent pas dans sa chambre et fini par se calmer. Un rapide passage dans la salle de bain lui permet de se rafraîchir avant de reprendre la route des élevages, mais pour celui de Jeffrey. Ne penses plus... Travailler. Et rien d'autre. Pour oublier.
Au petit déjeuner ce matin là, il n'y avait pas grand monde. A vrai dire, il n'y avait que Liam, Dean et Neyla. L'éthologue ne savait trop pourquoi mais Alejandro et Kwaïgon étaient parti. « Pour raisons personnelles d'Ale » lui avait dit Liam mais sans donner plus de précisions. Ezra était avec Inna, comme tous les matins depuis un moment. Depuis sa violente chute, il ne la quittait plus, développant pour elle des sentiments qu'il s'était efforcer d'ignorer jusque là. Izikel en était heureux pour eux. Les choses se faisaient avec une douceur et une lenteur extrême mais c'était sans doute ce qu'il leur fallait. Il leur laissait l'espace dont ils avaient besoin. Pour lui, cela impliquait surtout une charge de travail supplémentaire. Il avait même eu une dispute avec le métis à ce sujet…
« Tu ne peux pas remonter autant à cheval d'un coup. T'es encore en vrac ! Et tu fais déjà trop le weekend avec tes tours aux FHE ! Je veux bien croire que ça te fatigue et que t'es rincé pour la semaine, mais ce n'est pas possible ! » « Ezra, je ne vais pas te demander de choisir entre Inna et moi. Je vais faire ce choix là pour toi et tu choisis Inna. Il n'y a rien à dire, rien à discuter. Tu m'as donné ton point de vue et j'ai décidé de ne pas le suivre. Tu ne peux rien faire contre ça. Respecte un peu mes choix ! Arrête de les contester sans arrêt ! » « Je refuse de prendre part à ta perte ! » « Mais je ne vais pas en mourir Ezra à la fin ! Arrêtes ! Va t'occuper d'Inna et fous moi la paix ! »
Le métis avait répondu mais l'éthologue s'était refermé comme un huître et ne l'avait plus écouté, s'éloignant doucement, les mains dans les poches. Mais apparemment, le métis en avait discuté avec Liam car désormais, Ale partagerait ses tâches à l'élevage de Louna avec Dean et Neyla. Ce qui ferait prendre un peu plus de responsabilité dans le groupe à la jeune femme et au maréchal. Izikel quand à lui aiderait Liam pour qu'il puisse passer un peu plus de temps en famille. Après tout, c'était un juste partage et retour des choses… L'éthologue rejoignit donc la petite tablée, installée sur une petite table ronde.
« Salut ! »
Une salve de « salut » lui répondit et il se servit un café. Liam semblait passablement fatigué mais il ne fit aucun commentaire.
« Bon, alors, on a nourri les élevages avec Dean, donc ça c'est bon. Logan est en formation dans un centre à Christchurch, donc on ne le verra pas beaucoup en journée. Il fait un échange pour nous revenir plus performant encore j'espère ! Lou-Khyan est avec lui, elle est sa cavalière de démo. Pareil, ils ne seront là que le soir et le week-end pour les FHE. Comme vous le savez, Ezra est beaucoup avec Inna donc on ne le verra pas trop non plus. Du coup, Ale, Neyla et Dean seront sur l'élevage de Louna. Kwaïgon et moi, dès que les garçons seront revenu, on sera sur les AUPA. Izikel, je voudrais que tu navigues entre les AUPA, les New Life et chez Jeff. Il y a du boulot avec Insane et Kaiser en plus de tous les tiens. » « T'es sûr que tu ne veux pas que je t'aide plus ? J'ai une dp sur Leota donc elle se gère plutôt toute seule, Arès ne me prend qu'une heure par jour et Custom et Rise se tiennent mutuellement compagnie donc... » « T'oublis ta dp sur ce cheval d'extérieur, Volk. Et Insane… Et oui, ne t'en fais pas. De toute façon, on ne fais que de l'entretien jusqu'à la fin des FHE. Après c'est départ à la retraite massif... » « Qui va partir alors ? Vous vous êtes décidé ? » « Oui… Chez Louna il y a Bill, Nara et Priam et chez moi il y a Call, Orcanta, Great et peut être Dom... »
L'éthologue fit les yeux ronds et avala de travers.
« Great ? Et Dom ? Lou se sépare de son cheval ? » « Elle ne s'en sépare pas, elle le met à la retraite dans le grand pré des retraités de FH. On pourra toujours les voir… Quand à Dom je ne sais pas encore… Je crois qu'il déprimerait sans l'activité de l'élevage... » « Ça c'est une certitude ! »
Malgré ce que l'on pouvait penser, le poney miniature était toujours dans leurs pattes quand il était dans son box. Il était normalement au pré, mais depuis son arrivée en Nouvelle-Zélande, il trouvait toujours le moyen de revenir et tourner dans l'élevage avec Sherlock sur les talons, le petit chat qu'il avait trouvé et que Liam avait gardé. Il officiait désormais en tant que tondeuse sur les plates bandes du Haras et déambulait partout en liberté. Mais il revenait toujours en fin d'après midi, pour la ration du soir… Un vrai phénomène ce poney… L'éthologue replongea le nez dans son café et sourit à Dean qui lui tendait une tartine beurrée. Liam n'avait pas tord… Il avait pas mal de boulot devant lui… Des cas difficiles… Ce ne serait pas toujours une partie de plaisir et il ne pouvait pas déléguer pour le coup. Il soupira en croquant dans sa tartine alors que Liam reprenait pour Neyla et Dean, expliquant le programme du jour…
*** *** ***
Le jeune homme se dirigeait vers l'élevage de Tom d'un pas nonchalant. Il commençait sa journée avec Arès et Kaiser. Travail à pied pour tous les deux. En liberté. A côté de lui marchait Neyla, en douceur. Elle avait un pas à la hauteur de ce qu'elle était, un peu timide mais sautillant et plein de volonté. Ils n'avaient pas échangé un mot depuis qu'ils avaient quitté la salle à manger, Liam et Dean allant d'un côté et Neyla et lui de l'autre. Liam donnait un cours particulier de dressage à Dean sur Unforgotten Winter après qu'ils aient sortit les chevaux au paddock, de ce fait, Neyla était assez libre. Elle avait le choix entre grimper sur le dos du cheval de son choix ou accompagner Izikel. Timidement, elle avait demandé à l'éthologue si elle pouvait venir le voir travailler, étant donné qu'elle ne l'avait jamais vu faire. Il avait accepté avec le sourire. Il ne connaissait pas vraiment Neyla. Il avait été longtemps absent à vrai dire et elle était plutôt effacée, ce qui n'aidait pas spécialement le jeune homme à la connaître. Mais se retrouver à passer du temps avec elle lui faisait plaisir. Ça lui changeait les idées même et ce n'était pas plus mal.
« T'es sûr que ça ne te gêne pas que je vienne avec toi ? » « Pas du tout ! Au contraire ! On ne se connaît pas vraiment donc c'est plutôt sympa ! Tu ne trouves pas ? »
Elle rougit mais lui répondit par un sourire timide.
« Si c'est vrai... »
Le jeune homme sourit à son tour, un peu amusé par la réaction de la demoiselle. Il ne faisait pas souvent rougir les gens… Bien que… Il soupira à la pensée de Neele et de la soirée des FHE… Il en rougirait presque à son tour maintenant ! Mais il réussi à maîtriser ce souvenir et sourit à Neyla, reprenant la parole pour changer de sujet et s'éclaircir les pensées.
« T'es pas loin de chez toi du coup non ? T'es australienne c'est ça ? » « Oui ! J'irai rendre visite à mon père quelques jours à la fin des FHE. » « C'est sympa ! T'es d'où d'Australie ? » « Adélaïde. C'est dans le sud de l'Australie... » « Oui, je vois… »
Il sourit et s'interrompit en entrant dans l'élevage de Tom, plutôt calme. Il passa devant les box et salua les quelques têtes qui étaient là, mais la plupart des chevaux étaient déjà au paddock. Arès faisait parti de ceux là et depuis peu, il partageait un paddock avec Koda, le poney de Dexter, le plus jeune cavalier et fils de Tom, à ce qu'il en savait. L'entente n'était pas encore extraordinaire entre les deux équidés mais Arès était plus apaisé par la présence du poney. Kaiser était dans son box par contre mais il coucha les oreilles en voyant Izikel se présenter devant la porte.
« Ouai c'est ça… Moi aussi je suis ravi de te voir ! T'imagines pas à quel point mon gros ! »
Le jeune homme passa son chemin et se dirigea vers la sellerie. Il y laissait toujours une boite de matériel assez divers consacré à Arès. Son seau de pansage bien sûr, des protections complètement fermées, en néoprène, deux longes éthologiques de quatre et huit mètres, un licol éthologiques, plusieurs sticks de dressages de différentes longueurs, une chambrière, ainsi qu'une sarbacane et des calmants, au cas où. Le tout rangé dans une grande boîte en plastique estampillée « Arès » dans un coin de la sellerie de Tom. Le jeune homme attrapa donc le licol et les deux longes, ainsi que le plus grand stick avant de se diriger vers les paddocks. Neyla ne fit pas de commentaires mais le jeune homme sentit qu'elle tiquait en ne le voyant pas toucher aux brosses et aux protections. Il s'expliqua donc, avec douceur.
« Je n'en suis pas encore à le toucher assez longtemps pour lui faire un pansage complet. Pour l'instant il vit un peu comme à l'état sauvage. Mais dès que je pourrais le toucher, enfin, qu'il acceptera, on pourra faire un check-up complet. »
Elle acquiesça avec un fin sourire. Ils ne mirent que quelques secondes de plus pour atteindre le paddock où étaient Koda et Arès. Ils broutaient côte à côte, ce qui était déjà une bonne chose. Izikel émit un long sifflement pour prévenir les chevaux de sa présence et se retourna sur Neyla.
« Attends moi ici et gardes un peu tes distances. Il est pas commode. On va aller directement au rond de longe le plus proche, je l'ai réservé tout à l'heure. N'ai pas peur, il est parfois impressionnant mais il ne te fera pas de mal. En réalité il a plus peur de toi que le contraire. » « Ok... »
L'éthologue sourit et passa sous la barrière pour rejoindre les chevaux. Koda tendit le nez vers lui et reçu une caresse alors qu'Arès faisait un violent écart en arrière. Izikel ne bougea pas pour autant. Il attendit que le pie s'immobilise pour lui tendre une main amicale. Arès la sentit avec méfiance, tremblant et se tétanisa quand Izikel passa sur sa gauche et lui enfila le licol éthologique. Mais l'éthologue ne changea rien dans ses gestes. Il parlait doucement au pie, mais Neyla ne pouvait pas l'entendre. Il clipsa la longe et se dirigea tranquillement vers l'entrée, Arès, tendu comme un arc, le pas hésitant, le suivant avec méfiance.
« Pour en arriver là, il m'a fallu plusieurs mois. Mais il fallait que je lui apprenne à suivre quelqu'un pour qu'il ne soit pas dangereux pour Tom… Quand il est arrivé, il était tout le temps sous calmants... » « Oui, je me souviens… C'est quand même déjà énorme comme boulot ! »
Le jeune sourit en ouvrant la porte du rond de longe. Il fit un signe de tête à Neyla pour qu'elle le suive et referma la porte. Après quoi il traversa le rond pour aller à l'opposé et lâcha Arès avant de rejoindre la jeune femme. Le pie ne se fit pas prier et parti en galopant autour d'eux. L'éthologue le laissa faire, jouant avec le sable du bout de son stick. Neyla ne disait rien. Mains dans le dos, elle observait. Izikel connaissait le rituel par coeur ; il laissait l'étalon jeter son premier jus durant quelques minutes et il l'interpellait ensuite. Il travaillait à distance, sans jamais être à moins d'un mètre de lui. Il le touchait du bout du stick seulement. Jusque là, il n'avait réussi qu'à obtenir un bref contact de la main sur son encolure, mais guère plus. Sans calmant, il ne pouvait pas faire de pansage, l'étalon était trop anxieux. Et il refusait de stresser l'animal plus qu'il ne le fallait… Quand l'étalon cessa de galoper pour trotter, oreilles en avant et nez en l'air, l'éthologue releva le nez et émit un long sifflement, allant vers des sons graves. Arès ralentit et se stoppa à la fin du sifflement mais gardait les yeux rivés au dehors et le nez en l'air, respirant fort, ronflant parfois, pour témoigner de sa méfiance et son excitation. Izikel fit un pas de côté, le va le stick du côté de la tête du cheval et donna un appel de langue. L'effet fut immédiat : Arès pivota sur ses postérieurs, levant ses antérieurs et prit le galop en changeant de main. Quand il ralentissait, Izikel le relançait. Tout les trois tours, il lui demandait un changement de sens. Au bout d'une dizaine de minutes, l'étalon commença à montrer des signes de fatigue et Izikel siffla de nouveau, mais moins longtemps. Le tacheté prit le trot. Il était un peu plus concentré sur Izikel et moins tendu, mais il restait méfiant. Après quelques minutes ainsi, le jeune homme siffla de nouveau longuement en reculant de quelques pas. Arès s'arrêta et fit face au cavalier, tout en gardant les postérieurs sur la piste. Neyla collait aux pas d'Izikel et observait, émerveillée pour ce qui se déroulait sous ses yeux. La voix d'Izikel vint briser le silence.
« Voilà où on en est. On ne peut pas faire plus… Il répond au sifflement déjà, c'est une bonne chose. Pour le reste, ce sera une question de temps et d'habitude. A force de me voir j'espère qu'il comprendra que je ne suis pas dangereux pour lui. » « C'est déjà bien ! »
Le jeune homme lui sourit et s'approcha doucement d'Arès. Le tacheté eu un instant d'hésitation avant de s'ébrouer et repartir au trot sur la piste. Le jeune homme le sentait, ce ne serait pas pour aujourd'hui. Avec un léger soupir, il relança le pie avant de le rappeler une dernière fois pour lui passer la longe. Arès se tendit mais se laissa faire. Voyant que le jeune homme ne tentait pas de le toucher, il se contenta de rester immobile. Une fois remit dans son paddock avec Koda, il se détendit un peu malgré tout. Les deux cavaliers restèrent un moment pour l'observer avant de reprendre le chemin des écuries pour s'occuper de Kaiser. Avec le bai, c'était une autre histoire, mais Izikel posait ses limites avec fermeté. Kaiser n'était pas méchant au fond, mais il n'avait d'yeux que pour Inna. Et désormais qu'Izikel s'occupait de lui, il n'était pas vraiment ravi de la chose. C'est presque s'il n'avait pas prit l'éthologue en grippe. Pourtant, l'éthologue ne s'en offusquait pas et le travaillait sans prendre compte des humeurs du bai. Lui résister le rendait fou mais Izikel n'en démordait pas, quitte à patienter des heures durant devant une porte jusqu'à ce que le bai cède. Car l'éthologue lui, ne lui cédait jamais rien.
Ainsi, quand il se présenta devant le box avec son seau de pansage, son licol éthologique et ses protections, il n'eut pas vraiment bon accueil. Le bai bougeait beaucoup dans son box et le fait qu'il soit grand impressionnait d'autant plus. Izikel ne prêtait aucune attention à ses menaces et entra dans le box sans aucune hésitation. Il avait une certaine chance aujourd'hui : la présence de Neyla distrayait le grand bai. La jeune femme cependant resta devant le box sans entré, la porte comme bouclier, au cas où.
« Et du coup ce cheval c'est celui d'Inna c'est ça ? » « C'est ça ! Elle est complètement immobilisée suite à une chute avec Kaiser justement ! Assez impressionnante d'ailleurs... Du coup je m'occupe de lui. Il n'est pas méchant mais un petit recadrage ne lui fera aucun mal ! C'est le petit seigneur de l'écurie et Inna a tendance à lui laisser passer trop de choses... Un peu comme un enfant pourri gâté. Il le lui rend bien mais bon... Se serait bien qu'il soit un peu plus zen et tout. » « D'où ta présence... » « Exactement ! » « Et t'as d'autres chevaux à charge dans cette allée ? » « Non ! après j'ai trois chevaux dans l'allée de Jeff. Trois à moi. » « Oui je vois ! »
Les deux cavaliers échangèrent un sourire alors que l'éthologue terminait de passer un coup de brosse sur le bai et de lui faire les pieds. En deux minutes il lui posa ses protections, lui enfila le licol éthologique et sorti. Neyla le suivit de loin cette fois. Kaiser était un peu plus remuant qu'Arès et elle ne voulait pas se faire bousculer. A chaque fois qu'il faisait un pas de côté, trop déplacer ou qu'il trottinait, Izikel s'arrêtait et l'obligeait à baisser le nez. Kaiser avait du mal à s'y plier et rechignait beaucoup. Il arrivait qu'ils passent de longues minutes immobiles l'un face à l'autre mais l'éthologue finissait toujours par avoir ce qu'il voulait. Une fois au rond de longe, il effectua le même travail qu'avec Arès mais en un peu plus poussé, étant donné que Kaiser se laisser toucher contrairement à Arès.
« C'est une combinaison des deux premiers jeux de Pat Parelli que je fais. Toucher le cheval partout sans qu'il ne bouge une seule fois, et le faire réagir à la pression. Pour l'instant je le fais avec mes mains, mais à terme je voudrais qu'il obéisse seulement grâce à des gestes ou un ordre vocal. » « Et tu pense que ça va prendre longtemps ? »
Le jeune homme sourit de façon un peu ironique.
« Avec lui oui... Il serait avec Inna, il se plierait volontiers à ses demandes. Avec moi, il est en conflit. Il ne m'aime pas, je le prive de sa cavalière et en plus je suis sévère. Je reste juste malgré tout, ce qui l'aide à me toléré, mais par principe, il va toujours d'abord refuser ce que je demande. Alors je cherche à faire des compromis sur certaines choses pour lui faire comprendre que je peux aussi faire des efforts s'il en fait. Mais ça va être long. Il est très têtu. »
La jeune femme hocha de la tête et sourit. Izikel travailla encore une quinzaine de minutes avec le bai et clôtura sa séance. Ce n'était pas très long au final mais il répétait l'opération tous les jours. C'était un travail de longue haleine et dont les résultats n'arriveraient qu'après un long temps de travail. Mais un jour, il y arriverait. Il était déterminé.
Ils ramenèrent l'étalon dans l'allée pour un pansage et une mise au paddock avant de se séparer. Le jeune homme avait encore une longue journée devant lui : en fin de matinée il avait une séance avec Neele pour lui faire découvrir les joie de la monte à nu, et après le déjeuner -ou pendant jusqu'à la fin de l'après midi, il n'était pas tellement sûr d'avoir faim- il devait s'occuper d'Insane, de Volk et reprendre la manipulation et l'éducation du poulain de l'élevage de Louna -Prisme- et enfin, travailler Rise pour poursuivre et compléter son débourrage, même s'il était bien avancé. Tout cela le ferait terminer sa journée pratiquement à l'heure du dîner, après quoi il irait courir, ou faire une séance de musculation en salle, pour évacuer le reste d'énergie qui l'habiterait encore avant d'aller s'effondrer sur son lit, et recommencer le lendemain. Il ne fallait surtout pas qu'il pense. Qu'il réfléchisse. S'épuiser, c'était pour l'instant la seule solution qu'il avait trouvé...
J'ai 254 Lignes J'utilise un résumé x2 de Louna Merci pour la correction ! =)
Attention : ce texte contient des passages forts en émotions. Si vous n'êtes pas prêt à les lire, ne lisez pas ! Sinon, préparez la boite de mouchoirs. Bien amicalement. Des coeurs sur vos fesses ! Droites et gauches !
Le cri, désarticulé, empli d'une détresse sans bornes, avait fait frémir les personnes présentes. Ils avaient essayé de choisir le moment. Ils avaient essayé de rendre l'affront plus doux. Ils avaient essayé de lui rendre la nouvelle acceptable. Mais il ne le pouvait pas. Cela avait été au dessus de ses forces. Tout d'abord, il n'avait pas comprit. « Je suis désolée Walig... J'ai... J'ai une très mauvaise nouvelle à t'annoncer... » Il avait fixé Myriam avec intensité, cherchant dans les yeux humide de la jeune femme le mensonge, en vain. Elle ne mentait pas. Elle avait les yeux brillants de larmes. Quelque chose de terrible avait dû arriver...Quelque chose de terrible était arrivé. « Kwaïgon a retrouvé Moïra et... Elle a eu un grave accident de voiture. On ne sait pas encore comment c'est arrivé mais... Elle n'a pas survécu à ses blessures. Je suis... Terriblement désolée Walig... » Il avait froncé les sourcils et lever les bras, passer ses paumes à l'arrière de son crâne, et s'était à demi tourné, incapable de rester immobile, passant d'un pied sur l'autre sans arrêt. Il avait à peine senti la panique l'envahir tant le nombre de question qui affluaient dans son esprit était immense. Il se retrouvait submergé. C'était impossible. Moïra ne pouvait pas être... Il n'arrivait même pas à se le dire. C'était impossible. Tout simplement impossible. Il avait fixé de nouveau Myriam de ses yeux gris et vide, perdu dans une immensité d'émotion qu'il était incapable de gérer. Tout se bousculait. Il ne s'entendit pas bredouiller. Il voulu poser une question, mais sa gorge était nouée. Ou alors il était devenu sourd ? Il ne saurait le dire. C'était impossible... Une larme perla sur la joue de Myriam, ses lèvres tremblèrent, sa main serra affectueusement son épaule. Il avait laisser tomber les bras le long de son corps, mais se balançait toujours d'un pied sur l'autre, légèrement. « Je suis tellement désolée Walig... Si jamais... » Il n'entendit pas la suite. Il n'était déjà plus là. La vérité se frayait un chemin dans son esprit et remontait à la surface, pour ne laisser la place à rien d'autre, l'espace d'un court instant. Il eu un haut le coeur et se pencha en avant, s'appuyant d'une main sur la barrière, pour rendre le contenu de son estomac. Les bras de Myriam l'enserrèrent un instant mais il se dégagea, titubant sur le côté, s'éloignant de quelques pas. Un violent tremblement stoppa ses pas et il s'écroula, tombant à genoux dans l'herbe humide. « Walig ! » Les bras en croix, la mâchoire serrée, il sentit la panique le submerger. C'était plus qu'il ne pouvait contenir et supporter. Beaucoup plus. Il n'entendit pas son cri. Mais il sentit les bras de Myriam se refermer avec violence autour de lui. Elle était à genoux devant lui et murmurait quelque chose qu'il n'entendit pas. De violents sanglots le secouèrent et il s'agrippa à Myriam comme un naufragé presse sa bouée de sauvetage. Incapable de faire autre chose, incapable de penser... La détresse à l'état pur, qui glace le sang des autres et leur arrache des larmes salées. Alerté par les cris de désespoir, d'autres cavaliers vinrent voir, mais Myriam les chassa d'une main experte. Ils restèrent là longtemps... Très longtemps. Jusqu'à ce que la fatigue et la détresse eurent raison de lui et le plonge dans les ténèbres de la nuit...
« Qu'importe le temps et qu'importe l'espace, puisque tu n'es plus là pour les contempler avec moi... »
Quand le jeune homme refit surface, il sentait qu'il avait les paupières lourdes et enflées. Il était dans son lit mais il ne savait pas comment il y était arrivé. Ses volets étaient entrouvert et il pouvait voir un morceau de ciel bleu au dehors. Il était prostré, roulé en boule dans un coin de son lit. Combien de temps s'était écoulé depuis que... depuis qu'il avait apprit que... Sa gorge se noua et il ne put retenir le nouveau sanglot qui secoua ses épaules. Aussitôt, la voix de Myriam murmura, les mains de la jeune femme enserrant ses frêles épaules. « Chut... Là Walig... Là... » Ses yeux se fermèrent et il sombra, plus loin encore que ce qu'il avait déjà atteint...
Ses lourdes paupières se soulevèrent et il entrevit un rayon de lumière se poser devant lui. Il n'avait pas changé de place, emmitouflé dans ses draps, au bord de son lit. Le visage doux d'Inna passa dans son champs de vison. Il sentit la main de la jeune femme effleurer sa tempe, il vit son sourire, mais il n'y répondit pas et se laissa de nouveau emporter dans les profondeurs de sa nuit...
Une caresse le long de son visage le poussa à ouvrir les yeux. Il n'avait toujours pas bougé mais cette fois, Myriam se trouvait dans son champs de vision. Elle avait entrouvert les volets un peu plus que lors de ses dernières immersions, mais malgré cela, la chambre était encore plongé dans une relative pénombre. Un air frais venait caresser ses joues, arrivant depuis la fenêtre ouverte, lui apportant des odeurs familières. Mais il les ignorait. Il n'avait plus le cœur à cela... Il n'avait plus le cœur à rien. La voix douce de Myriam parvint à ses oreilles et il posa sur elle, au prix d'un grand effort, son regard gris, sans vie. « Walig chéri... Il faudrait que tu te lèves, s'il te plaît. » Un soupir las lui échappa. Il articula un « pourquoi ? » sans pour autant qu'un son ne sorte de sa bouche. Il avait la gorge enrouée d'avoir tant crié son désespoir, les paupières lourdes d'avoir versé tant de larmes. « Il y a une dame venue des Etats-Unis pour te voir. Elle a quelque chose à te dire. » L'éleveuse pinça les lèvres, caressant toujours d'une main douce la tempe du jeune homme. Il sentit aussitôt sa poitrine se serrer. Ses lèvres se mirent à trembler. Sentant les larmes lui monter aux yeux, il laissa retomber ses paupières et serra les draps dans ses poings. « Hey... Là... Walig... S'il te plaît... Elle ne vient pas pour te parler de funérailles ou quelque chose comme ça. On s'en occupe de ça... » Il ne put retenir ses sanglots et roula de l'autre côté du lit, portant les mains à son visage. L'éleveuse le rejoint aussitôt et l'entoura de ses bras, lui murmurant des paroles douces qu'il n'entendait pas. Il fini par se calmer et accepter de se lever. Il tituba jusqu'à la salle de bain avant de se plonger sous une douche brûlante. Il enfila mécaniquement les vêtements que Myriam lui apporta et croisa son regard dans le miroir. Il était pâle, le teint maladif, les yeux rouges et gonflés. Il détourna les yeux et rejoignit l'éleveuse dans sa chambre. Elle le serra brièvement dans ses bras avant de lui prendre la main et l'entraîner vers le Manoir principal.
L'air frais de l'automne le fit frissonner. Mais il ne le ressentait pas vraiment. Il se sentait vide, de toute émotion, de toute sensation. Il n'était plus rien. Même pas l'ombre de lui même. Il ne pensait plus à rien, se laissait porter par les autres. Il était incapable de prendre une quelconque décision, ou même de formuler une pensée dans son esprit. Ils entrèrent dans le salon du Manoir où Pierre en personne discutait dans un anglais parfait avec une jeune femme en tailleur. Quand Myriam et lui entrèrent, ils se turent et posèrent leurs regards sur lui. Le directeur lui tendit une main ferme, posant son autre main sur son épaule, avec délicatesse. Izikel lui serra la main, plus par réflexe que par envie. « Je suis désolé Izikel. Vraiment désolé. Croyez bien que je suis de tout cœur avec vous. Si vous avez besoin de quoi que se soit, n'hésitez pas à m'en faire part. » Il s'entendit articuler un vague « merci » avec une voix enrouée, ne lui semblant pas être la sienne. Le directeur prit finalement congé et ils s'installèrent autour d'une petite table ronde. La jeune femme en tailleur semblait compréhensive, mais une certaine fermeté emplissait son regard brun. Ses cheveux châtains étaient relevé en un chignon lâche, adoucissant l'effet sérieux de son tailleur gris. Elle avait un léger accent texan qui la rendait sympathique. « Monsieur Todd, je m'appelle Sarah Smith. Je suis assistante sociale à Great Falls, dans le Montana. » Elle sourit, voulant se faire encourageante. Mais le jeune homme ne répondit pas. Il laissait son regard gris chercher le sien, sans réagir. Il attendait. Il ne savait pas quoi, mais il attendait. « Monsieur Todd, il se trouve que... C'est délicat à vrai dire et je sais que la peine que vous éprouvez est immense mais... Il se trouve que vous êtes papa. Moïra Abraams a accouchée d'une petite fille et il a été déclaré que vous étiez son père. » Le choc, plus grand encore que tout ce qu'il avait entendu jusque là, lui coupa net la respiration. Il écarquilla les yeux un instant et sentit la panique l'envahir. Il serra les poings et baissa les yeux, tentant de contenir le mélange de colère et d'incompréhension que le gagnait. « Qui ? » Sarah eut un moment d'hésitation et chercha du réconfort dans le regard de Myriam, en vain. Que voulait-il donc dire ? Qui était Moïra Abraams ? « Pardon ? Comment cela qui ? »« Qui a déclaré l'enfant ? Ce n'est pas... » Sa gorge se noua en même temps qu'une larme roula sur sa joue. Il ne pu terminé sa phrase. Il ne pouvait pas la nommer. Il ne pouvait pas imaginer qu'elle n'était plus là. Son esprit se refusait encore farouchement à seulement y penser. L'assistante paru gênée et au grand étonnement du garçon, c'est Myriam qui prit la parole. « C'est moi... J'étais là Izikel... C'est moi qui ai rempli le formulaire... Tu peux encore changer le nom, mais il fallait que je mette l'identité de ses parents... » La nausée lui enserra la gorge. La panique le submergea avant la colère, la rage, la haine. Il eut un brusque mouvement de recul et se releva, sa chaise tombant avec fracas derrière lui. Il fit quelques pas, sans pour autant savoir où aller et porta finalement les mains à son visage, les passant sur sa nuque. C'était impossible... Tout simplement impossible. Il était en plein cauchemar. Il fallait qu'il se réveille ! Mais comment ? Les pensées se bousculaient dans son esprit. Il était incapable de construire une phrase complète. Il fit brusquement face à Myriam, les joues humides de larmes qu'il ne sentait pas. « Tu le savais ! Tu le savais et tu ne m'as rien dit ! Pourquoi tu ne m'as rien dis !? Pourquoi Myriam !! Je te faisais confiance !! J'aurai pu... Je... » Il ne pu terminer sa phrase et tomba à genoux, les mains sur son visage. Il étouffa un cri de rage entre ses dents et se reprit, au prix d'un terrible effort. Sarah n'avait rien dit, elle observait, compatissante. Myriam descendit de sa chaise pour l'entourer doucement de ses bras. Il se laissa faire, se forçant à respirer lentement. Mais il fut incapable de faire cesser les tremblements qui secouaient son corps. Il ramassa sa chaise et ils se réinstallèrent en face de Sarah. « Je suis désolé. »« Ne le soyez pas. Je comprends. Myriam m'a expliqué votre situation. Le fait que vous ignoriez tout de la grossesse de Mademoiselle Abraams. » Le jeune homme inspira difficilement et souffla un mot de remerciement, détournant le regard pour maîtriser les larmes qui lui montait aux yeux. « Je suis ici pour savoir si vous souhaitez prendre à votre charge votre enfant, ou la placer dans le système américain d'accueil des enfants... »« Non je... Ne la placez pas... » Il croisa le regard de la jeune femme sans être capable de le soutenir. Elle prit une légère inspiration, eut un sourire doux et serra brièvement la main du jeune homme. « C'est une petite fille. Elle n'a donc pas encore de prénom mais porte votre de famille. Elle est légèrement prématurée et est encore à la clinique, parce qu'elle a besoin de soins. Mais elle sera prête à sortir d'ici quelques jours maintenant. J'ai une photo si vous voulez... » L'éthologue acquiesça. La rage l'avait subitement quitté. Il ne pouvait pas dire qu'il comprenait Myriam, il n'en était pas encore à ce stade, mais la prise de conscience de cette enfant l'apaisait. Sarah ouvrit son dossier et en sorti plusieurs clichés. Un frêle bébé, habillé de rose, dormait paisiblement dans un berceau. L'irlandais porta une main à ses lèvres, luttant contre le nouveau sanglot qui l'envahissait. Il leva les yeux au plafond, inspirant profondément, alors que la voix de Myriam s'élevait à côté de lui. « Elle est magnifique. » Sarah sourit en réponse à Myriam, enthousiaste. « C'est un bébé très calme apparemment... Comment... Comment souhaiteriez vous l’appeler ? » Il écarquilla les yeux, prit au dépourvu. « Je... Je ne sais pas... »« C'est possible d'avoir un délais de réflexion ? »« Oui bien sûr. De toute façon, nous ne rendrons cela officiel que lorsque vous viendrez la chercher à Great Falls. Vous savez quand... » Le jeune homme n'entendit plus la suite. Il laissa Myriam prendre le relais, fixant la photo du bébé, de nouveau envahit par ce vide étrange qui le rendait las. Un enfant... Il était vraiment père ? Le tremblement reprit, il serra les poings. Comment est est-ce possible ? Ses yeux se fermèrent un instant. Il les rouvrit en sentant une main se refermer sur son épaule et croisa les yeux bleus de Liam. L'éleveur salua l'assistante et ils poursuivirent leur conversation, sans lui. Il était là physiquement, mais en esprit... Il était bien plus loin. Il resta ainsi longtemps, immobile. Le menton posé sur sa paume, l'autre main tenant la photo, les yeux rivés dessus. Deux petites mains vinrent se faufiler sur ses jambes. Une masse légère, vive, se hissa sur ses cuisses. L'éthologue prit une grande inspiration et fit de la place sur ses jambes, se laissant retomber sur le dossier de sa chaise, ouvrant ses bras, sans pour autant que son regard ne lâche l'image qu'il tenait toujours d'une main ferme. Le petit garçon s'assit à califourchon sur ses jambes et enserra son torse, posant sa tête sur son cœur. Ce n'est qu'en sentant cette étreinte légère que le jeune homme détacha ses yeux de la photo, la laissa retomber mollement sur la table et enserra à son tour le petit homme, posant ses lèvres au sommet de son crâne et fermant les yeux, profitant de ce câlin improvisé pour faire le vide dans ses pensées... Une nouvelle page de sa vie commençait. Mais était-il vraiment prêt pour cela ? Il ne le saurait jamais vraiment...
La voix douce et apaisante de l’éthologue s’élevait doucement dans l’espace cocooneux de la chambre. Devenir père du jour au lendemain ne s’improvisait pas. Il avait besoin d’un temps d’adaptation. C’est pour cette raison que Myriam lui avait conseiller d’embaucher une nounou pour s’occuper de la petite Cathleen en journée. Il reprendrait alors le relais le soir et la nuit, avec l’aide de l’éleveuse. Le jeune homme, fébrile jusque-là, prenait de plus en plus d’assurance mais il restait soulagé que Myriam soit présente à chaque étape. C’est Liam qui s’était occupé du recrutement de la nounou, une jeune femme irlandaise répondant au doux nom de Keira. L’éleveur l’avait recruté comme si elle avait été là pour son propre fils et il se trompait rarement quant aux gens avec qui il travaillait. Izikel lui en avait été reconnaissant. Le retour au Haras avec sa toute jeune fille n’avait pas été chose très facile et évidente et après avoir passé une semaine entière avec Cathleen et Keira pour que tous les trois apprennent à se connaître, il refaisait surface auprès de l’équipe. Pour l’instant, les cavaliers l’avaient laissé tranquille. Son retour, tout comme son départ avait été plus que discret et son absence légère. L’équipe s’inquiétait certes, mais une forme de calme nouveau s’était mis en place au sein du groupe. L’anxiété et l’inquiétude qui les rongeaient tous jusque-là commençait doucement à être balayé par les compte-rendu de Myriam, très optimiste quant au rétablissement d’Izikel. Le chemin serait encore long et il y aurait sans doute des rechutes. Des moments de doutes auquel il lui serait difficile de faire face. Mais pour l’instant, il avait retrouvé assez de calme et de sérénité pour redevenir un tant soit peu l’homme qu’il était. Kwaïgon avait eu raison : Cathleen avait un effet positif sur lui. Ils n’étaient certes pas dans le monde des bisounours car Moïra était toujours manquante, mais il y avait une évolution positive ; Une lumière qui se profilait doucement au bout du tunnel sombre qu’était devenu son existence…
Pour son retour au sein des activités des élevages, Liam avait prévu une réunion d’équipe, visant à redistribué les tâches au sein des élevages et réorganiser les plannings de chacun. Liam avait longuement réfléchi à la façon dont il allait gérer les choses avec l’arrivée de nouveaux chevaux et de nouvelles têtes au sein du groupe et il avait finalement trouvé un consensus. Une organisation qui permettrait également aux cavaliers de se libérer un peu de temps libre par jour. Il espérait qu’ainsi, Izikel ait moins de travail dans la journée mais il doutait fortement de cela. En attendant, étant tout à fait conscient de tous les efforts que faisait Liam et l’équipe pour lui faciliter la vie, le jeune et fraîchement père rejoignit le bureau de Liam où avait lieu la réunion en ce clair matin de novembre. Depuis qu’il était revenu il avait vu quelques cavaliers de l’équipe mais pas encore tous et il appréhendait un peu ce moment. D’autant que c’était également la première journée durant laquelle il laissait Cathy et Keira seules. Il prenait son nouveau rôle très à cœur, et, même s’il restait parfois un peu démuni face à sa fille en pleurs, ne sachant que faire, il prenait de plus en plus d’expérience. Ils avaient peu à peu apprit à se connaître et après une semaine intensive de « baby-sitting » les choses allaient beaucoup mieux. Certes, il savait mieux comment réagir face à un cheval qu’à un bébé, mais il ne s’en sortait pas si mal. Il y avait également une nette amélioration quant à son état d’esprit : il avait retrouvé un brin de sourire. Certes, les journées restaient longues et la fatigue faisait ressortir ses démons, mais dans l’ensemble, il avait moins de mal à « garder la face » que les semaines précédentes. En somme, une certaine bonne humeur était revenue au sein du groupe et tous se sentaient plus ou moins revivre.
Cette réunion de « retour » en était également une pour Kwaïgon, qui était rentré la veille au soir, tard dans la nuit. Izikel n’avait rien fait pour savoir comment s’était passé son voyage et il restait d’ailleurs sourd aux remarques y faisant allusion. C’était encore un sujet tabou pour lui et dans l’équipe, cela gênait un peu tout le monde de toute façon. Le sujet passait donc sous silence. Certains trouvaient étrange que personne n’assistent aux funérailles de la jeune femme -étant donné tout ce qu’elle représentait pour certains- mais personne n’osait le dire à voix haute, de peur de recevoir les foudres de l’éthologue en plein visage. En attendant, le coréen, fidèle à lui-même, ne parlait pas tant qu’on ne lui posait pas les bonnes questions et tous s’en contentait. Lorsqu’Izikel entra dans l’allée des AUPA Ibériques, un calme relatif planait sur les boxes. Mais ce silence apaisant était dérangé par la bonne humeur manifeste qui filtrait de la porte à semi-ouverte du bureau. Aux sons qui en sortait, tout le monde était déjà présent… Ou presque. Le jeune homme s’arrêta un instant dans l’allée, hors de vue, savourant quelques instants le calme ambiants. Tout à coup, il se retrouvait indécis. Devait-il y aller ? Ou rebrousser chemin ? Il était à deux doigts de choisir la seconde option quand une voix familière s’éleva doucement derrière lui.
« Hey beau gosse ! Tu te fais désirer ? »
L’éthologue se retourna et sourit à Ezra qui entrait dans l’allée, lui aussi le sourire aux lèvres. Izikel haussa doucement des épaules avant de glisser les mains dans les poches de son jean.
« On peut dire ça comme ça ! »
Ils échangèrent un petit rire avant que le métis n’escorte son meilleur ami jusqu’au bureau. Quand la porte s’ouvrit, tous les regards se tournèrent en même temps vers eux et une salve de « hey » les accueillit. Le jeune éthologue eut droit à quelques accolades chaleureuses avant de prendre place là où il en restait une, entre Dean et… Louna. Ils échangèrent un sourire pincé pour Izikel mais qui se voulait chaleureux pour Louna sans aller plus loin. Les tensions étaient encore un peu vivaces entre eux et même s’il y avait un semblant de trêve, les choses restaient compliquées. Une fois tout le monde installé et Liam ayant constaté qu’il ne manquait personne, l’éleveur prit la parole, ouvrant leur réunion d’automne.
« Bien ! Maintenant que tout le monde est là, nous allons pouvoir commencer ! Avant toute chose, pour ceux qui ne les connaissent pas, je vous présente Aliénor et Yennefer ! Aliénor est une élève en formation qui va intégrer l’équipe en tant que cavalière tandis que Yen est stagiaire ostéopathe et vous serez amené à la croiser en compagnie de Myriam ou en intervention sur vos chevaux. Les filles, je vous laisserais faire connaissance avec tout le monde petit à petit. »
L’éleveur fit une pause juste assez longue pour que chacun imprime ses paroles avant de reprendre dans la foulée.
« Maintenant que les dernières présentations sont faites, passons aux choses sérieuses… J’ai beaucoup réfléchi à la meilleure façon de faire et j’ai eu bien du mal à en trouver une qui décharge un peu tout le monde. Mais je suis finalement tombé sur une bonne solution. Contrairement à ce que l’on faisait jusqu’ici où vous pouviez changer de cheval à chaque cours, j’ai décidé de confier deux chevaux à chacun d’entre vous et se sont les deux seuls chevaux que vous monterez. Enfin… Les deux chevaux que vous aurez en priorité. Au lieu d’avoir quatre séances par jour, vous en avez plus que deux chacun. Sauf quelques exceptions, c’est-à-dire Louna, Izikel et moi. Mais cela c’est autre chose. Avec tout ceci, j’ai établi un nouveau semainier de travail qui, vous allez vite le voir, vous libère du temps pour vous ou pour le Haras. »
Encore une fois, l’éleveur laissa un temps d’arrêt suffisamment long pour que tous assimilent ses paroles mais assez court pour que personne ne puisse répondre.
« Je sais que ce qui vous intéresse le plus se sont les répartitions que j’ai faite donc, nous allons d’abord parler du semainier. » « Liam ! » « Oui ? »
L’éleveur sourit malicieusement face à l’indignation manifeste de Lou et tout le monde rigole. Il sait comment les faire tourner en bourrique c’est indéniable !
« Alors, le lundi matin est consacré à la récupération des chevaux sortis en concours. Sinon c’est paddock et repos pour le reste et box l’après-midi ! Et oui c’est moche mais c’est comme ça. Le mardi matin est consacré au plat. L’après-midi au trotting ou à la longe selon la météo. Le mercredi, journée entière de cours co’. Saut le matin, plat l’après-midi. Le jeudi matin on repart sur une trotting-longe le matin et plat l’après-midi, pour alterner avec votre second cheval. Le vendredi matin est un temps libre. A vous d’y caser vos rendez-vous vétérinaires et maréchal si besoin. On gèrera les sorties en paddock. Le vendredi après-midi c’est une séance de réglage avant concours. Cela peut-être du dressage, du saut, du cross, peu importe. Le samedi matin c’est de l’entretien pur et au choix, monté, longé, bref, ce que vous voulez. Le samedi après-midi est libre. Le dimanche c’est concours. Si ce n’est pas concours, c’est libre, mais essayez de sortir vos chevaux en balade ou lâchez-les en liberté, bref, faites ce que vous voulez tant qu’ils bougent un peu. Le matin, mise à part pour Ale et moi qui nourrissons, les séances collectives ne commencent pas avant neuf heures. Ce qui vous laisse le temps, à ceux qui le souhaitent, de faire des grasses mat’. Les moniteurs peuvent caser leurs cours pour le Haras avant. De même que l’après-midi, les cours collectifs n’iront pas au-delà de seize heures. Ce qui vous laisse du temps ensuite pour faire ce que vous voulez. En ce qui concerne les séances de plat libres, c’est à vous de voir quand est-ce que vous voulez monter. Idem pour les longe et les trottings. A vous de gérer votre emploi du temps en fonction de ça. Bien, est-ce que ça vous va ? »
Une salve de « oui » enthousiaste lui répondit. Le nouvel emploi du temps était bien plus léger pour les cavaliers de l’équipe et bien que chacun garderait ses tâches d’aides dans les élevages, le fait que les séances de montes soient allégées soulageait tout le monde.
« La répartition maintenant ? » « La répartition. J’ai intégré vos chevaux de mission actuels et fait en fonction de vos affinités avec les chevaux. Je n’ai pas non plus tout chamboulé. On commence avec toi Inna chérie. Sans surprise, tu as Kaiser et Thunderous Lover à ta charge. Mais ! Jusqu’à ce qu’Izikel te donne son feu vert, c’est lui qui s’occupera de Kaiser. Ok ? » « Oui chef ! » « Kwaïgon : Kim et Eurodisney. Si tu veux arrêter la demi-pension on peut changer. » « Non ça me va. » « Très bien. Lou, sans surprise aussi tu as Rocky et Viking. » « Yeah ! » « Neyla, pour toi se sera Lady Butternut et Sheïtan, ta demi-pension. »
La jeune blondinette hocha de la tête avec un fin sourire.
« Logan, sans surprise aussi, Katy et Starwax. -pause, Logan hoche de la tête- Ale, pour toi se sera Invictus et Caraanu Pi. » « Parfait ! » « Dean pour toi c’est Crazy Boy avec Siobhan, Sio au passage tu n’as que Crazy, et Dux bien sûr. » « Super ! » « Oui ! Merci ! » « J’ai aussi fait en fonction de vos emplois du temps au centre de soins… Yen je ne t’ai pas compté puisque tu seras beaucoup chez Jeff. Aliénor toi tu seras donc avec tes deux loustics, Drink Up et Olympia. »
Les deux jeunes femmes acquiescèrent et Liam poursuivit.
« Ezra, tu auras Mériador, Chuwbaka et un petit dernier qui arrivera chez nous d’ici peu. Un jeune étalon du nom de Wig’One. Avec nous autres, tu seras le seul à avoir trois chevaux. » « Ok pas de soucis ! » « Enfin, Myriam s’occupera d’Unfor’ et des poneys. Louna aura en charge les poulains à naître conjointement avec moi. Je m’occuperais aussi d’Orcanta et Insane, conjointement avec Izikel, qui pour sa part aura également ses chevaux chez Jeff et Arès. Est-ce que vous avez des questions ? » « Oui ! Izikel ne montera plus avec nous ? »
Les regards se tournèrent vers le jeune homme qui sourit gauchement.
« Un peu moins… Je ferais les remplacements aussi si vous malades, absents et tout… »
La rouquine eut une légère moue de déception mais n’ajouta rien. Liam reprit donc son discours en détaillant son futur programme de concours mais Izikel n’écoutait presque plus. Cependant il avait une bonne raison à cela. Louna, profondément assise dans sa chaise, faisant mine de prendre des notes sur son cahier dont le dos était en équilibre sur le bord de la table pour qu’elle seule et ses voisins voient sa feuille, avait écrit un mot dans la marge à l’intention de l’éthologue. Le jeune homme avait mis quelques minutes avant de se rendre compte que les quelques mots lui était adressé…
« Je suis contente que tu sois rentré. Tu m’as l’air plus reposé. »
Le jeune homme soupira lentement avant de prendre la même position qu’elle pour lui répondre. Un simple « merci » griffonné sur le bord de sa page. Il se passe quelques minutes avant que la jeune femme ne relance la conversation silencieuse.
« Est-ce que je pourrais venir voir Cathleen ? »
Cette fois, le jeune homme eu un moment d’hésitation. Il savait que Louna voulait plus ou moins renouer et qu’elle cherchait à se faire pardonner mais il ne savait pas s’il était encore prêt pour cela. Néanmoins, il finit par accepter dans un soupir.
«Si tu veux oui… »
Cette fois, ce fut à la demoiselle de griffonner un « merci ». Ils échangèrent un sourire léger avant de s’intéresser de nouveau à Liam qui était passé au sujet des vacances de Noël.
« … Du coup, qui s’en va pendant la trêve hivernale ? »
Les mains de Lou, Neyla, Logan, Louna, Ezra, Dean et les deux petites nouvelles se levèrent. La plupart d’entre eux iraient passer les fêtes dans leurs familles respectives et Ezra invitait Inna dans la sienne. Pour une fois, ils se retrouveraient en comité très réduit. Siobhan rejoindrait Lou durant les fêtes mais il partirait après elle, étant de permanence au centre de soin. Les autres restaient au Haras, soit Liam et sa petite famille, Ale, Kwaï et bien sûr Izikel et Cathy.
« … Parfait c’est noté. Du coup, Izikel, Ale, Kwaï, nous sommes tous invité chez Peter pour le réveillon et le nouvel an. On fera un repas de noël de l’équipe à la rentrée en janvier ! » « Coooool ! »
Les discussions partirent bon train après cette annonce et Liam les libéra, samedi oblige avec leur ancien emploi du temps, ils étaient assez libres. Pour sa part, Izikel s’éclipsa assez rapidement. Il avait rendez-vous avec Jeff pour la saillie de Leota. Il n'eut pas beaucoup de chemin à faire et se retrouva bien vite dans l'allée de l'éleveur, à première vue vide.
« Jeff ? »
Le jeune homme tendit l'oreille dans l'allée silencieuse, attendant une réponse de l'éleveur... Celui-ci ne tarda pas à sortir d'un box, où visiblement il s'occupait de remettre une mangeoire neuve.
« Je suis là ! »
L'éthologue sourit en voyant Jeffrey apparaître et s'approcha d'un pas vif. Un sourire ne tarda pas à s'afficher sur les lèvres de l’éleveur qui s'essuya les mains sur son jeans.
« Je venais te voir pour la saillie de Leota. Je me suis décidé finalement. Je vais te prendre Handsome. »
Le jeune homme sourit timidement. Il avait longuement réfléchi ce choix et appréhendait un peu la réponse de l'éleveur. Handsome se faisait vieux quand même...
« Je pense que tu n'aurais pas pu faire meilleur choix que celui-ci ! Cela va faire un beau poulain ! »
Jeffrey était sincèrement ravi de sa décision, Handsome possédait une très grande place dans son cœur et savoir qu'il allait avoir un autre descendant ne pouvait que lui faire plaisir. L'éthologue fit un large sourire à l'éleveur et le prit brièvement dans ses bras.
« Merci !! » « Tu as cru que j'allais refuser ton idée ? » Sourit-il avec amusement. « J'ai eu un peu peur oui... On ne sait jamais... » « Tu vas me vexer ou plutôt tu vas vexer Handsome, il a que 15 ans et tu penses bien que je vais commencer à vendre des semences congelés avec lui. Il va être comme un coq à reprendre son rôle d’étalon. Du coup, tu veux les mettre ensemble à partir de quand ? Tu me connais, j'aime bien mettre la jument avant ses chaleurs pour qu'ils puissent faire connaissance sans trop d'agitation et d'impatience de l'étalon. » « Dès que possible... A vrai dire on peut même déjà les présenter. »
Le jeune homme eut un léger haussement d'épaule. Il savait comment fonctionnait Jeff de ce côté-là et il savait aussi que les choses se passaient un peu différemment chez Louna et Liam, qui craignaient les blessures et préférait l'insémination ou la monte surveillée... Pour sa part, il était plus du côté de Jeff, mais il ne pouvait pas blâmer Liam et Louna... Au prix des chevaux de sport qu'ils avaient dans leurs allées...
« Faisons ça maintenant dans ce cas, comme ils se sont déjà croisés dans l'écurie et vus au loin dans les paddocks. Cela va y aller tout seul cette histoire-là. » « Ça marche ! »
Jeffrey connait très bien ses étalons, surtout leur comportement avec les autres chevaux et particulièrement avec les juments. Il pratique la monte naturelle uniquement avec des étalons respectueux. Et bien souvent, ce critère est important pour lui dans l'achat d'un nouvel étalon, même si le cheval possède des capacités et une génétique formidable, si son caractère et son mental ne lui plait pas il ne l’achèterait pas. Il se dirigea vers la sellerie pour récupérer le licol de l'étalon. L'éthologue le suit, pour prendre également le licol de la jument grulla.
« On va les mettre dans le paddock du fond qui est divisé en deux, puis si cela passe bien. On les lâchera une heure avant de les rentrer au box ce soir. Et dès demain, on les laisse la journée ensemble. » « Ok ! Je te fais confiance là-dessus. »
Le jeune homme alla directement chercher Leota. La jument grullo était plutôt sociable et pas difficile avec les autres. A vrai dire, elle n'avait connu que la vie en troupeau dans sa jeunesse donc le cavalier n'était pas très inquiet. Après avoir passé le licol à la petite jument, il la sortie et alla directement jusqu'au paddock en question pour y lâcher la demoiselle. Toute heureuse de se retrouver là, elle se mit en quête du meilleur endroit où se rouler, le nez au sol. Jeffrey s'était dirigé vers le paddock des étalons pour y récupérer Handsome qui le suivit docilement. A l'approche du paddock où Izikel avait lâché la jument dans l'autre parcelle à côté, il s'empressa de faire le beau un court instant en hennissant puissamment. Quand il fut lâcher à son tour dans sa partie, il se mit à courir contre la barrière avant de finalement se trouver un coin confortable pour se rouler avant de reprendre doucement son manège sans agressivité aucune. Leota releva le nez, intriguée par les agissements de son congénère et répondit à son hennissement, bien que le sien soit plus timide. L'éthologue, ayant rejoint l'éleveur, observait la scène avec un fin sourire sur les lèvres.
« Et beh ! Pour l'instant ça va quand même... Mais Leota n'est pas farouche, t'as dû le voir... » « Je prends toujours cette précaution, mais on pourrait très bien les mettre directement, que cela se passerait bien. Surtout vu le comportement de Leota en effet ! C'est son premier poulain qu'elle aura ? » « Oui c'est son premier... J'espère que ça va bien se passer ! » « Il n'y a pas de raison que cela ne se passe pas bien ! On va bien s'occuper d'elle pendant sa gestation. » « J'en doute pas ! »
Il lui tapota l'épaule amicalement, l'étalon venait de tendre l'encolure par-dessus la clôture pour venir sentir la jument avec douceur. Puis, il se mit à brouter en restant proche d'elle, sans chercher à la rejoindre. La jument sentit le bout du nez de l'étalon avant de couiné légèrement, sans pour autant être agressive. Le calme de nouveau revenu, elle se mit à brouter de son côté, paisiblement.
« Bien ! Je te laisse les mettre ensemble dans quelques heures ?» sourit-il. « Oui pas de soucis. Je reviendrais avec Cathy ! Faut que j'aille libérer Keira... A toute à l'heure ! Et merci encore ! »
Le jeune homme sourit avant de repartir à pas rapide vers l'allée pour rejoindre son pavillon. Mine de rien, il avait encore pas mal de choses à faire.